Voici donc ma production qui a valu la 2e place au challenge rouge! merci pour les votes!!
White is Perry White and Red is Elvis Red in Perry's World
Quand on est rédacteur en chef de l’un des plus grands journaux des Etat-Unis, comme Perry White, il y a des jours où le stress du scoop et de la grande affaire de l’année vous fait péter votre taux de cholestérol, votre tension et votre veine sur la tempe. Mais il y en a d’autres où l’ennui total offre des occasions aux sujets loufoques que les journalistes frustrés tentent par tous les moyens de rendre attractifs.
C’était le cas en cette belle matinée de juillet. A part la météo et le beau soleil, les plages pleines et le taux de pollution qui montait sensiblement, rien à l’horizon. Perry se débrouillait comme il pouvait pour envoyer ses reporters sur des sujets aussi passionnants que des huîtres malades, un manège détraqué ou encore une photo inédite de Superman en maillot de bain.
Bref, Perry s’ennuyait ferme. Loïs avait pris des vacances, Clark traînait dans les pattes de Loïs, Jimmy traînait dans celles de Kent... Chloé avait donc pris le journal en main. Après Lane, Sullivan était la deuxième personnalité du Daily Planet. Et autant dire qu’elle s’ennuyait ferme elle aussi.
Perry poussa un soupir et desserra son noeud de cravate en s’affaissant dans son fauteuil. Il fredonnait ‘It’s now or never’, un titre du King, en tournant pensivement les pages du journal pour la troisième fois de la matinée, prêt à n’importe quoi pour se changer les idées. Et le grand n’importe quoi poussa la porte à cet instant.
_ Chef ! S’exclama la bombe blonde en déboulant dans son bureau.
_ Quoi mon Ptit ?! Réagit aussitôt le rédacteur en bondissant sur ses pieds. Un enlèvement ?! Une corruption ?! Elvis... EST VIVANT !
_ Non chef rien de tout ça ! Je...
_ Ah ah ! Le dernier point n’était pas une suggestion.
Chloé acquiesça rapidement, habituée. Avec son chemisier blanc moulant aux très fines rayures noires, son pantalon taille basse gris sombre, une paire de bretelle de la même couleur, des richelieux pourpre aux pieds, un rouge à lèvres grenat, elle avait tout du style rétro en vogue ‘spécial lèche-bottes à Perry’ qui lui allait comme un gant. Elle glissa son crayon derrière son oreille et ses cheveux blonds au carré court.
_ Chef je viens de recevoir un appel de l’ami d’un ami qui m’a dis qu’un gang déguisé en Elvis venait de braquer le hangar LuthorCorp rempli de toutes les cochonneries de Lex vers 4 heures du matin ! C’est pas génial ça ?!
Perry cligna des paupières. Il cherchait à toute vitesse une anecdote de la vie d’Elvis pour sortir sa tirade philosophique mais son coeur s’emportait beaucoup trop pour réfléchir. Enfin une histoire ! Et quelle histoire !
_ Evitons de nous emballer, réussit-il à dire calmement.
Règle numéro 1 du rédacteur en chef : montrer tout son sang-froid pour contrôler ses ouailles.
_ Déguisés en Elvis vous dites ? Période ‘jeunesse pré-service militaire’ ? ‘Cinéma d’Hollywood’ ? ‘Disco pathétique’ ?
_ Il me semble que c’est plutôt la dernière à en croire les paillettes et la banane.
_ Mmmh.
Perry se gratta le menton. Il ne suffisait pas de dire ‘fantastique allez-y !’, il fallait aussi qu’ils prennent conscience que leur sujet était grave, sérieux, qu’il en attendait plus qu’une débauche de faits.
_ Je vais vous dire c’que vous allez fa...
Vlan ! La porte de son bureau vola brusquement. Perry observa avec des yeux ronds la grande silhouette sombre du milliardaire Lex Luhor. Costume noir sur mesure, chemise déboutonnée au col pour cause de chaleur estivale malgré la veste, et regard bleu glacial braqué sur sa protégée blonde.
_ Monsieur Luthor ! S’enchanta-t-elle en sortant son dictaphone
_ Lex, un problème ? Enchaîna Perry en se disant que finalement cette journée serait moins ennuyante que prévue.
Chloé Sullivan et Lex Luthor jouaient au chat et à la souris depuis des mois à présent. Et Perry White avait toujours assisté aux meilleurs morceaux d’anthologie chlexienne. Il croisa les mains sur son bureau, se léchant les babines à l’avance.
_ Cette... punaise est responsable de ce vol et je compte bien vous attaquer vous et votre torchon ! S’exclama Lex.
_ ‘Punaise’, Lex Luthor insulte la presse libre, récitait Chloé dans son dictaphone. A 9H54 du matin, le milliardaire fait irruption dans le bureau du très estimé rédacteur en chef du Daily Planet pour proférer des menaces.
_ Comment ça ‘responsable’ ? Ignora Perry en réglant le round.
Lex prit le journal de la veille posé sur son bureau et lui mit la première page sous le nez.
_ ‘Le hangar aux cochonneries de Lex Luthor doit-il inquiéter Métropolis ?’ par Chloé Sullivan !
_ Je conçois que le terme ‘hangar à cochonneries’ soit un peu barbare, consentit Perry avec un demi-sourire.
_ Ce que je conserve dans ce hangar n’a rien d’illégal et n’avait pas à faire la première page du Daily !
Lex pivota sèchement sur Chloé qui lui mettait son dictaphone sous le nez.
_ Vous allez me payer ce cambriolage, menaça-t-il.
_ Complexe de supériorité et d’absolu contrôle sur ses congénères, commenta-t-elle en papillonnant des paupières.
_ Cette fois vous allez trop loin, vicieuse petite blonde.
La journaliste et le milliardaire se firent face, la tension grimpa un peu plus. Perry, sortit lentement un soda, y plongea une paille et fixa la scène, avide du prochain chapitre à écrire dans ce merveilleux roman chronique.
