Ce Oneshot répond au challenge des 30 baisers sur le thème 21: "Violence ; pillage ; extorsion". C'est une péplofic qui se passe en Gaule avec les conquêtes de César, je me suis également inspirée de l'épisode "les derniers outrages" de la saison 3 de Kaamelott! (ce qui explique les libertés de langage aussi!)
Dislamer: les évocations de Lex et Chloé ne m'appartiennent pas (j'ai changé les noms!) Attention au Smut!
Dédicace: à Alexiel bien sûr!
Note: les mots suivis d'un * ont une définition en fin de fic!
Re-note: j'ai enfin l'occas' d'écrire une fic avec des Romains, moi contente!
Les Derniers OutragesLe village partirait rapidement en fumée. Plusieurs maisons étaient déjà en feu, des familles entières couraient dans tous les sens et les soldats bataillaient comme ils le pouvaient dans le froid saisissant de ce mois de novembre. La première cohorte de la 13e légion avait eu pour ordre d’en finir avec ces rébellions gauloises incessantes. L’oppidum* de Brassac était l’un des derniers aux mains des résistants. Ce symbole qui chutait devait se conclure par le pillage complet des trésors des guerriers, mais surtout de la grande maison du chef des clans.
Cependant, ce fut simplement par accident que le jeune centurion Aulus, surnommé par ses compagnons d’armes Lex (car il respectait la Loi romaine avec une rigueur hors du commun), pénétra dans cette demeure bâtie au centre de l’oppidum. La fumée et la cohue n’avaient pas encore permis la répartition des biens à dépouiller. D’ailleurs le jeune homme ne pensait pas fuir le terrain pour commencer à rassembler l’or. Non, il venait de recevoir une giclée de sang dans le visage, du sang chaud qui le glaça sur l’instant. Il poussa la première porte sur son passage et claqua derrière lui. Il s’empara de sa pelisse et la passa sur son visage, le souffle court.
Une fois son regard dégagé, il cligna des paupières et pivota. Le hall de la demeure possédait un grand foyer central avec une cheminée qui perçait le toit de chaume en hauteur. Un grand siège en bois faisait office de trône au fond de la pièce, des bandes de tissus quadrillés, de différentes couleurs, tombaient le long des murs, comme des bannières représentant les divers clans réunis sous cette autorité.
En vérité, le Romain n’avait pas pensé un seul instant que ces barbares étaient capables d’un tel raffinement, surtout avec de telles matières. Il remarqua alors le bouclier peint suspendu au-dessus du siège, rouge avec un sanglier en bronze doré. Il s’en approcha, impressionné par le travail d’orfèvre. Il tendit les mains pour tenter de le décrocher.
_ Vous ne pillerez pas les armes de mon père ! Rugit la voix d’une femme dans son dos.
Instinctivement, Lex se baissa et échappa à un coup de massue. Il se retourna tout en dégainant son glaive et tomba nez à nez avec une toute jeune femme aux longs cheveux blonds et aux yeux verts embrasés. Son visage rougi par la colère détonait avec sa longue robe beige clair.
_ Sors de ma maison ! Reprit-elle en balançant sa massue à droite et à gauche.
Le centurion se dégagea du recoin pour mieux se défendre au centre de la pièce.
_ Je ne me bats pas contre une femme, préféra-t-il dire en abaissant son arme.
_ Tant mieux ! J’aurais donc le plaisir de te décoller la tête !
Il arrêta tant bien que mal la grosse massue en bois tout en tenant son glaive des deux mains. Le métal se ficha dans la masse et la bloqua. Déconfite sur le coup, la jeune femme entreprit de reprendre son arme en tirant dessus.
_ Pas comme ça, grogna le garçon en tirant de son côté.
_ Je fais c’que j’veux !
_ Je ne vais même pas te faire de mal, j’admirais juste le bouclier.
Elle lui jeta un regard de travers. C’était qui ‘ça’ au juste ? Les Romains débarquaient avec l’intention de piller et lui il entrer juste pour admirer ? Elle le dévisagea en fronçant les paupières, avec une très large suspicion. Si bien qu’il commença par se sentir mal à l’aise.
_ Quoi ? Tu n’as jamais vu un Romain ?
_ J’en ai même tués, répliqua-t-elle froidement.
