Ce Oneshot répond au challenge des 30 baisers sur le thème "Sans égal, invincible". C'est la suite directe des chapitres "Les derniers outrages" et "A la limite du supportable", il vaut mieux les avoir lus! (ah et ils sont dans la section NC-17!)
Dislamer: les évocations de Lex et Chloé ne m'appartiennent pas (j'ai changé les noms!)
Note: les mots suivis d'un * ont une définition en fin de fic!
Re-note: Merci beaucoup Six' et Chlo pour vos encouragements!!
finalement je pense que j'ai fais Azenor un peu plus douce ^^"
Dédicace: à Marc Antoine, il doit bien être quelque part mon chouchou!
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Aulus inspira et posa le pied sur le marbre lustré. La domus de Marc Antoine était anciennement celle de Pompée le Grand. Depuis, le noble consul était mort en Egypte, le Sénat était vaincu, Cicéron et Brutus avaient demandé pardon et César convolait avec Cléopâtre depuis plusieurs mois. Rome était plongée dans une quiétude en demi-teinte. Certes, il n’y avait plus le camp de César contre celui du Sénat, mais la situation politique encore vague poussait les brigands à secouer les rues de la capitale. Dans le Subure, Aulus s’en rendait bien compte. Il ne comprenait cependant pas pourquoi Antoine l’avait convoqué.
Il resta dans l’atrium* un moment. La richesse de la demeure s’exprimait en couleurs, des fresques sur les murs, les amours des dieux, les exploits des héros de Troie, Mars triomphant, on reconnaissait les nouveautés apportées par Antoine au moment de son aménagement. Des couchettes de bois précieux, des coussins de soie, un guéridon de marbre supportait un plateau d’argent et du vin frais. De sa position, Aulus pouvait apercevoir le tablinum* et le péristyle, son jardin verdoyant et les statues blanches d’élégantes déesses sous le soleil.
_ Aulus !
Le jeune homme pivota en voyant le général arriver. Antoine n’était plus tribun, il gouvernait Rome en l’absence de César.
_ Ave consul, salua Aulus poliment en faisant attention au nouveau titre.
_ Alors, la vie dans le Subure ? Lança Antoine en se servant une coupe de vin.
_ Plutôt bonne. Quelques désordres comme dans d’autres quartiers, mais bonne.
_ Et la menuiserie ?
_ Ça peut marcher.
Un haussement de sourcils l’engagea à en dire plus.
_ Mon atelier a été dévalisé deux fois.
_ C’est bien la raison pour laquelle je t’ai fais venir, entama Antoine en lui tendant une deuxième coupe. Rome est parcourue de meutes et les cohortes de la milice sont dirigées par un imbécile, un eunuque qui court se cacher entre les cuisses de sa lupa* à la première alerte !
Aulus cligna des paupières.
_ J’ai besoin d’un homme comme toi, Lex, appuya Antoine en posant sa main sur son épaule. J’ai besoin d’un incorruptible, tu es l’homme de la situation.
_ Euh… J’ai peur de comprendre à vrai dire, murmura Aulus.
Antoine eut un sourire en coin.
_ Je te nomme préfet de Rome, invincible centurion primipile !
La charge de préfet de la Ville était habituellement réservée aux sénateurs, et non pas aux simples citoyens. Mais César avait nommé des chefs gaulois au Sénat et Marc Antoine détestait ces patriciens autant qu’ils le haïssaient en retour. Ce n’était donc pas tellement étonnant en ces heures troubles.
_ Invincible est un bien grand mot, grommela alors Aulus.
_ Sept années de guerre et pas une égratinure ! Tu es invincible préfet !
Il aurait plutôt dis ‘chanceux’ lui. Cela dit, il avait été vaincu une fois, par une peste blonde dans une hutte gauloise.
_ Tu auras à ta charge les cohortes urbaines et quatre tribuns pour te seconder, dit Antoine en attrapant un rouleau de papier que tenait un esclave dans un coin de l’atrium. Voici ta nomination. Dois-je y appliquer mon sceau ?
Avait-il réellement le choix ? Son affaire connaissait des difficultés à cause du quartier, mais il aimait ce qu’il faisait. Et retourner au monde militaire l’angoissait un peu. Et puis vivre dans la caserne, très peu pour lui !
_ Je vais me marier, annonça-t-il rapidement.
Son esprit cherchait à toute allure une excuse plus valable, mais rien ne vint.