_ Tendances sexistes à rabaisser celles qui disent la vérité.
Perry reconnut parfaitement la fraction de seconde durant laquelle Lex crut qu’il allait l’étrangler. Il ressentait ça à chaque fois que l’une de ses ouailles s’avisait de critiquer le King. Puis Lex eut un sourire en coin qui s’étira doucement. Il posa un index sur l’épaule de la jeune femme.
_ Je vous attends ce soir pour une interview.
Elle allait répliquer mais il lui coupa l’herbe sous l’pied en faisant face à Perry.
_ Et vous, si vous ne forcez pas cette sexy petite effrontée de journaliste au rabais à venir chez moi ce soir, je vous jure que j’écrase votre carrière.
Il fit une sortit fracassante qui laissa le rédacteur en chef pantois. Mais peut-être pas autant que la blonde qui se tourna vers son chef, la bouche bée.
_ Il a dis ‘sexy’ ! Ce... Ce... foutu milliardaire arrogant a dis ‘sexy’ ! Oh ! Je l’ai enregistré !
Elle se mit à rembobiner son dictaphone et à l’enclancher à répétition.
_ ‘Si vous ne forcez pas cette sexy petite effrontée de journaliste au...’ zzzvvvvvwwwip ! ‘Si vous ne forcez pas cette sexy petite effrontée...’ zzzvvvvvwwwip ! ‘Vous ne forcez pas cette sexy petite effrontée...’ zzzvvvvvwwwip ! ‘Ne forcez pas cette sexy petite...’ zzzvvvvvwwwip !
La petite blonde se rua sur la porte du bureau en lançant un ‘j’dois y aller chef !’ et disparut. Perry siffla la dernière goutte de son soda, un large sourire aux lèvres. Cette affaire de gang d’Elvis à paillettes tombait à pic, il allait enfin ajouter sa petite touche à ce jeu qui commençait à durer entre eux. Il y avait peut-être quelque chose à faire cet été finalement.
*
Les joies du samedi matin... Son bain de pieds à bulles, la presse, Elvis en fond, Perry fredonnait tout en parcourant les titres des autres journaux. Il avait bien envoyé Chloé chez Lex la veille, et il n’avait même pas eu besoin de la pousser. Ce fut donc sans surprise que la porte vola, défoncée par un coup de pied. Ou plutôt par une chaussure à talon rouge.
_ Mais c’est quoi son problème à ce type ?! Rugit la petite blonde en pétard.
_ J’en conclus que vous ne savez toujours pas ce qui se cachait dans le hangar de Luthor, fit calmement Perry.
_ Rha non bien sûr que non ! Mais j’en sais plus sur les caleçons et les ananas.
_ Plait-il ?
Elle lui jeta un regard en biais.
_ Longue histoire, grogna-t-elle.
Elle avança une chaise et s’assit en face du rédacteur qui éteignit la musique.
_ Quelle est notre stratégie d’attaque pour le Gang des Elvis Pailletés ? Demanda plus sérieusement Chloé en croisant les bras sur le bureau.
_ Leur trouver un autre nom déjà.
_ Comment ça un autre nom ? Il est très bien celui-là !
_ Mon Ptit, je crois que les D.I.D. serait plus porteur.
_ Les D.I.D. ?
_ Les Devil In Disguise, comme la chanson.
Chloé grimaça en notant la référence.
_ Qu’avons-nous sur eux ? Faites-moi un résumé, demanda-t-il.
_ Seulement un témoignage, celui du gardien de la grille de l’entrepôt. Il affirme avoir été assommé par un Elvis Pailleté rouge, puis il a rouvert les yeux, un peu sonné, juste au départ de toute une bande d’Elvis Pailletés rouge au volant d’un camion. Mais si on ignore ce qu’ils ont volé, on ne peut rien en conclure ni même anticiper un futur vol.
Perry se gratta le menton. Cette histoire l’intéressait parce qu’elle impliquait trois de ces hobbies préférés : Elvis, le scoop et ses ouailles.
_ Je vais devoir convoquer Lex pour lui demander de coopérer.
_ Oh naaaan, babilla la jeune femme. Pas luiiiii ! Cheeeeef !
_ Ta ta ta ! Pas de protestation !
_ Mais Cheeeef !
_ Pas de mais !
Il ajouta un poing sur la table qui faisait toujours une grosse impression sur ses gentils journalistes. Aussitôt Chloé se rembrunit et hocha la tête.
_ Bien. L’opération séduction peut commencer !
Perry se leva, les pieds dans son baquet, mains sur les hanches, le regard lointain. L’opération chlexienne pouvait commencer !
_ Allez vous faire belle Chloé, nous allons sortir le grand jeu !
*
A part Elvis, Perry vouait une grande admiration aux films de l’Âge d’Or d’Hollywood.
_ La femme en rouge, grommela-t-il rêveusement en machouillant un cigare.
Alice, sa petite femme, portait la même robe de soie légère et pourpre le soir où il l’avait invitée à danser la première fois.
_ Are you looonesome toniiight...
Le rayon rouge enfonça sa portière à cet instant.
_ J’aimerais bien comprendre ce plan Chef, grogna Chloé.
_ Cette robe vous va à ravir mon Ptit.
_ Je ressemble à Jessica Rabbit.
_ Je pensais plutôt à Marilyn Monroe.
_ Le mixe des deux est encore plus inquiétant.
_ La femme en rouge.
_ Et alors ?
_ Un grand classique de la séductrice. La femme fatale.
_ ... Et le rapport avec moi ?
Perry n’eut qu’un rictus. Il enfonça son chapeau en feutrine sur sa tête et démarra sa vieille Ford. Il avait bien l’intention de se servir de ce couple d’aveugles agités qui passaient leur temps à s’attirer et à se repousser comme un mauvais yoyo. La douceur de l’été, la nuit profonde et immaculée, la femme en rouge à ses côtés, une enquête sur un groupe d’Elvis Cambrioleurs...