Ah oui, il oubliait toujours que les femmes de ces contrées se battaient et surveillaient même les lignes arrières pour pouvoir jeter des pierres aux dégonflés de leur propre camp. Son petit côté sauvage était pourtant plaisant.
Il secoua la tête et posa son pied sur la massue pour séparer les armes. Elle se déséquilibra, tomba en arrière et se releva en un bond tout en croisant les bras.
_ Alors tu ne veux pas piller ?
_ Je me contenterai des récompenses de César, déclara-t-il avec un brin de dédain dans la voix.
_ Vraiment ? Le bouclier de mon père ne t’intéresse pas ?
_ Je regardais juste l’umbo* en sanglier.
Elle arqua un sourcil. Il ne semblait pas mentir. Elle approcha son nez du sien, il recula un peu, perplexe. Puis elle se mit à lui tourner autour en l’inspectant. C’était le soldat romain typique : cuirasse à lanières de cuir, tunique et pantalon rouges, chausses de laine et cothurnes*, pelisse de loup brun sur les épaules. Et en complément, c’était un classique ‘cheveux noirs yeux bleus’.
_ Tu n’es pas trop sale.
_ … C’est la guerre, précisa-t-il maladroitement comme pour la contredire.
_ Lave-toi le visage, et c’est d’accord.
_ Pardon ?
Elle disparut un très court instant et revint avec une cruche d’eau et un linge de toilette. Elle l’humidifia et le jeta sur le Romain.
_ Décrasse ton visage et suis-moi.
Lex passa le linge sur son visage.
_ Je n’ai pas le temps de tomber dans le piège d’un Gauloise, je dois rejoindre les hommes. Cache-toi si tu ne veux pas mourir.
_ Tss tss, tu ne connais même pas les rites de pillage ?
_ Hein ?
_ Mon père s’est absenté ce matin, vous l’avez manqué. Je suis donc seule ici. Et le vainqueur doit entrer dans la maison du chef ennemi pour prendre sa fille, donc moi. C’est comme ça pour chaque bataille. Vous vous y êtes accoutumés très facilement d’ailleurs.
Aulus cligna des paupières un instant.
_ Mais euh... On n’est pas obligé, fit-il, curieux qu’elle expose un si triste dessein avec autant de détachement.
_ Wooo ! Pour une fois que le chef est pas trop vilain et pas trop dégueux, tu ne vas t’en tirer comme ça !
_ Je ne suis pas le chef.
_ Menteur, tu portes un cep de vigne* à la taille.
_ Oui oui, je suis centurion primipile*, mais...
_ Primipile en plus ? Et ben ! Quel lot !
_ Oui oui oui, mais je ne suis pas le chef de cette invasion pour autant ! S’il existe réellement un règlement, ce dont je doute, pour ces rites de pillage, je ne suis pas la bonne personne.
Elle se gratta le front, perplexe.
_ Tu penses vraiment que je vais m’allonger et écarter les cuisses pour César ? Un primipile, c’est largement suffisant.
_ Si tu insistes, je peux te conduire à...
_ Rha ! S’exclama-t-elle. A-t-on déjà vu un nigaud pareil ! Es-tu le plus haut gradé sur ce champ de bataille ?
_ Et bien je...
_ Et ne me dis pas que César est juste à quelques lieues ! Réponds juste oui ou non !
Aulus eut une moue pensive.
_ En vérité je réprouve totalement un tel comportement. Prendre les femmes de force parce que nous sommes vainqueurs, c’est indigne de Rome. Je suis un stoïcien, les esclaves, le viol, tout ça, ce n’est pas tellement ma philosophie.
_ Un primipile stoïcien, murmura-t-elle déconfite.
Sur ce, il la contourna et se rapprocha de la porte. Non mais que diraient ses hommes s’il restait là à profiter de la fille du chef !
Elle se précipita sur la porte pour lui barrer la route.
_ Il y a forcément un de tes hommes qui t’a vu entrer ! S’exclama-t-elle. S’il te vois déjà sortir, tu vas devenir la risée de la légion !
_ Je pense qu’ils ont autre chose à faire en c’moment, s’agaça-t-il en la repoussant délicatement sur le côté.
