Note de l'auteur : à mon tour ! c'est court, étrange et peut-être confus malgré mes efforts, désolée
en espérant que ça vous fera passer un bon petit moment
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_T’as ouvert l’Inquisitor ?
_Tu sais à qui tu parles ?
Sa tentative d’humour tomba à l’eau, et c’est comme ça qu’elle comprit que la situation devait être grave. Quoiqu’elle s’en doutait depuis que sa cousine était entrée en trombe dans sa chambre sans prendre la peine de dire bonjour. Loïs lâcha le journal en question sur le lit de la petite blonde, qui abandonna l’ordinateur qu’elle avait sur les genoux pour observer la première page. Sa mâchoire se décrocha quand l’image la ramena à la veille…
*
_Tu vas me manquer.
_On se voit demain.
_Mais je ne pourrai pas faire ça.
Il posa les mains doucement de chaque côté de son visage et déposa sur ses lèvres un baiser chaste, à peine un effleurement. Elle sourit contre sa bouche et s’écarta pour confirmer :
_Non, tu ne pourras pas. Mais cette conférence de presse va t’amuser quand même.
_La suite m’amusera bien davantage.
Là-dessus, elle n’avait aucun doute.*
Et voilà qu’elle contemplait une photo de ce baiser en première page de l’un des tabloïds les plus lus du pays. Encore sous le choc, elle tourna les pages pour parvenir à l’article et le lut rapidement en diagonale avant de lever les yeux sur sa cousine, qui attendait sa réaction. Elle ne put que lâcher :
_Merde.
_J’te le fais pas dire.
_Merde.
_Appelle-le.
La stupéfaction et la panique l’avaient privée de son habituel sens des priorités, et elle n’y avait même pas pensé. Elle offrit un sourire reconnaissant à Loïs quand celle-ci lui tendit son propre téléphone portable, qu’elle avait dû récupérer dans son sac avant de lui amener le journal. Fidèle, prévoyante, loyale et éternelle meilleure amie. Chloé pressa le bouton d’appel rapide. La première sonnerie n’était pas encore terminée quand il décrocha. Elle n’attendit pas qu’il parle, demandant avant tout :
_Tu peux parler ?
Pour toute réponse, il laissa échapper un soupir. Alors elle voulut se renseigner :
_Avocats ou journalistes ?
_Les premiers.
Elle s’en était doutée. Vu les circonstances, il n’aurait pas laissé des reporters l’approcher à moins de trois bons kilomètres. En revanche, il était bien obligé de supporter les avocats. L’ouragan médiatique attendrait jusqu’à ce soir, à l’heure de la conférence de presse qui avait été programmée bien avant ce scandale. Les modalités du divorce en revanche ne pouvaient pas attendre.
_Elle a revu ses exigences à la hausse ?
_Évidemment.
Question stupide. Brunette Insipide Numéro 5 s’était résignée à un divorce à l’amiable qui ne lui rapporterait pas grand-chose parce qu’elle n’avait pas le choix, mais le milliardaire et la petite blonde venaient de lui offrir une pension faramineuse sur un joli plateau d’argent. Chloé retint un juron. Ils auraient dû être plus prudents, prendre des précautions, voire, dans l’idéal, réussir à attendre après le divorce avant de se jeter dans les bras l’un de l’autre. Mais non, il avait fallu qu’ils cèdent à leurs pulsions, au désir, à la tendresse, à l’amour. Et qu’ils se retrouvent régulièrement dans cette chambre d’hôtel réservée à l’année sous un faux nom. Et qu’ils soient repérés par un paparazzi.
_Ce qui est fait est fait, lui rappela philosophiquement Lex, répondant à des pensées qu’elle n’avait même pas formulées.
_C’est pire que s’ils nous avaient surpris une heure plus tôt, hein ?
_En effet.
Oui, elle s’en était doutée aussi. Une photo torride d’un milliardaire et d’une journaliste en pleine action aurait été scandaleuse, mais pas tout à fait autant que ce baiser tendre et plein de promesses. Simplement parce qu’il représentait plus qu’une sordide aventure clandestine : il prouvait que ce mariage n’était plus qu’une façade depuis des mois.