_ Vous n’avez rien répondu.
_ Vous allez faire sortir le loup de sa tanière.
_ Traduction ?
_ Il faut que Luthor soit dans cette voiture ce soir.
_ Pourquoi faire ? Grognait de plus en plus la petite blonde.
_ Suivez juste les ordres du Chef mon Ptit.
Rha l’argument imparable. Ils s’arrêtèrent rapidement devant la porte d’un grand immeuble de luxe longeant le grand parc central.
_ Et vous croyez vraiment que Lex Luthor va relâcher la probable pouffiasse siliconée qu’il tient dans ses bras en cette merveilleuse nuit pour me rejoindre dans cette voiture ?
_ J’en mettrai ma main au feu oui.
_ C’est pour ça le grand déballage rouge ?
_ Exact Rouge-Gorge.
_ Hein ? Quoi ? Pardon ?
_ Votre nom de code. Moi ce sera Colonel.
_ Parce que vous êtes le Chef ?
_ Parce que le Colonel était l’impresario d’Elvis.
Chloé clignotta des paupières. Perry inspira lentement pour l’achever.
_ 1955. Thomas Andrew Parker approche le futur King et lui dit cette phrase mémorable : « jeune homme, pour l’instant vous valez un million de dollars, bientôt vous les aurez comptant », ça a suffi pour que le plus grand chanteur de notre temps signe avec le Colonel et pour...
La portière claquante fut le seul commentaire de Chloé. Et trois minutes chrono plus tard, la portière arrière s’ouvrit de nouveau, un romain s’y engouffra, Chloé reprit sa place à l’avant et la voiture redémarra aussitôt.
_ Je peux comprendre pourquoi ? Interrogea Lex Luthor.
Perry le fixait à moitié à travers le rétroviseur.
_ J’arrive pas à croire qu’il ait suffi d’un « descendez » pour qu’il obéisse comme ça, répéta Chloé.
_ Pourquoi vous portez... une robe ? S’enquit Perry de son côté.
_ Ce n’est pas une robe, je donne une fête costumée.
_ Et donc vous êtes en... robe... ?
_ C’est une tunique et une toge romaine ! S’agaça le milliardaire. Je suis déguisé en César Auguste ! Et cette peste en vamp apparemment !
_ Oh ! Vous avez suivi la « vamp » sans aucun problème il me semble ! Répliqua-t-elle en mimant les guillemets.
_ C’est à cause de ces... trucsmouléslà !
_ Plait-il ?
_ Ne jouez pas l’outrage, vous êtes parfaitement au courant de vos atouts, se vexa le milliardaire en croisant les bras.
Chloé se rassit correctement sur son siège. Perry jeta un oeil sur elle, la jeune femme rougissait avec un petit sourire glousseur sur les lèvres. Ils roulèrent un long moment. Lex et Chloé ne dirent pas un mot, ils n'avaient même pas remarqué qu'ils quittaient la ville pour s'enfoncer dans la campagne. Puis Chloé pivota en s'accrochant à l'appui-tête.
_ Diiiiiites, minauda-t-elle en papillonnant.
Lex lui jeta un oeil ronchon, les bras toujours croisés.
_ Vous portez quoaaaa dessouuuus ?
_ Je vous demande pardon ?
_ Sous votre robe.
_ Ce n'est pas une robe ! C'est une toge !
_ Grrr coquin... Je suis sûre qu'il n'y a rien...
Elle reprit sa place en gloussant de plus belle.
_ Et vous Perry, pourquoi tant d'élégance ? Est-ce qu'Alice va visiter le pays des Merveilles ce soir ?
Perry se permit un gloussement à son tour.
_ Mon Ptit voyoooons.
_ Dites, intervint Lex en coinçant sa tête entre les deux fauteuils. Pourquoi je suis coincé ici, entouré des deux éléments les plus dingues du Daily Planet au juste ?
Perry se racla la gorge. Vrai. Ne pas oublier l'objectif premier de cette sortie.
_ Rouge-Gorge, ouvrez la boîte à gants et sortez le journal.
_ Bien Colonel !
Chloé attrapa le Daily Planet.
_ Ouvrez-le à la page 'Scoop'.
La petite blonde cligna des paupières.
_ La quoi ?
_ La page 'Scoop'.
_ On a une page 'Scoop' ?
_ La page de Cat.
_ Oooh, je censure toujours cette information.
_ C'est la page où mes conquêtes sont listées, ajouta Lex.
_ Ouais.
_ Peut-être qu'un jour, vous y figurerez. Avec un peu de chance.
_ Dieu m'en préserve, grogna-t-elle. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
_ Lisez la dernière colonne.
_ Alors...
Elle parcourut la page des yeux et les écarquilla. Lex harponna le papier, stupéfait.
_ 'Le deuxième hangar à cochonneries de Lex Luthor' ?! Qu'est-ce que c'est que ces conneries encore ?!
_ Une stratégie, répliqua rapidement Perry en se garant.
_ … Quoi ?!
_ Mais j'ai jamais écris ça, marmonna Chloé de son côté en voyant sa signature.
_ Mais qu'est-ce qui vous prend ?! C'est quoi votre problème au juste ?! Vous cherchez la démission poussée ?! Vous êtes suicidaire ?!
_ Vous avez fait une faute là, je déteste les fautes, je l'aurais vue. Ça me rend nerveuse juste en la voyant associée à mon nom, vous voyez, j'ai la main qui tremble et le nerf optique qui tape, je sens que je ne dormirai pas pendant plusieurs nuits...
_ Mais bon sang qui m'a donné des journalistes pareils ?! Que faut-il que je fasse au juste hein ?! J'ai bien une idée de punition malsaine pour cette petite effrontée mais que dois-je faire d'un cinquantenaire qui approche le glorieux chiffre de la soixantaine hein ?!