_ Te marier ?
Antoine sembla surpris, puis un large sourire moqueur égaya son visage.
_ Alors la souris gauloise ?
Il éclata de rire. Il ne se rendait pas compte que si Azenor entendait cela, elle le rouerait de coups sans ménagement.
_ Tu es sérieux ? Se moquait-il. Bon sang ! Tu ne sais pas dans quelle galère tu t’embarques ! Mais soit ! Tu peux te marier et vivre avec ta superbe épouse, tu travailleras à la caserne le jour !
Mince, ça ne changeait rien…
Antoine déplia le rouleau sur le guéridon et fit un signe à son secrétaire. L’homme lui apporta rapidement un bâtonnet de cire qu’il fit fondre au-dessus d’une lampe avant de laisser perler de grosses gouttes rouges. Antoine apposa son sceau, toujours hilare par la nouvelle.
_ Fais bien les choses, je viendrai à la cérémonie avec ta ravissante belle-sœur. Après tout, avec ta nouvelle solde, tu vas pouvoir te faire construire une petite domus loin du Subure pour ta Gauloise !
_ Mmh. Peut-être, marmonna Aulus.
_ J’en ai entendu de bonnes à ce propos, aborda-t-il en lui remettant le rouleau d’office. Comme quoi c’est toi qui es entré dans la maison du chef pour t’occuper de sa fille… Fille que tu vas épouser apparemment.
Aulus pâlit. Antoine le fixait droit dans les yeux avant de continuer à voix basse.
_ Tu vois, c’est pour ça que je te fais entièrement confiance. Un homme si droit qu’on le surnomme Lex mais qui a suffisamment de couilles pour faire venir en douce à Rome une princesse gauloise et en faire sa femme dans le quartier le plus malsain… J’admire.
S’il ne l’avait pas connu depuis des années, Aulus n’aurait pas vu la menace qui se cachait derrière cette moquerie. S’il s’avisait de refuser le poste de préfet, il serait traîné dans la boue pour avoir participé à ce petit trafic d’esclaves.
_ Je me rendrai à la caserne dès demain matin, dit-il en rangeant le rouleau dans un étui cylindrique qui en contenait déjà un.
_ Bien ! A plus tard Aulus ! Préfet devrais-je dire !
Antoine disparut dans la demeure. Aulus inspira profondément avant de sortir. Il venait à peine de se procurer l’acte d’affranchissement d’Azenor, s’il la demandait en mariage juste après, elle fuyerait en courant. Sur le pas de la porte, deux miliciens l’attendaient déjà, cuirassés, lance à la main.
_ Ave préfet ! Se dépêchèrent-ils de saluer.
_ Ave, répliqua Aulus en se résignant définitivement.
_ Nous sommes chargés de ta protection, préfet.
En voyant leur façon unique de lacer un casque à l’envers, Aulus se dit qu’il aurait du pain sur la planche.
_ Rentrez, je n’ai pas besoin de protection aujourd’hui.
Ils échangèrent un regard un peu surpris.
_ Et mettez de l’ordre à la caserne, je vous tiendrai pour responsables si quelque chose cloche demain matin pendant la première inspection.
Ils déglutirent, tendirent le bras pour le saluer et partirent au trot. Il valait mieux les prévenir qu’il ne plaisanterait pas avec ses hommes. La tâche pour ramener l’ordre à Rome était encore grande. Aulus pressa le pas pour rejoindre le Subure. Le point positif restait que la magnifique petite blonde s’habituait très bien à sa nouvelle vie. Elle en arrivait même à superviser le travail des deux esclaves qu’il avait achetés pour l’atelier. Esclaves qu’elle avait elle-même choisis. Le fait qu’ils soient Gaulois devait probablement en être pour quelque chose. Mais ils travaillaient bien et connaissaient très bien le bois pour avoir toujours vécu dans une forêt.
Aulus s’approcha de la porte de l’atelier, il s’appuya sur le comptoir de la boutique et regarda silencieusement Azenor, penchée par-dessus l’épaule d’un grand blond qui sculptait des pieds de lit avec une finesse impensable pour sa carrure.
_ Yo* Azenor !
Elle leva la tête et se redressa avec une espèce de demi-sourire qu’il interprêtait à sa manière : « je suis contente de te voir ! ».
_ Qu’est-ce que tu fiches ? Feignant ! Lança-t-elle.