_ Si ça s’trouve ils sont tous assis en face de la maison et attendent de se moquer de toi ! Lança-t-elle en reprenant sa place.
_ N’insiste pas, ça devient ridicule, réitéra-t-il en la repoussant de nouveau.
_ Je maintiens que tu... Oh.
Elle se figea et blêmit légèrement.
_ Quoi ?
_ Tu m’trouves moche, c’est ça ? Je ne suis pas à ton goût.
Le centurion grimaça. « Moche » ne serait pas le premier mot qui lui viendrait à l’esprit en la regardant.
_ Tu préfères probablement la rousse de la maison voisine, relança-t-elle vexée, en croisant les bras. Mais je te préviens elle en a connu des hommes ! Tu seras juste une larve au milieu de centaines d’autres avec elle !
_ Non mais si je sors c’est pour me battre, pas pour aller voir la voisine.
Elle allait répliquer lorsqu’elle vit sa soeur aînée apparaître.
Aulus eut un léger sursaut en voyant une grande blonde bien plus costaude que la petite, se planter à quelques centimètres de son visage. Elle l’observa en silence.
_ Je suis l’aînée, j’ai la priorité.
Cette fois-ci, ce fut un frisson d’épouvante qui parcourut le centurion.
_ JE suis l’envahisseur ! S’exclama-t-il finalement. JE choisis de sortir d’ici ! Et JE dirais bien aux autres de passer vous voir à l’occasion !
Les deux soeurs eurent le même geste de menace en esquissant un pas dans sa direction. Il tendit les mains devant lui.
_ Attention, je vous préviens, je hurle.
La plus jeune soupira.
_ C’est moi qui l’ai vu la première.
_ C’est moi l’aînée.
_ Mesdames mesdames, tenta de calmer Lex.
Au même instant la porte de la demeure s’ouvrit, projetant la cadette dans les bras du centurion. Deux soldats glissèrent leur tête et mirent quelques secondes à remarquer leur supérieur, entre les mains de deux blondes. Ils restèrent tous figés, puis la plus jeune glissa à terre et attrapa sa jambe.
_ Je ferai tout ce que tu veux centurion, mais en échange, épargne ma soeeeur...
L’aînée leva les yeux au ciel et abandonna.
_ Bon bon, je m’occupe dehors, fit-elle en bousculant les deux soldats qui contemplaient le spectacle inédit, bouche bée.
_ Tu t’occupes de la fille du chef, centurion ? Douta l’un d’eux.
_ En réalité je...
_ Sois doux primipiiiile, geignait la jeune fille. Je suis prête à souffrir les derniers outraaages !
_ Oh ooooh, bien bien, s’amusèrent les deux hommes. On surveille la maison, vas-y. Tu nous raconteras hein ?
Ils ne le laissèrent pas protester et refermèrent précautionneusement la porte. Aulus attrapa les épaules de la prisonnière et la releva brusquement.
_ Enfin seuls, s’amusa-t-elle.
_ Ecoutez, tout ceci est très joli, mais je n’ai pas envie.
_ Et ben force-toi ! Gronda-t-elle.
_ Mais non ça ne marche pas comme ça !
_ Tu veux que je sorte ? Pour que tes hommes voient que je ne suis même pas dépeignée ?! Menaça-t-elle.
Instinctivement, il se plaqua sur la porte pour lui boucher le passage. Il avait déjà la réputation d’un homme froid et rationnel, alors si ses hommes, qui l’avaient vu dans la posture de l’homme virile et du chef victorieux, laissait la soi-disante victime sortir comme ça, c’en était terminé de son autorité et de sa réputation.
_ D’accord d’accord. Ce que je te propose, c’est de faire semblant là.
Il ébouriffa ses cheveux et les transforma en grosse masse informe.
_ On déchire un peu la robe, tu cries et voilà.
Elle releva des yeux sombres.
_ Qui te dit que tu donnes envie de crier ?
Aulus se mit brusquement à rougir.
_ Oui enfin, ce n’est pas vraiment ce que je voulais dire...
Elle se détourna de lui, s’éloigna, attrapa la massue et revint à la charge.
_ Sale Romain ! Sors de ma maison ! Impuissant !