_ Je crois que j'ai du mal à respirer en fait, je ventile, je ventile, je sens que je vais m'évanouir...
_ Je pourrais trèèèès bien faire couler du béton dans une baignoire et vous plonger dans l'océan sans que personne ne le remarque !
Perry inspira lentement et laissa sortir sa meilleure réplique en cas de panique totale de la rédaction.
_ SILEEEEEEEEEEENCE ! Hurla-t-il, faisant reculer légèrement les deux jeunes gens.
Perry posa ses mains sur le volant, appréciant enfin le calme revenu dans son habitacle.
_ Les enfants, tout ceci n'est qu'une mise en scène pour attirer les D.I.D. dans un piège. Et nous serons aux premières loges.
Il lança un coup de menton sur l'extérieur, ils étaient garés à quelques mètres de l'entrée d'un hangar à peine éclairé, entouré d'une grille plutôt haute et cadenacée. Le seul lampadaire jaune grésilla, un coup de vent fit voler des brindilles sèches et un gros nuage noir s'écarta, permettant à la lune de projeter un halo de lumière crue et froide sur la taule froissée du hangar.
_ C'est... accueillant, commenta Chloé.
_ C'est parfait, sourit Perry.
_ Et vous cachez quoi comme cochonneries dedans ? Attaqua la petite blonde, en tourna un regard suspicieux vers le Romain assis à l'arrière.
_ Je ne cache pas de cochonneries là-dedans !
_ Menteuuuur !
_ Perry tenez votre bulldog ou j'm'en occupe moi-même !!
*
Chloé était appuyée contre le capot de la voiture, la toge romaine sur les épaules, grognant dans son coin. Lex avait pu se changer grâce aux affaires de rechange que conservait toujours Perry dans sa voiture. Ce dernier n'avait pas quitté l'entrée du hangar des yeux, sur le qui-vive.
_ Au fait mon garçon, aborda-t-il. J'aimerais comprendre le lien entre... entre les caleçons et les ananas. J'avoue que je suis intrigué.
_ C'est un concept que vous ne pouvez pas comprendre.
_ Bien sûr.
_ La petite peste là, elle est célibataire ?
_ Il me semble bien oui.
_ Et comment ça se fait ? C'est quoi son défaut qui crève les yeux ?
Perry tourna un regard perplexe.
_ S'il crevait les yeux, vous l'auriez déjà identifié, vous ne pensez pas ?
_ Quand une femme me plait, j'ai tendance à être un poil aveugle.
_ Sans rire ? Se moqua Perry.
_ Alors ? Grogna Lex.
_ Mise à part sa petite manie réactionnelle face aux fautes d'orthographe, c'est la parfaite petite ouaille du Daily Planet... Je corrige, dans ce cas-là, la manie des fautes est très bien. Seulement, c'est une carriériste vous voyez ? Une opportuniste oui, je l'accorde. Elle ment à la perfection et joue sur les mots comme personne. Et puis elle est particulièrement douée au bluffe, si vous la voyiez jouer au poker, vous seriez soufflée. Entre elle et Loïs, c'est une véritable guerre.
Lex cligna des paupières.
_ Je croyais qu'elle n'avait aucun défaut.
_ Ce sont des défauts ?
Le milliardaire soupira.
_ Et quand diable jouez-vous au poker ?
_ Chaque vendredi soir à la rédaction. Moi, Mare Sullivan, la grand-mère, précisa-t-il de plus en plus emballé par la conversation. Jimmy, Clark, Loïs bien sûr, Willy l'imprimeur et Jack de la page sport.
_ … Et elle vous dépouille vraiment ?
_ Plus souvent que vous ne le croyez. On la surnomme même la Reine de Pique.
Le silence revint dans la voiture. Jusqu'à ce que Perry se mette à fredonner Love me tender. Ce qui fit fuir le milliardaire. Le rédacteur eut droit à un claquement de porte comme seul commentaire. Encore une fois. Mais ça le fit plutôt sourire. Il observa la scène et n'avait plus qu'à faire les dialogues lui-même. Ils échangèrent quelques paroles, Lex debout, mains dans les poches, Chloé assise contre le capot, les mains refermées sur la toge.
_ « Et si nous sortions dîner ? » « Est-ce réellement raisonnable ? » « Rien n'est raisonnable lorsqu'on aime. » « Oh monsieur Luthor... » « Chloé. » « Monsieur Luthor... » « Chloééé... »... Ouh là mais qu'est-ce qu'ils font là ?
Lex s'était penchée près d'elle, les paumes à plat sur la carosserie.
_ « J'ai les moyens de vous faire parler miss Sullivan ! » « Vous n'oseriez pas ! Capitaliste sans foi ni loi ! » « Gourgandine ! Mouahahahaaah ! » « Mon rédacteur en chef viendra me sauver ! C'est un homme fort et généreux ! » « Quel est le nom de cet illustre inconnu ? »
Chloé se redressa un peu, collant son nez sur celui du milliardaire. Perry en profita pour enchaîner, pris dans son scénario.
_ « Il s'appelle... Perry White ! »
Lex recula.
_ « Perry White... Le légendaire journaliste ? Elvis lui-même l'enviait... Oh j'en ai les guiboles tremblantes ! » « Tremblez oui ! Sa colèr... »
Chloé ouvrit brusquement la portière avant, s'assit et referma. Elle tourna un regard agacé vers Perry, serra les dents en tentant de prononcer quelque chose, puis elle explosa.
_ FOUTUS ANANAS !
Le rédacteur fronça les sourcils. Comment en étaient-ils arrivés là eux deux ? Le milliardaire s’enfila à son tour à l’arrière, ronchon.
_ Regardez ! S'aperçut Perry en se redressant.
Les trois visages se figèrent. Une camionette venait de se garer devant l’entrée du hangar, phares éteints.
_ Baissez-vous, conseilla Perry à voix basse, tout en sortant son appareil photo.