Evidemment.
_ Tu veux te marier avec moi ?
Elle cligna des paupières.
_ Hein ?
_ Te marier avec moi, répéta-t-il un nœud au creux de l’estomac.
_ Ça veut dire que je suis libre ça non ?
Elle avait toujours une manie de penser très à elle. Aulus soupira discrètement et sortit le rouleau.
_ Tiens, cette fois tu es libre.
Elle lui arracha presque le papyrus des mains pour le serrer contre elle.
_ Je suis liiibre, gloussait-elle dans son coin.
Aulus se mordilla la lèvre. Bon sang ! Il voulait l’épouser et elle ignorait même son prénom ! Soit, on l’appelait Aulus, et ce depuis son premier jour dans l’armée. Mais en réalité il se prénommait Publius. Aulus Publius Lex*. Non seulement elle ignorait son prénom, mais en plus elle ne voulait de lui que sa liberté.
_ Je vais aux bains, je reviens pour le dîner, indiqua-t-il avant de s’éloigner.
Il traîna un peu dans la rue en se demandant qui épouser à la place pour réchapper à la caserne. Livia avait une sœur, il pouvait toujours demander. Il pressa alors le pas et ne s’attarda pas dans les cuves d’eau. Il ressortit des thermes plus déterminé que jamais.
_ Livia ! Interpella-t-il en entrant dans la cour intérieure.
_ Aulus ? Fit-elle en se retournant alors qu’elle puisait de l’eau à la fontaine.
_ Ta sœur est mariée ?
La question abrupte la fit plisser les yeux.
_ Euh non. Pourquoi ?
_ Je cherche une femme à épouser.
_ Vraiment ?
_ Oui pourquoi ? Tu sembles bien étonnée.
_ Je croyais que tu étais attachée à Azenor.
_ Oui et bien…
Il se gratta la tête, l’air songeur.
_ Elle est libre à présent. Je pense qu’elle va rentrer chez elle.
Livia acquiesça, attrapa sa nuque, l’attira à elle et l’embrassa. Figé sous le coup de cette attaque surprise, Aulus ne bougea pas d’un pouce. Depuis les campagnes en Gaule, il n’avait connue aucune autre fille qu’Azenor. Il ouvrit les yeux et examina avec curiosité ce baiser. C’était totalement différent et il n’en voyait pas du tout l’intérêt. La bouche d’Azenor était bien sans égale. Chacun de ses baisers était sans égal. Cette princesse était sans égale. Il devrait peut-être bien la pousser à l’épouser et à rester à Rome avec lui plutôt que de la laisser filer.
_ Livia, fit-il en la repoussant doucement. Tu es mariée.
_ Mais c’est toi que j’aime depuis toujours !
_ Désolé, dit-il simplement en s’éloignant.
Finalement déménager n’était pas une mauvaise idée. Il avait déjà repéré quelques petites domus sur le Champs de Mars, derrière le Capitole. Ce quartier était encore à exploiter. Pompée avait fait bâtir un théâtre et des jardins dans le coin, il ferait bon vivre en dehors de la première muraille romaine.
_ Je suis rentré, annonça-t-il en ouvrant la porte de l’appartement.
_ Dis donc beau gosse, lui répondit la voix d’Azenor.
Il baissa des yeux étonnés. La blonde était attablée, de la cervoise fraîche servie dans un grand gobelet, un genou replié sous le menton, des olives noires à moitié dévorées.
_ Il paraît que tu es le nouveau préfet.
_ Comment tu le sais ? S’étonna-t-il en refermant derrière lui. Je ne l’ai dis à personne.
_ Tu m’as donné ta nomination, pas mon acte d’affranchissement.
_ Ah.
Il attrapa son étui et sortit le bon rouleau.
_ Tiens. À présent tu peux circuler où tu veux et faire ce que tu veux, même si la meilleure chose à faire serait encore de m’épouser. C’est mieux pour toi.
Si seulement elle pouvait simplement approuver sans trop discuter.
_ Pourquoi ça ?
Après plusieurs mois de vie commune, car bien qu’elle ait été son esclave, elle dormait dans son lit et l’épaulait à l’atelier comme une épouse, il savait très bien comment lui parler. Il prit place à table.
Premier point : mettre en avant son intérêt pour le statut social.
_ Déjà être l’épouse d’un préfet est beaucoup plus valorisant que l’esclave d’un menuisier.