L’idée qu’il existe également des photos d’eux au lit la mit momentanément mal à l’aise, mais elle l’oublia vite. Si ça avait été le cas, l’Inquisitor n’aurait pas hésité à les publier aussi. Le journaliste avait dû attendre qu’ils soient dans le hall pour réussir à les surprendre.
_Tu vas maintenir la conférence.
_Bien sûr. Tu seras là ?
_A tes côtés plutôt que dans la foule, si ça te convient.
_Parfait. A ce soir.
Elle raccrocha sans se formaliser de son apparente sécheresse. Elle savait qu’il ne pouvait pas se permettre de petits mots doux alors que les avocats de sa future ex-femme se trouvaient dans la même pièce que lui, prêts à se jeter sur la moindre parcelle d’information pour lui extorquer un petit million de plus.
*
_Monsieur Luthor, combien cette histoire va-t-elle vous coûter ?
Chloé admira son sang froid remarquable quand il se contenta d’esquisser un sourire et de répondre calmement :
_Nous sommes en pleine négociations, je n’ai pas encore de chiffres à vous donner.
_Vous aviez organisé cette conférence pour officialiser votre divorce, est-il déjà prononcé ?
_Pas encore.
_Il ne va donc plus être question de séparation amiable.
_Non, c’est exact.
_Est-ce qu’il ne vous semble pas ironique qu’avec le nombre de scandales qui vous entourent, ce petit baiser soit celui qui risque de vous coûter le plus cher ?
_Pas vraiment.
Chloé retint un rire en sentant plus qu’elle n’entendait le soupir de frustration général dans l’assemblée de journalistes, et elle fut un instant ravie de ne pas être parmi eux, contrairement à ce qui avait été prévu avant la publication de cette photo. Lex ne leur donnait rien. Ils étaient tous venus ici dans l’espoir d’obtenir un scoop, ils repartiraient sans la moindre citation croustillante. L’un de ses confrères finit par adopter une autre stratégie en s’adressant directement à elle.
_Mademoiselle Sullivan, vous êtes-vous excusée auprès de Madame Luthor ?
Elle s’apprêtait à s’approcher du micro pour répondre, mais Lex le fit à sa place :
_L’actuelle Madame Luthor et la future Madame Luthor ne se sont jamais adressé la parole.
Tout près de lui, légèrement en retrait, Chloé savoura la réaction de la foule sans parvenir à dissimuler un sourire. Cela faisait partie d’une stratégie marketing conseillée à Lex par l’un de ses consultants : occulter le scandale du divorce sanglant par l’annonce de leur mariage à venir. Cela ne changerait rien à ses pertes financières, mais en l’épousant, il prouvait qu’il ne s’agissait pas que d’une passade, et il maintenait un certain degré de sympathie. Elle n’aurait pas accepté de jouer le jeu s’il ne s’était agi que de manipulation, mais en l’occurrence, il l’avait demandée en mariage une semaine plus tôt, bien avant de savoir que cela limiterait les dégâts dans une affaire qui n’était alors même pas encore née.
Constatant que les questions fusaient encore, elle poussa un discret soupir. Cette mascarade allait durer pendant des heures et elle allait s’ennuyer ferme. Elle était en train de se résigner à cet état de fait quand Lex la saisit par la main, l’entraîna juste assez loin du pupitre pour qu’ils ne soient pas à moitié dissimulés par le micro, la plaqua contre lui, et l’embrassa avec toute la passion dont il faisait preuve à son égard depuis des mois. Elle lui rendit son baiser avec la même ardeur, entendant avec un certain amusement les flashs se mettre à crépiter.
Ils se séparèrent au bout de quelques secondes et elle lui offrit un sourire radieux, un sourire admiratif. Il ne pouvait pas dire grand-chose aux journalistes, alors il leur avait offert mieux : des photos plus scandaleuses encore que celle publiée la veille. Il lui rendit son sourire et s’écarta le temps de reprendre le micro une seconde :
_Ce sera tout.
Puis ils disparurent tous les deux derrière l’estrade.
*
Fin