Cinq silhouettes en sortirent et firent quelques pas comme pour s’échauffer. L’un de ces Elvis recoiffa ses cheveux noirs gominés tout en mâchant énergiquement un chewing-gum.
_ Rho là lààà, souffla Chloé. C’est du lourd.
_ C’est ‘ça’ les gentlemen cambrioleurs ? Fit Lex, perplexe. Quelle déception.
_ Ils entrent, commenta Perry en mitraillant de photo.
_ Je flaire le gros titre « They D.I.D. it again ! » Lança Chloé.
_ Parfait mon Ptit !
_ Non mais sortez-moi de là, marmonna le milliardaire.
Les Elvis disparurent dans le hangar. Les trois témoins attendirent.
_ White is whiiite, fredonna Lex en tentant de se calmer, bras croisés, le dos calé contre la plage arrière.
_ White is Perry White mon garçon, corrigea le rédacteur en chef. Je suis blanc comme neige, intègre, incorrrruptible !
Et voui, quand on s’appelle Perry White et qu’on enquête pour la première fois depuis des années, on a le droit de se vanter sans aucune limite avec une groupie à ses côtés. Car en effet, Chloé tapota dans ses mains et lança quelques « vive le chef ! » bien dosés.
_ Et Red is Elvis Red ? Grogna Lex en levant le menton. Ou plutôt are.
Les cambrioleurs ressortaient avec un vieux tonneau noir inscrit de blanc. Perry enclancha le zoom.
_ PR83. Qu’est-ce que c’est ?
Les deux journalistes tournèrent la tête en toute synchronisation vers l’arrière. Lex bafouilla.
_ Beuh mais ! Enfin j’en sais rien ! Vous croyez quoi au juste ! Je suis le PDG ! Pas le gestionnaire des stocks !
_ Qu’est-ce qu’ils ont volé dans le premier hangar ? Insista Chloé.
_ Pourquoi je vous l’dirai ?! L’information se retrouverait en première page demain matin !
_ Beuh mais !... Non ! Nia Chloé en bafouillant.
_ Et on va les laisser s’enfuir ?!
_ Ils lisent le Daily Planet, on va leur faire passer un message demain matin, fit Perry en démarrant.
Le fourgon disparaissait dans la rue. Les journalistes allèrent immédiatement à la rédaction pour changer quelques lignes de l’édition avant qu’elle ne parte en presse.
*
Perry avait abandonné Lex et Chloé dans la salle de rédaction pour rentrer chez lui. Après tout, ils étaient prêts à se taper dessus, il ne voulait vraiment pas être témoin d’une telle chose. Mais lorsqu’il revint le lendemain matin, il était curieux de savoir comment ça s’était terminé. Il avait refilé la pellicule de son appareil au labo photo qui mit plusieurs minutes à comprendre comment la développer sans ordinateur, puis il se confina dans son bureau et souleva les lates de son store pour observer sa cour.
Il commença par voir Jimmy butter contre les angles des bureaux, pas vraiment réveillé. Le pauvre vivait dans une sous-pente d’immeuble bruyant, il ne devait pas dormir d’un juste et mérité sommeil. Le garçon s’arrêta devant quelques tables et déposa des enveloppes. Il déposait le courrier qu’il avait pris en passant. Brave gamin, songea Perry.
Cat arrivait elle aussi, toujours en robe de soirée. Enfin, ce qu’on pouvait qualifier de robe de soirée. Apparemment elle n’avait pas dormi, elle devait revenir d’une soirée de gala et d’un plan-fesses avec l’un des invités. Elle posa son sac et se laissa choir sur sa chaise, visiblement épuisée.
Tiens, Chloé aussi n’avait pas changé de tenue. Elle se pressait vers la cafetière, comme chaque matin... Minute, elle sortait du local à photocopieuses, et non pas de l’ascenseur. Elle avait dormi là ? Oh... Oooooh, voilà Luthor qui sortait du même endroit en resserrant sa cravate, et en rasant les murs, presque à quatre pattes. Il ne voulait probablement pas qu’on le surprenne ici aussi. Il s’engageait en direction des ascenseur tout en surveillant Jimmy et Cat.
Perry eut plusieurs fois l’envie d’éclater de rire en voyant le manège pas croyable qui se jouait sous ses yeux. Chloé tentait désespérément de détourner l’attention de Jimmy alors que Cat, et son incroyable pouvoir de détection d’homme-séduisant-plein-aux-as, s’aventurait du côté de Lex sans aucune raison apparente. Le milliardaire lui, finit par se retrouver sous un bureau, Chloé devant lui et faisant face à ses deux collègues. Il était temps pour Super Perry d’intervenir !
_ Et bien et bien les enfants, vous êtes très matinaux !
_ Chef, regardez Chloé, elle porte une robe de soirée, entama directement Jimmy avec un sourire sardonique.
_ Et alors, bafouilla Chloé. Ça m’arrive très souvent ! D’abord !
_ Le matin au bureau ? Relançait Cat sans cacher sa moquerie.
_ Ta ta ta, balaya Perry. C’est moi qui lui ai demandé de se vêtir ainsi. Pour les besoins d’une enquête.
_ Quelle enquête ? Chloé s’infiltre dans un club d’hôtesses ? Continua Cat en faisait glousser Jimmy.
_ Petit, ignora Perry. Va chercher des informations sur PR83, tu veux bien ?
_ Rhétorique, toujours de la rhétorique, grogna Jimmy en s’éloignant.
_ Cat, commencez par vous changer et prendre un peu de repos, vous voulez bien ?
_ Comme si on avait le choix, marmonna-t-elle en s’éloignant à son tour.
Chloé déglutit. Généralement, quand Perry employait la voix mièvre et le « tu veux bien », c’était une façon d’éloigner de possibles témoins avant d’exploser.
_ Si Lex veut bien se donner la peine de se relever.