Deuxième point : lui promettre monts et merveilles.
_ Et puis tu pourras aller au théâtre, acheter toutes les robes que tu souhaites, organiser des dîners, nous pourrons même acheter une villa dans le sud !
Troisième point : bien lui rappeler qui était le chef.
_ C’est toi qui vas diriger la maison.
Et voilà.
Azenor l’observait en machouillant un morceau de pain.
_ Tu ne serais pas en train de me manipuler par hasard ?
_ Hein ? Manipuler ? Où vas-tu chercher tout ça ?
_ Ok. Je vais reprendre tes points. Premièrement, j’aurais dû épouser César, parce que seul César peut être mon égal en termes de statut. Et certainement pas un centurion devenu préfet par la grâce de votre Jupiter. Deuxièmement, la vie mondaine latine est exécrable et si je devais servir un dîner à la haute société romaine, ça serait une soupe de cigüe sans aucun doute. Troisièmement, je dirige déjà cette maison. Je mériterais de diriger Rome si tu me demandais mon avis. Je commencerais par interdire à tes concitoyens de chier dans des poteries avant de les jeter par la fenêtre*.
_ Bien, conclut Aulus sans vraiment s’étonner. Je suppose que tu vas rassembler quelques affaires et partir demain ?
_ Tu ne pourrais pas me reposer la question ? Au lieu de me balancer ça comme un conseil d’ami ?
Il cligna des paupières.
_ Je ne comprends pas.
_ Bon sang, et tu vas devenir préfet ? Pauvres Romains, pas sortis de l’auberge, marmonna-t-elle.
_ J’aimerais juste que tu sois honnête et que tu choisisses réellement ce que tu veux faire, l’interrompit-il. Tu es une affranchie maintenant. Mais en même temps, j’aimerais que tu restes ici avec moi, même si je ne suis que préfet.
Elle resta silencieuse quelques instants, puis elle se leva et retira sa robe.
_ Debout préfet ! C’est la dernière fois qu’on fait l’amour avant le mariage, t’as intérêt à en profiter !
Il se leva, un peu déboussolé. Elle avait juste besoin de savoir qu’elle avait bel et bien le choix. S’il n’avait rien dis, elle aurait simplement accepté… ? Elle pensait réussir à ne pas lui sauter dessus jusqu’au mariage ?!
_ Hé, préfet, c’est quand tu veux.
Toute la nuit fut fusionnelle. S’il l’avait prise au mot en usant toute son énergie à lui faire l’amour, il était persuadé qu’elle-même ne résisterait pas jusqu’au mariage. Elle l’avait réveillé deux fois en prétextant que cette « dernière fois » était valable jusqu’au lever du soleil.
Résultat, il baillait aux corneilles en écoutant ses quatre tribuns lui expliquer un peu la situation de la caserne. Il n’avait pas de cuirasse à porter spécialement mais une toge de fonction. Il enroulait donc avec lassitude ses doigts dans le rebord du tissu qui tombait en de lourds plis sur ses genoux.
_ … Donc pour cette affaire d’incendie, nous n’avons pas de coupable, conclut l’un des tribuns en reposant la plaquette du rapport.
_ Ce n’était pas déjà votre conclusion pour le meurtre du Trastevere* ? Et pour les effondrements des insulae de l’Aventin* ? Et toutes les autres affaires évoquées jusque là ?
Les tribuns se grattèrent la tête, l’air embarrassé. Aulus s’affaissa dans son siège, assis à son bureau. Marc Antoine n’avait pas été idiot sur ce coup. Le préfet devant s’occuper à la fois de la sécurité interne et de l’administration de l’Urbs, il avait conservé l’impotent et riche préfet à son poste en lui confiant exclusivement le poste d’administrateur de Rome, avec un beau bureau de marbre dans la basilique du forum. Le Sénat en était ravi. Aulus, lui, s’occupait de la milice urbaine dans la caserne et devait faire face à une montagne d’affaires non-résolues et à une équipe de tribuns qui se tiraient dans les pattes.
_ Qu’a dis l’enquête pour cet incendie ? Reprit-il calmement.
_ L’enquête ?
_ Vous avez interrogé le voisinage ? Vous vous êtes demandé à qui profitait le crime ? Qui a racheté le terrain ?
Les quatre hommes échangèrent un regard.