Il évita plusieurs coups qui auraient très bien pu lui être fatals. Son caractère impulsif commençait à l’énerver de plus en plus. Il la laissa balayer l’air avec toute la violence dont elle était capable, puis il finit par reprendre son glaive en main et il le ficha dans la massue de bois. La jeune fille laissa échapper l’arme de ses mains, surprise par le coup brutal du Romain. Elle palpa son poignet rendu douloureux.
_ Mince, tu es fort.
Il la poussa sur le rebord du foyer éteint et la bascula en arrière en attrapant ses jambes. Ses cheveux blonds se mêlèrent aux cendres. Elle avait la respiration haletante. Le creux de ses genoux au fond de ses paumes le rendait nauséeux. Il n’avait pas eu de femme depuis des mois. Et même s’il exécrait ces « rites de pillage », il dût bien s’avouer que la peau douce de cette femme était bien plus tentante que sa philosophie, pourtant si chère à son coeur et à son esprit. Ses doigts glissèrent à la naissance de sa cuisse, elle posa son pied sur sa cuirasse pour le remonter lentement. Elle avait un serpent tatoué à la cheville.
_ On serait mieux dans la chambre, suggéra-t-elle à voix basse.
Il attrapa ses mains pour la relever, elle prit son bras et le traîna dans un petit couloir sombre à droite du trône. Ils débouchèrent dans une petite chambre avec une longue paillasse sur un sommier. Une petite fenêtre ronde en hauteur faisait office de puits de lumière, créant un cercle blanc sur le lit.
Elle dégrafa rapidement sa robe et dévoila un corps mince aux formes parfaitement délicieuses. Il ne remarqua qu’à cet instant le torc en or massif qui s’enroulait autour de sa gorge. Il prit la main de la jeune femme et la posa sur son épaule pour l’attirer à lui en capturant sa taille. Il l’embrassa d’abord tendrement, ses doigts campés au bas de son dos. Elle s’en amusa un moment avant de forcer sa bouche, les deux bras croisés sur sa nuque. Et lorsqu’elle recula, ce fut pour mieux défaire sa pelisse. Aulus ne perdit pas vraiment son temps, il délaça sa cuirasse sur le côté gauche, elle s’attaqua à ses cothurnes.
_ A propos, quel est ton nom ?
Elle baissa son pantalon d’un geste brusque.
_ Azenor.
Il laissa tomber la cuirasse et retira les chausses de laine et sa tunique. Elle s’affaissa mollement sur le lit.
_ Azenor, répéta-t-il à voix basse.
Prononcer son nom accrut encore son désir. Dans le trou de lumière, n’apparaissaient que son ventre et ses deux seins, aussi roses qu’une fleur. Son visage, caché dans l’obscurité de ses bras, se dessinait pleinement dans sa tête. Il la toucha des yeux un long moment, calmant sa soif en se caressant. Elle posa la pointe de ses pieds sur son abdomen pour que ses orteils le chatouillent. Il lissa son talon, le galbe du mollet, la cuisse plus vive, puis apposa ses deux mains sur son ventre, enserra ses seins et contempla son corps se cambrer.
Elle roula sur le ventre, découvrant un long tatouage dans le dos, des spirales typiques de sa culture, et dont la dernière pointe se perdait à la naissance de ses fesses. Il suivit la longue ligne du bout de la langue.
Ah, le centurion primipile semblait plus coquin qu’il n’y semblait, se dit Azenor en se mordant la lèvre. Il souleva légèrement son bassin et la pénétra tout en douceur. Ce qui la fit vraiment sourire. Quel soin il prenait ! Elle se redressa sur ses bras et ses genoux et l’accompagna dans le va-et-vient qu’il avait commencé. Sa main au creux de ses reins et l’autre, qui caressait les lignes de son tatouage, éveillaient un plaisir qu’elle n’avait pas encore goûté.
Elle se désenclava et le poussa d’un geste sec sur le lit. Elle lui grimpa dessus et se jeta à son cou pour l’embrasser. Il la blottit contre lui et la laissa mener son rythme endiablé. Quelque part au milieu de sa perte de contrôle, il se dit qu’il avait bien fait de ne jamais la croiser sur un champ de bataille. Quelle fougue et quelle grâce se mêlaient en elle. Cette lumière crue qui chutait sur sa chevelure de lionne chatouillait ses épaules au moment où ils jouirent de leurs efforts.