La petite blonde se figea. Perry fixa le bureau. Rien ne vint. Il se baissa. Vide. Le filou ! Il s’était tiré par l’autre côté du bureau !
_ Tiens mais vous êtes tous si matinaux ! Intervint la voix du milliardaire, comme si de rien n’était.
Chloé se massa les tempes.
_ Par où êtes-vous arrivé ? Interrogea Perry.
_ Et bien euh, par les escaliers, les ascenseurs rechignaient.
_ Les escaliers ? Et vous n’êtes pas essoufflé ?
_ Hé hé ! Je suis un sportif !
_ Inutile, coupa Chloé. Il sait tout.
_ Quoi ? Il sait quoi ?
Lex allait de l’un à l’autre en clignant des paupières.
_ Oh.
_ C’était accidentel chef, expliqua Chloé.
_ Accidentel accidentel, marmonna Lex. Il me semble bien que lorsque tu m’as coincé contre la porte, tu étais consciente.
_ Oui, comme quand tu as dégrafé ma robe.
_ Et qui a commencé avec ses... trucsmouléslà ?!
_ Une paire de seins et ça y est, tu t’sens plus ?!
_ C’est pas n’importe lesquels ! Ce sont les tiens !
Chloé resta muette sur le coup, puis elle attrapa son col de chemise et l’attira à elle.
_ T’es trop mignon, grogna-t-elle avant de l’embrasser.
Perry recula d’un pas. Finalement ça aurait été simple.
_ Ah bah oui je comprends maintenant, intervint Jimmy avec un sourire gaugenard.
_ Des nouvelles ?
_ Tenez.
Il lui tendit un papier tout en fixant le couple et en gloussant.
_ C’est bon Jimmy, tu peux y aller, insista Perry.
Perry lut le papier et fronça les sourcils.
_ Les enfants, appela-t-il une première fois. Regardez ça.
Lex et Chloé étaient bien trop occupés à se dévorer pour l’écouter. Perry se racla bruyamment la gorge, les rappela et finit par abattre son poing sur le bureau. Le couple sursauta et se sépara bien vite.
_ Bon, regardez ce que nous avons là, le PR83 est le code de la laque d’alizarine. C’est un pigment chimique rouge fabriqué à partir du colorant d’alizarine.
_ En gros ils ont volé du rouge, résuma Lex en caressant discrètement les doigts de la petite blonde.
_ En gros oui.
_ Et pour en faire quoi ? Ils veulent synthétiser le rouge parfait pour leur costume ? Se moqua Chloé.
_ S’ils mordent à l’hameçon, nous le saurons bien vite. Nous n’avons qu’à patienter au journal.
*
Et ils patientèrent. Perry maintint sa rédaction et constata que Lex et Chloé recommencèrent leur machination par deux fois dans la matinée. La première fois en prétextant une fringale subite et en se chamaillant pour savoir quoi ramener (ils concluèrent avec innocence qu’ils devraient y aller à deux), la seconde fois en s’engueulant pour de vrai (ou du moins il lui semblait) et pour terminer cette rixe à l’écart.
Jusqu’à ce qu’un mot débarque sur le bureau de Perry, aux alentours de 15H.
« Oh yeah ! Sur le toit ! »
_ Bon sang ! Hurla-t-il en surgissant de son bureau. Où est Sullivan quand on a besoin d’elle !
_ Dans le local des fournitures, fit Jimmy en passant. Mais si j’étais vous, je ne m’y aventurerai pas !
Ok. Cette fois il fallait cesser le Chlex, et vite ! Perry se dirigea jusqu’à la petite porte discrète, d’un pas décidé. Il ne prit pas le temps de frapper et ouvrit le battant en grand avant de se figer devant le spectacle. Chloé effeuillait un bloc de post-it en récitant un « je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout » alors que le milliardaire échappait des semblants de gloussements, plusieurs post-its colorés collés sur lui et indiquant, avec l’écriture de Chloé, que ses épaules étaient « à moa », son front était « à moa », et toutes les autres parties du corps possibles et inimaginables.
_ Euh, je dérange ?
Lex eut un sursaut et fit disparaître en un tour de main les morceaux de papier, Chloé arriva au dernier post-it avec un « je t’aime un peu » qu’elle lui colla sur le front d’un geste brusque.
_ Nan, plus maintenant, grogna-t-elle.
_ Moui... Les Elvis ont pris contact, ils sont sur le toit.
Ils se précipitèrent sur les ascenseurs et grimpèrent au dernier étage avant d’emprunter un petit escalier qui donnait sur une vieille porte grinçante.
_ Soyons clairs les enfants, briefa Perry. Restons calmes et professionnels. Aucune menace, nous sommes la presse.
Chloé se redressa comme si elle entendait l’hymne national. Lex, lui, se sentait nettement moins impliqué. Perry ouvrit la porte et reçut une brise fraîche sur le visage. La chaleur était pourtant belle et bien présente. Juillet gardait ses promesses. Il fit quelques pas sur le sol en béton, puis il aperçut un rayon rouge un peu plus loin. Il s’avança vers la silhouette un poil bedonnante qui s’appuyait contre la rambarde.
_ Monsieur White, fit l’homme en se retournant.
Pantalon patte d’eph’, chemise hawaïenne, veste en cuir, cheveux noirs en banane et lunettes de soleil, le parfait petit costume civile d’Elvis.
_ Que me vaut le plaisir ? Ajouta-t-il en passant sa main dans ses cheveux après avoir aperçu Chloé.
Cette dernière retint un frisson. Lex leva les yeux au ciel.
_ Nous souhaitons savoir pourquoi vous commettez ces vols, entama Perry en brandissant une enveloppe. Nous avons des photos comme preuves de vos méfaits.
_ Oh yeah ! Commenta brusquement l’Elvis en levant un index en l’air.
_ Euuuh... Nous n’hésiterons pas à nous en servir, continua Perry, perplexe.
Ce pourrait-il qu’il soit complètement fou ?