_ Euh, c’était pas un certain Caius ? Avec une grosse chaîne en or autour du cou ? Toujours entouré de types barraqués ?
_ Ah oui, peut-être bien, confirma l’un d’eux.
_ Bien, on avance, encouragea Aulus, désespéré par le travail. Dorénavant vous interrogerez tout le monde et vous prendrez quelques notes.
_ Moi je l’ai toujours fait, se détacha un tribun. Mais l’ancien préfet s’en moquait royalement. J’ai fait plusieurs rapports, ils n’ont jamais été lus.
Les trois autres ruminèrent face au dédain accablant de leur camarade.
_ Môssieur a toujours raison de toute façon.
_ Parfaitement ! C’est un désastre ici ! Si nous sommes incapables de résoudre des enquêtes c’est parce que la paperasse ne suit pas derrière !
_ Bureaucrate !
_ Mauvais citoyen !
Aulus s’accouda au bureau, tête entre les mains, fatigué par ces disputes sans fin. Vivement la fin de la journée, qu’il puisse visiter quelques domus et offrir à Azenor une maison digne d’elle.
Pendant ce temps, dans le Subure.
La dite Azenor retrouvait ses amies du quartier à la taverne de Pullo : Clélie, la femme au foyer mère de six enfants épuisants, Cornelia, la bouchère caractérielle et Lucrèce, la maquerelle du lupanar du quartier. Toutes trois avaient été plutôt étonnées par l’attitude de cette blonde dans un endroit pareil. Elles ne se voyaient pas en dehors de la taverne, elles s’ignoraient car deux citoyennes ne pouvaient côtoyer une maquerelle ni une… parfaite inconnue comme Azenor. Normalement.
_ Je vais me marier, annonça immédiatement la blonde en prenant place sous la tonnelle extérieure de la taverne.
L’après-midi était propice à ce genre de rencontre, le soir venu, l’atmosphère était beaucoup plus virile.
_ Non ! Avec qui ?! Je le connais ? Répliqua Cornelia.
_ Merde, pesta Lucrèce en se grattant le pied. Moi qui espérais que tu acceptes de travailler pour moi.
_ Je viens d’avoir mon acte d’affranchissement, jamais je poserai les pieds dans un lupanar, précisa Azenor.
Elle provoqua un certain silence. Les trois femmes l’observaient, hébétées.
_ Tu… tu es une esclave ? Hésita Cornelia.
_ Depuis tout ce temps ? Fit Clélie en penchant la tête.
_ Merde, pesta de nouveau Lucrèce. J’aurais pu t’acheter en fait.
_ « J’étais », expliqua Azenor en appuyant sur le passé. Et j’aurais jamais dû être une esclave. Mais passons. Je vais épouser le nouveau préfet et probablement déménager. Ça implique quoi le mariage ici ?
Les trois femmes restaient estomaquées.
_ Mais tu n’as jamais porté une jolie petite pancarte autour du cou pour signifier à qui tu appartiens ? Demanda Clélie en mimant un rectangle.
_ Par Belenos non, grogna Azenor.
_ J’ai toujours rêvé d’en mettre à mes gosses, au cas où j’en perds un, soupira la mère au foyer.
_ Mes filles en portent toutes une, assura Lucrèce.
_ Et comment ça se fait que tu épouses le préfet ? En revint Cornelia.
_ Il me l’a demandé, répondit-elle simplement. Mais c’est quoi le rôle d’une épouse ici ? Chez moi on a le droit de lui mettre des claques au mari, ici aussi ?
_ Déjà tu vas prendre son nom, se décida Clélie.
_ Minute, je vais m’appeler Aulus moi aussi ?
_ Aula plutôt. Azenora Aula.
La blonde ouvrit des yeux ronds avant de boire sa cervoise. Elle négocierait son nom, impossible de faire autrement.
_ Hep là ! Jolie blonde !
Les quatre femmes se retournèrent. Quatre hommes les abordèrent en bombant le torse.
_ Lucrèce, ce sont tes nouveautés ? Combien pour la Gauloise ?
_ Je suis sa bouchère depuis qu’il est môme, s’aperçut Cornelia. Il ne me remet toujours pas ce crétin.
_ Écoute mon poulet, répliqua Lucrèce. J’aurais adoré te la fournir mais tu causes pas à n’importe qui là.
Clélie préféra se lever discrètement et quitter le scandale qui allait se produire.