Ils se laissèrent tomber sur la paillasse avec un sourire aux lèvres.
Aulus somnola un moment, détendu. La guerre semblait subitement bien loin.
_ C’est la première fois que je couche avec un homme rasé d’aussi près, fit Azenor en passant son index sur la joue du centurion. Ni même coiffé ainsi. Et parfumé aussi. Tu sens bon. C’est quoi ?
_ Un parfum d’Arabie. Au musc et à l’orange.
_ L’orange ?
_ Tu ne sais pas ce que c’est ?
_ Non. C’est une fleur ?
Aulus ouvrit les yeux. Elle était accoudée à ses côtés.
_ C’est un fruit qui pousse au soleil.
_ Ah. Ici les hommes sentent le bouc et sont sales.
_ Pourquoi ces tatouages ?
Azenor posa sa tête sur sa poitrine.
_ J’ai suivi les rites initiatiques des druides pour devenir prêtresse de la Déesse. Quand les clans se sont rassemblés pour nous défendre, j’ai abandonné ma formation pour me battre aux côtés de mon père. Ma sœur aînée a plus de valeurs que moi, c’est elle qui a gardé l’oppidum. Et puis, après nos défaites, je suis rentrée sur ordre de mon père et nous avons attendu le dernier assaut.
_ Pourquoi ton père ne s’est pas battu ici avec vos derniers hommes ? Pourquoi avoir fui ?
Elle soupira et roula sur le dos.
_ Mon père est mort il y a trois jours. Il était gravement blessé. Il venait à peine de rentrer à la maison.
Il ne pouvait pas lui dire qu’il était désolé, mais il le pensa sincèrement. Ces Gaulois étaient des guerriers d’honneur, inébranlables. Il avait trouvé étrange que ce chef si respecté soit parti en courant en abandonnant ses filles et son armée.
Azenor se redressa et s’agenouilla au-dessus de lui.
_ Je ne suis pas dupe, nous avons perdu. Toutes les femmes se sont préparées à cela, nous sommes restées ici auprès de nos hommes malgré tout. Qu’allez-vous faire de nous, centurion primipile ?
Il l’observa un instant.
_ Veux-tu vraiment le savoir ?
_ Allons-nous devenir des esclaves ?
_ La plupart d’entre vous oui, admit-il un peu à contrecoeur. Mais toi et ta sœur, vous êtes les filles du chef, vous serez des otages. Enfin… Non rien.
_ Quoi ?
_ Ta sœur aînée sera certainement une otage, elle sera reçue dans la demeure d’un aristocrate romain et sera bien traitée.
_ Et moi ?
Il se redressa et posa les pieds sur le sol.
_ Toi tu seras probablement vendue.
Le centurion attrapa ses vêtements et s’habilla dans un silence de mort. Lorsqu’il jeta un œil sur la blonde, elle semblait dormir, allongée dans la pénombre. Il aurait bien voulu lui dire qu’il l’achèterait volontiers, mais il n’en avait pas les moyens, même avec sa solde. Avec sa beauté, elle égayerait une noble domus* à Rome, et non pas l’appartement que ses parents possédaient dans une insula* du Subure*. Il sortit de la chambre en préparant mentalement un discours adapté à la situation pour ses hommes. Il passa près du foyer, hésita, puis pivota. Il recula, grimpa sur le trône et décrocha le bouclier. Il revint dans la chambre, Azenor n’avait pas bougé. Il posa le bouclier près du lit et sortit.
Le soir tombait, il faisait froid dehors et le calme était revenu. Il avait apparemment plu, les maisons fumaient mais n’étaient pas complètement calcinées. Aulus posa sa pelisse sur ses épaules.
_ Alors ?
Il y avait deux catégories dans ses hommes : ceux qui arrachaient les dents des morts, et ceux qui s’occupaient des éclopés. Une fois encore, ses légionnaires s’illustraient parfaitement dans ces deux rôles. Tandis que certains s’évertuaient à fouiller chaque maison, d’autres avaient allumé un feu devant la maison du chef, collectaient les armes pour le futur trophée et rassemblaient les blessés.
_ Alors ! Insista Lucius, son sous-officier qui l’avait surpris plusieurs heures auparavant.