_ Vous synthétisez du rouge ! Lança Chloé un peu agacée.
Elvis pivota vers elle et s’en approcha en levant ses lunettes. Il attrapa sa main et en baisa le dos avec un sourire qui se voulait ravageur. Chloé haussa les sourcils.
_ Si je suis un idiot de t’aimer... C’est simplement que je veux l’être, déclama-t-il. Ils disent que je suis juste ta marionnette et que n’importe qui peut voir que tu joues et que tu n’es pas amoureuse de moi, fit-il en désignant Lex et Perry du menton.
Il exécuta une passe de jambes à la Elvis avec un mouvement du bassin qui aurait rendu folles et tué toutes les mamies en souvenir de leur jeunesse.
_ Les choses qu’ils disent sont peut-être vraies mais il y a quelque chose qu’ils ne voient pas, c’est que si je suis un idiot de t’aimer... C’est simplement que je veux l’être.
Lex relacha ses bras, stupéfait par son toupet. Chloé ouvrait des yeux ronds. Perry inspira et fredonna l’air de « I’m a fool for loving you ».
_ Euh ok, finit par dire Chloé en retirant sa main de force. On va rester calme. L’amoureux d’Elvis ici c’est Perry White.
_ Grrrr, tu rends fou le King !
_ Hin hin, je vais redescendre dans le monde réel.
_ Je vais te le faire connaître le monde réel !
_ Bon ça suffit maintenant, intervint Lex en repoussant délicatement Chloé pour faire face à l’impertinant King. Pourquoi vous volez mes cochonneries à moi au juste ?!
_ J’espère que j’en fais pas partie, marmonna Chloé, vexée.
_ C’est un projet secret, répliqua Elvis tout en lançant des clins d’oeil à la petite blonde.
_ Arrêtez de lorgner ma copine, s’énerva Lex en lui tapotant l’épaule avec son index.
_ Tu n’as pas à dire que tu m’aimes, reste juste à portée de main, chantonna Elvis en reprenant ses mouvements.
_ Je vais lui péter l’nez, murmura Lex en esquissant un coup.
Perry le stoppa juste à temps.
_ Si tu cherches les ennuis, tu es venu au bon endroit, entama-t-il en déclamant les paroles de « Trouble ».
L’attention d’Elvis revint entièrement sur lui.
_ Si tu cherches les ennuis, regarde-moi en face, je suis né en rispostant.
_ La renommée de Perry White est méritée, constata-t-il. Un peu moins de conversation, un peu plus d’action s’il vous plait, toute cette agravation ne me satisfait pas, enchaîna-t-il avec « a little less conversation ».
_ Tu es le diable en personne, tu as triché et tu as comploté, répondit Perry en reprenant de l’assurance grâce à « Devil in Disguise ».
Elvis étira un sourire.
_ Vous n’avez qu’à nous dire où nous produirons notre dernier cambriolage.
_ Pourquoi voler du PR83 ?
_ Le rouge...
Enième passement de jambe avec déhanché torride.
_ C’est la passion d’Elvis ! Rugit-il avant de se tourner une nouvelle fois vers Chloé. Oh bébé, laisse-moi être ton nounours adoré, mets-moi une chaîne autour du cou et emmène-moi où tu veux.
_ Nan, sans façon, refusa poliment Chloé.
_ La prochaine fois, assura-t-il en ménageant sa sortie.
Une fois la porte fermée, Lex explosa une seconde fois.
_ Qu’est-ce que c’était au juste ?! L’auteur n’a plus d’imagination ou quoi ?! On va devoir accepter un truc pareil ?! Et on fait quoi maintenant hein ?!
_ Du calme, songeait Perry, poings sur les hanches. Elle a sûrement un plan... Enfin j’espère.
_ Diiiiiiites, minauda Chloé.
_ Quoi ? Grogna Lex.
_ C’est vrai que je suis votre petite amiiiiiie ?
_ Tu me vouvoies après avoir marqué mes fesses de ton post-it ?
Elle se balança de droite à gauche en gloussant. Perry revint à des choses plus importantes pour la fin de son enquête.
_ Il faut faire une édition spéciale et leur donner l’endroit d’un dernier hangar pour les piéger définitivement !
_ Et vous ne trouvez pas ça trop facile ?
_ C’est la seule solution de l’auteur, pas de discussion !
Lex roula ses yeux dans leurs orbites.
*
_ Allô Alice ?... Oui mon coeur, j’ai pris mon déjeuner... Je ne t’ai pas réveillé ce matin en partant ?... Tant mieux tant mieux. Je devrais rentrer un peu plus tard ce soir ma chérie... Une enquête, comme dans le bon temps !... Nan je te le lirai, promis... Je t’aime... Nan toi raccroche... Toi raccroche... Huhuhuhuu... A plus tard oui... Au revoir.
_ Ouuuuuh Perry est amoureuuux-euuuuuh, se moqua Chloé, avachie dans un fauteuil en face de lui.
_ Je pourrais vous retourner la même constatation.
Chloé cligna des paupières.
_ Nous devrions y aller, l’heure fatidique approche.
La journaliste opina du chef et se leva. Ils armèrent leurs appareils photos, leurs blocs notes et stylos, puis ils sortirent du bureau.
_ Ce n’est pas un peu salop de leur faire un coup pareil ? Après tout, ils n’ont fait que voler du rouge et autres vieilles cochonneries qui traînaient non ?
_ C’est un défi qu’ils nous ont lancé. Depuis le début, le Daily Planet fait partie du jeu. Ils savent très bien quelle est ma passion pour le King. Ils se sont servis du Daily Planet pour leurs larcins.
_ Vous pensez qu’ils improvisent depuis le début ? Ils ne savent pas quoi faire avec ce qu’ils ont volé ?
_ Possible. Ils s’ennuient peut-être autant que mois pendant l’été.
_ Cet Elvis d’hier, son visage ne vous disait pas quelque chose ?
_ Non, rien.