_ Hep hep hep, t’en vas pas, on vient d’arriver.
Azenor poussa un soupir et se leva à son tour pour faire face à l’impoli. Les Romains étaient des dragueurs invétérés, collant et persévérant, à la limite de la bienséance. Aussi, après maintes prises de tête, elle fit ce qu’elle savait mieux faire, et envoya son poing dans la figure du malotru.
_ … Si on faisait un classement alphabétique, les choses se porteraient mieux, continuait à sermonner Numerius, le tribun zélé des rapports.
Ses trois camarades soupiraient et gémissaient. Aulus était accoudé, la tête entre les mains. Il était parti dans une sorte de contemplation, les yeux rivés sur un texte censuré et confisqué par le préfet précédent. Préfet qui n’avait pas manqué d’en conserver une copie.
« Quand elle fut devant moi debout sans aucun voile, je vis un corps parfait. Quelles épaules, quels bras je contemplai et touchai ! Comme la forme de ses seins se prêtaient aux caresses ! Sous cette poitrine sans défaut, quel ventre lisse ! Quelles hanches abondantes et belles ! Quelle jeunesse dans la jambe ! Mais pourquoi entrer dans tous les détails ? Je ne vis rien qui ne méritât d’être loué, et nue je la pris contre moi. Qui sait le reste ? Quand nous fûmes las, nous nous reposâmes. Puisse souvent s’écouler ainsi pour moi l’après-midi… »*
Aulus poussa un soupir à son tour. Que donnerait-il pour être auprès d’Azenor dans leur lit à cet instant… Car c’était bien elle qu’il imaginait sous le stylet de ce poète insolent.
_ Préfet ? Intervint un milicien en entrant. Voici les rapports de la mi-journée, dit-il en déposant une tablette de cire sur la table. On signale aussi une bagarre de taverne qui tourne mal dans le Subure. Sûrement un coup des clans qui se battent pour le contrôle du quartier.
Aulus se redressa et observa la liste. Des vols, des agressions, des détériorations de biens publics… La routine depuis quelques mois. Il fallait agir sèchement pour bien rappeler aux clans que c’était le préfet qui contrôlait l’Urbs. Aussi Aulus se leva et frappa la table de son poing, interrompant l’éternel débat de ses tribuns.
_ Nous devons agir ! S’exclama-t-il. Numerius, je fais de toi mon bras droit ! Tu as carte blanche avec la paperasse ! Manius, Quintus, Sextus ! Prenez des hommes armés ! On va régler la querelle de taverne !
Ragaillardis par ces décisions, les quatre tribuns s’étonnèrent pourtant de voir le préfet se lever et attraper son glaive avec détermination.
_ Quoi ? Finit par dire Aulus.
_ Euh, tu y vas aussi… préfet ?
Moui. Il s’ennuyait finalement, l’armée l’avait habitué à l’action.
Ils sortirent dans la rue et abasourdirent les passants qui s’écartaient sur leur passage. Personne n’avait pas vu la milice urbaine aussi bien organisée depuis longtemps. Lorsque la brigade entra dans le Subure, ils purent lire aussi bien de la frayeur que du soulagement dans les yeux des habitants. La taverne de Pullo était le théâtre d’une bataille générale qui avait commencé sur la terrasse et qui se poursuivait apparemment à l’intérieur. Les miliciens pénétrèrent dans l’antre et bousculèrent les badauds qui encourageaient la scène centrale où s’ébataient un ogre blond contre quatre latins.
_ Place ! Hurla l’un des trois tribuns. Place à Publius Aulus Lex ! Préfet de Rome !
Les deux autres tribuns tirèrent les oreilles de quelques cogneurs et calmèrent les ardeurs d’autres. Aulus comprima le sentiment de fierté qui lui fit bomber le torse. Les heureux souvenirs de ses soldats lui rendant hommage après une victoire lui revinrent en tête alors que le silence se faisait. Il put alors discerner le visage des principaux acteurs de cette farce. Il fronça les yeux et crût voir les bras délicats de son Azenor.
La blonde relâcha l’épaule qu’elle mordait comme la laie furieuse qu’on abatte ses petits. Il y eut quelques secondes de battement dans un silence aussi subit qu’incroyable. Azenor vit le visage du fier préfet se décomposer à mesure qu’il la reconnaissait. Aussi elle desserra ses griffes de la cuisse du malheureux et s’avança vers le haut représentant de l’Etat en geignant.