_ Et bien, il s’est passé ce qui devait se passer, répliqua Aulus, gêné.
Plusieurs hommes sifflèrent, le faisant vaguement rougir. Ils s’étaient rassemblés et attendaient. César avait beau avoir doublé leur solde, les soldats trépignaient devant l’entrée de la demeure. Tout objet de valeur tombait dans le trésor de l’armée, mais lorsqu’ils étaient assez petits pour être dissimulés, les soldats se servaient.
_ Vous pouvez entrer et piller, autorisa le centurion. Vous pouvez tout prendre excepté ce qui se trouve dans la chambre de la fille cadette.
Ils acquiescèrent et s’engouffrèrent dans la demeure.
_ Veille à ce qu’ils obéissent, ordonna-t-il au deuxième sous-officier.
Il s’approcha du feu et s’assit auprès de Lucius.
Azenor s’était rhabillée et assise sur le lit, ses genoux contre elle, les yeux rivés sur le bouclier, un mince sourire aux lèvres. Les soldats fouillaient la maison et trouveraient l’or et les bijoux sans aucun problème. Elle avait remarqué qu’ils n’entraient pas dans sa chambre et qu’un homme restait devant pour s’en assurer. Le bouclier de son père, dernière relique de sa vie passée, ne tomberait dans la trésorerie de César.
Finalement, si elle avait insisté pour l’avoir, c’était peut-être parce qu’elle l’avait choisi. Aulus regardait certains de ses hommes sortir des maisons en remettant leurs cuirasses, laissant échapper des rires goguenards. A présent ces femmes seraient considérées comme des objets par les vendeurs d’esclaves et les Romains. Une guerrière comme elle ne plierait jamais à cela. Elle l’avait pris parce qu’elle voulait choisir celui qui, obligatoirement, viendrait abuser de la fille du chef.
_ Où est la sœur aînée ? Demanda-t-il subitement.
_ On a dû l’attacher et la laisser parmi les prisonniers. Elle a tué le soldat là-bas.
Il se pencha et grimaça en constatant l’état du cadavre.
_ Je sais que c’est contre ton principe philosophique, Lex, mais la cadette… elle serait pas comme un objet à partir de maintenant ?
Aulus commença par soupirer.
_ Je suppose que si, dût-il admettre.
_ Alors pourquoi tu pilles pas sa chambre ?
_ Pardon ?
_ Tu crois que Servius essaie de nourrir cette rouquine pour le plaisir ? Franchement ?
Il jeta un œil sur sa droite, le soldat tendait un morceau de pain à une jolie rousse qui s’évertuait à croiser les bras et à lever le menton. Probablement la voisine, songea-t-il.
_ Et alors ?
_ Elle fait partie de son butin.
_ Il est sous l’étendard, où est-ce qu’il va la ranger ? Relança Aulus avec sarcasme.
_ Il a passé un marché avec Tigris, le vendeur d’esclave, comme bien d’autres d’ailleurs ! Tigris conserve leurs esclaves en échange de quelques objets précieux volés ici et là.
Découvrant le trafic, Aulus ouvrit de gros yeux.
_ Comment ça ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
_ Tous terminent leur service, dès qu’ils vont rentrer à Rome, ils récupèreront leurs jolies Gauloises… La guerre est finie Aulus, insista Lucius. Nous avons écrasé la dernière résistance, tu arrives à la fin de ton service, tu vas rentrer à Rome. Tâche de revenir avec panache mon cher.
Aulus se mordit la lèvre.
_ Avé centurion primipile ! Retentit une voix à ses côtés.
Il se releva, droit comme un piquet. Un messager se tenait devant lui.
_ Un message de César, il te félicite pour la prise de l’oppidum. Il vient lui-même de battre les derniers foyers de résistance et te demande de rassembler la cohorte pour le rejoindre dans son triomphe.
_ Réponds-lui que nous serons là demain matin, vale* soldat.
_ Vale centurion, salua-t-il en tendant le bras devant lui avant de faire demi-tour.
_ Du panache, souffla Lucius à ses côtés.