_ Il aurait pu faire parti de vos connaissances.
_ Il aurait pu c’est vrai. Où doivent vous rejoindre vos fesses ?
_ Hein ?
_ Luthor.
_ Ah ! Devant son hangar.
_ Est-ce que tout cela signifie que vous arrêterez d’écorcher sa réputation dans le journal ?
_ Et ben en fait j’avais un sujet sur les hommes et les ananas, en tout bien tout honneur... Il ne devrait pas se sentir trop visé, enfin au départ en tous cas.
_ Hin hin. Vous ne cherchez pas les ennuis avec votre nouveau chéri ?
_ C’est ce qu’il aime, les hommes qui ont du pouvoir veulent être humiliés et dominés, assura-t-elle en hochant la tête.
_ Un peu comme moi c’est ça ? Grogna Perry, pas vraiment convaincu.
_ Voui valà c’est... NOOOOOOOON ! Pas du tout chef ! Vous vous êtes toujours le chef ! Un chef reste le chef à tout jamais ! Lex n’est qu’un demi-chef, un riquiqui nabot à côté de la chef-attitude de seigneur que vous avez chef !
_ N’en faites pas trop tout de même.
_ Ahem, oui.
Ils sautèrent dans un taxi en cette belle fin d’après-midi et roulèrent un bon moment. Lex avait choisi le site, une sorte de hangar désinfecté, sans aucun reste à l’intérieur. Ils ne pourraient donc rien voler. Alors que feraient-ils ?
_ Par ici !
Lex leur fit signe. Il avait ouvert le hangar de part en part et attendait de l’autre côté. Les deux journalistes traversèrent le vaste espace pour le rejoindre.
_ Ils ne devraient pas tarder.
_ Il fait encore jour pourtant, remarqua Chloé.
_ J’ai fixé une heure en code dans le journal pour qu’ils viennent en plein jour, précisa Perry.
_ Ça changera quoi ? S’enquit Lex.
_ Ils seront à découverts.
_ Mais pour faire quoi, il n’y a rien là.
_ C’est à nous de les mettre à l’épreuve.
Perry s’éloigna de quelques pas pour qu’ils arrêtent avec leur fatalisme qui ne cachait qu’une envie de retraite de dix jours dans une chambre d’hôtel. D’ailleurs, lorsqu’il leur jeta un oeil, ils étaient en train de fuir discrètement derrière de la taule froissé. Il dût hausser le ton pour que ces deux électrons libres se focalisent un peu plus. Si ça se trouvait, ces Elvis étaient de dangereux terroristes ! Ils préparaient un coup d’état !
_ Les voilà !
Ils se figèrent. Le fourgon se gara en face d’eux. Il y eut un court instant de battement, puis la troupe d’Elvis sortit énergiquement et trois d’entre eux entamèrent une chorégraphie digne des meilleurs sosies de Las Vegas. Les deux autres s’agitaient apparemment dans le coffre.
_ Ils nous font quoi là... Chuchota Lex, abasourdi.
_ Pure folie... Commenta Chloé, hypnotisée malgré elle par les clins d’oeil à répétition qu’ils lui envoyaient.
_ De toute ma carrière, je n’avais jamais vu ça, répétait Perry en prenant des photos.
Ils se figèrent subitement et les deux derniers jaillirent du fourgon en hurlant.
_ DISPERSIOOOOOON !
Ils se mirent à courir dans tous les sens, abandonnant la camionnette au milieu du hangar. Les trois témoins hésitèrent sur l’instant. Perry se mit à reculer en voyant de la fumer s’échapper du véhicule.
_ On devrait fuir nous aussi.
_ Pourquoi ? Je comprends rien, une danse et c’est tout ? C’est aussi de l’impro là ? C’est permis d’écrire un truc pareil ?
_ Lex, arrête de râler et cours, conseilla Chloé en suivant un Perry qui avait déjà détalé.
_ Hein ?
Le temps qu’il se retourne et les deux rats du Daily cavalaient à plusieurs mètres. Lex resta hébété un court instant, puis une odeur étrange et dérangeante le poussa à fuir. D’abord avec incrédulité, puis à toute vitesse. Quelques secondes plus tard, la fourgonnette vola en éclat et provoqua un souffle qui laissa s’échapper un nuage rouge sang. Il gonfla, gonfla et s’éleva, comme une masse qui ne se disperçait pas. Perry avait roulé sur le dos et le prenait en photo, stupéfait. Le nuage bougea tout en stationnant et curieusement, des choses identifiables se formèrent.
Chloé se redressa et pencha la tête. Ok. C’était probablement l’enquête la plus bizarre de toute sa carrière... vie même. Lex grommelait déjà, il allait hurler à l’arnaque et exiger son retrait de cette histoire dans les plus brefs délais. Quant à Perry, la seule réaction qu’il put avoir, en lisant le nuage écarlate, fut d’éclater de rire tout en le photographiant et en prenant des notes.
*
Épilogue en deux lignes.
_ « Personne ne connaît encore l’identité des cinq Elvis qui ont provoqué, cette après-midi, un nuage rouge et visiblement permanent dans le ciel de Métropolis. Plusieurs scientifiques se penchent sur le sujet tout en admirant la possibilité d’écrire « WE LOVE ELVIS » avec de la fumée. Les enquêteurs ont recueilli un témoignage plutôt mitigé des seuls témoins restés anonymes. Certains parlent de journalistes du Daily Planet qui auraient... »
_ Tu veux pas éteindre la radio ? Grogna Lex, étendu, nu et post-ité sur le lit de la chambre d’hôtel.
Chloé tendit le bras et fit taire la radio. Le calme revint dans la pièce. L’obscurité baignée de fraîcheur se teint lentement de rouge et Lex entrouvrit faiblement les paupières. Le nuage passait lentement devant la fenêtre.
_ ‘taaaaain, et en plus il brille dans la nuiiiit...
Fin et désolée ^ ^˝