_ Préfeeeeeet ! Ces hommes m’ont brutalisééééée !
_ Ooooh ! Rouspéta l’homme mordu et griffé. C’est elle qui a commencé !
Azenor attrapa la main d’Aulus et colla sa joue sur le dos en chouinant.
_ Il m’a frappééée ! Je saigne même ! Tiens… lààà !
_ M-menteuuuuse ! Accusait le rustre en la pointant du doigt, ahuri. Elle s’est griffée elle-même !
Aulus inspira lentement en fermant les yeux. Il engageait sa milice à remettre de l’ordre dans la cité et voilà que sa fiancée mettait une pagaille sans nom sous leurs yeux ! Car il ne doutait point qu’elle fût la coupable de tous les hématomes, les plaies béantes et les os déboîtés de ce malheureux, alors qu’elle-même n’avait qu’une minuscule griffure au bras.
_ Que fait-on préfet ? Demanda Manius en s’approchant de lui pour défaire le haut fonctionnaire de la gueuse accrochée à son bras.
_ Me touche pas abruti, menaça-t-elle avec une grimace.
Manius recula d’un pas.
_ Préfet ? Rappela-t-il tout de même. On embarque tout le monde ?
_ Commencez par m’embarquer ça, grogna-t-il en lui tendant la blonde par le poignet.
_ Eh euh je suis pas d’accord moi, protesta Azenor.
_ Surtout ne l’écoutez pas, contentez-vous de l’enfermer au cachot.
_ Au Tullianum* ?
_ Non, la caserne suffira pour le moment.
_ Je suis ta fiancée ! S’exclama Azenor, outrée.
Tous ses hommes, sans exception, levèrent un regard assoiffé de curiosité vers lui. Il décida de la jouer sévère.
_ Tu es une affranchie soumise aux lois de Rome à présent. Provoquer des désordres publics est puni par la loi !
_ C’est lui qui a provoqué tout ça ! Il m’a traitée de prostituée !
Aulus fixa son regard sur l’homme qui se fit subitement tout penaud.
_ J-je demandais juste un renseignement à la maquerelle moi hein, se justifia-t-il à voix basse.
_ On peut s’en occuper si tu veux, proposa Sextus avec un regard menaçant pour le manant qui agressait les fiancées d’hommes d’État.
_ Tes hommes me comprennent, eux, grommela Azenor en faisant la moue.
Manius, qui la maintenait encore par le bras, rougit discrètement. Aulus se massa les tempes calmement.
_ Très bien, conclut-il. On embarque les trois fauteurs de trouble. Et la blonde.
_ Tsss, compte pas sur ta nuit d’noces, marmonna Azenor.
Elle boudait. Elle avait passé toute la fin d’après-midi à bouder dans la cellule la plus confortable de la caserne, chouchoutée par les trois tribuns visiblement charmés par la future épouse de leur préfet. Lorsque la nuit tomba, Aulus ouvrit la visière, elle était recroquevillée sur la couchette, les bras entourant ses jambes, le visage enfoui dans ses genoux.
_ Elle n’a rien dit, indiqua Numerius. Je mets quoi finalement dans le rapport ? Pullo est venu se plaindre, c’est la troisième fois qu’elle brise ses tables apparemment.
_ Je vais m’en occuper. Et tu diras aux…
Il s’interrompit en voyant les trois autres tribuns venir à eux en chuchotant, les bras chargés de victuailles : porc rôti, cervoise fraîche et grappes de raisins d’une rondeur insolente. Ils s’immobilisèrent subitement en constatant la présence du haut dignitaire devant la porte.
_ Préfeeet, firent-ils, embarrassés.
_ Vous anticipez ce que je souhaitais faire, les devança Aulus en leur prenant des mains les paniers. Allez préparer les rondes de nuit avec les vigiles, ils ont besoin d’être encadrés, je compte sur vous.
Les trois tribuns grognèrent un peu et firent demi-tour. Aulus roula ses yeux et entra dans la cellule. Il s’approcha d’elle et s’assit à ses côtés, elle n’avait aucune réaction.
_ Tu es si fâchée que cela ? Demanda-t-il en posant les victailles.
_ Mmh.
_ Je ne pouvais pas ne rien faire. J’essaie de ramener l’ordre dans Rome et tu as saccagé une taverne.
Aucune réponse.