Aulus inspira et pénétra dans la maison du chef. Il y régnait une toute autre atmosphère. Certains avaient eu la bonne idée de ranimer le foyer central et de s’y réfugier, d’autres admiraient leurs prises de guerre. Il en repéra un qui fixait intensément un casque en or décoré de chevaux et de spirales. Aulus lui prit l’objet des mains et continua son chemin. Il entendit l’homme retenir un juron puis pester dans son coin. Il rejoignit son deuxième sous-officier qui se rongeait les ongles en voyant ce qu’il manquait.
_ Rassemble les hommes, commanda Aulus. Qu’ils préparent un campement et surveillent la porte de l’oppidum, nous partirons à l’aurore, ordre de César.
L’homme acquiesça en faisant la tête, puis il se retira, tête basse. Aulus entra dans la chambre, Azenor était assise, le regard fixe. Il posa le casque sur la tête blonde et décida de diriger la conversation une bonne fois pour toute.
_ Je t’emmène à Rome !
_ Pourquoi faire ? Releva-t-elle avec morgue.
_ Tu seras mon esclave.
_ J’ai pas bien entendu là, ton esclave ? Toi ? Un simple centurion ?
_ Un centurion primipile, précisa-t-il froissé. Et puis je rachèterai ta liberté avec ma solde de départ, ça devrait suffire si tu n’es pas officiellement sur le marché.
_ … Mais qu’eeest-ce que j’vais faire à Rome ?
_ Tu t’occuperas de notre appartement.
Elle ouvrit la bouche.
_ Et puis arrête de te plaindre hein ! Coupa-t-il aussitôt. La voisine se tire avec un simple légionnaire, sois contente de ton sort !
Elle bondit sur ses pieds et il eut du mal à cacher son appréhension. Elle regarda à droite et à gauche et il comprit qu’elle cherchait n’importe quelle arme pour lui taper dessus. Il mit aussitôt sa main sur la garde de son glaive.
_ Prends garde, tu ferais une sacrée bêtise si tu levais la main sur moi.
_ Ne sois pas aussi peureux ! Ose me répéter une telle ignominie !
_ Je t’offrirai des oranges et du parfum d’accord ? Tenta-t-il de la calmer.
_ Et tu crois que je vais me contenter de fruits ‘qui-poussent-au-soleil’ ?! Tu seras un retraité de l’armée ! Un chômeur ! Dans un appartement en ruine !
Quelle femme vénale… Et pourtant il ne déchantait pas. Par Jupiter ! La Gaule l’avait complètement transformé !
_ Hé ! Je ne suis peut-être qu’un plébéien mais nous avons le meilleur appartement de l’insula ! Mes ancêtres ont bâti Rome aux côtés de Romulus !
_ Ça m’fait une belle jambe ! Répliqua-t-elle, poings sur les hanches.
_ C’est toi qui as insisté ! Alors le pillage de la fille du chef fait également parti du rite que tu le veuilles ou non !
Elle le dévisagea avec des yeux ronds.
_ Très bien, prends c’que tu veux.
Aulus jeta un œil sur le bouclier.
_ C’est ça que tu veux, depuis le début, remarqua-t-elle.
_ Non, en fait je cherche un moyen de transporter les deux.
_ Comment ça ?
_ Toi et le bouclier.
_ C’est le bouclier que tu veux !
_ C’était surtout pour toi, mais si tu t’en fiches, ça ne me pose pas de problème.
Il l’agrippa et la souleva sur ses épaules.
_ Hééé ! Protesta-t-elle. Lâche-moi larbin !
_ Il faudra m’appeler Domine* maintenant.
_ Dans tes rêves !
_ Perds pas ton casque, recommanda-t-il en sortant de la chambre avec son fardeau. On va s’en servir pour payer ton gardien.
_ Quoi ?!... Hé ! Attends ! Fais demi-tour !... Prends le bouclier !
FINoppidum (ville gauloise fortifiée, celui de Brassac n'existe absolument pas)
umbo (partie centrale d'un bouclier, souvent métallique)
cothurnes (sandales romaines en cuir)
cep de vigne (symbole de commandement des centurions)
centurion primipile (centurion commandant la première centurie (sur 2) de la première cohorte d'une légion, c'est le plus haut gradé d'une cohorte)
Subure (quartier populaire et parfois mal famé de Rome)
domus (demeure romaine)
insula (immeuble de Rome)
vale (salut romain, souvent pour prendre congé)
domine (maître en latin, dans sa forme vocative)