_ On va rentrer, lève-toi.
_ Pourquoi ne suis-je pas au Tullianum ?
_ Au Tullianum ? S’étonna Aulus. Cette prison est avant tout pour les ennemis de la République.
_ Justement, je ne suis pas Romaine. Je veux être auprès de mon roi.
_ De… de Vercingétorix ? S’abasourdit-il à voix basse. Sais-tu quelles sont les conditions de détention au Tullianum ? Tu ne le reconnaîtrais pas même après seulement quelques mois d’emprisonnement.
Elle releva alors des yeux baignés de larmes.
_ Qu’allez-vous faire de lui ? Murmura-t-elle avant de renifler.
C’était bien la première fois qu’il la voyait pleurer. Cette après-midi en prison lui avait rappelé la condition de son peuple et de son roi, et elle n’aimerait pas ce qui se passerait sûrement : l’exécution publique de Vercingétorix à la fin du défilé de César, pour son futur Triomphe. Alors le préfet se contenta de déployer ses bras et de la blottir contre lui.
_ Quand César reviendra d’Égypte, nous partirons dans le sud quelques jours.
Elle glissa doucement ses bras autour de lui et il la câlina un moment.
_ Allez, rentrons, j’ai une surprise pour toi.
Il la releva avec lui et posa son manteau sur ses épaules. Ils sortirent de la caserne, une escorte patientait tranquillement dehors, torches enflammées dans une main, glaives dans l’autre. Au fur et à mesure qu’ils marchaient, Azenor se rendit compte qu’elle ne reconnaissait pas le chemin habituel. Ils s’arrêtèrent devant une porte sur une petite hauteur, dans une rue très calme. A deux pas, s’élevait un haut bâtiment plongé dans le noir, comme une ombre opaque.
_ Le théâtre de Pompée, indiqua Aulus alors que des hommes surgirent avec des paquets sous les bras et une charrette pleine de meubles. Et voici notre nouvelle domus.
Les deux battants s’ouvrirent, des petites lampes à huile brillaient ici et là dans l’atrium, le triclinium* d’hiver se trouvait juste à leur droite et sur leur gauche s’étalaient les communs au fond d’un couloir, derrière des petites chambres réservées au personnel. Le tablinum en face d’eux ouvrait sur un péristyle plutôt large autour duquel les chambres, les bains et le triclinium d’été tournaient en harmonie. Les hommes réquisitionnés répartirent les meubles et s’inclinèrent devant le préfet avant de partir. Lorsque les portes furent refermés derrière le couple, le silence de la belle demeure, aux proportions toutefois modestes, les intimida un peu.
_ Combien tu as dû emprunter pour payer ça ? Douta-t-elle un instant.
_ Rien. C’est déjà tout payé.
_ Vraiment ? Tu as tué qui ?
_ Personne. Je fais juste mon travail.
Elle acquiesça pensivement. Dire qu’elle allait épouser le préfet de Rome, alors qu’elle avait toujours vécu dans une maison de bois, froide l’hiver, avec un lit de paille. Subitement elle se redressa et pâlit.
_ Mon sanglier ! Où est-il ?!
Aulus s’approcha d’une petite caisse.
_ J’ai demandé à ce que tout ce qui était sur notre autel soit transporté avec soin. Ton sanglier est là, tu peux le mettre où tu veux.
Elle le prit et se dirigea immédiatement dans le petit jardin du péristyle. Elle entendait des grillons dans l’herbe. Les plantes grimpaient n’importe comment, l’endroit était laissé à l’abandon depuis un moment, mais ce n’était pas pour lui déplaire. Elle retrouvait enfin la nature. Azenor s’agenouilla et plongea ses doigts dans la terre. La Mère au cœur battant sous la terre, l’essence de chaque chose, l’incarnation de la vie, celle qui la donnait et qui la reprenait, elle lui avait retiré son clan, allait-elle lui rendre une vie ici ?
Azenor se laissa glisser sur le dos et regarda les étoiles. Elle aimait bien cet endroit, le calfeutrement de l’appartement avait disparu, la condition d’esclave avec. Elle ferma les yeux. Tous ceux qu’elle connaissait s’étaient évaporés en Gaule. Sa sœur vivait dans la même ville sans qu’elle ne cherche à la revoir. Son roi était gardé en isolement. Ses amies de taverne n’étaient que des confidentes de passage qu’elle ne reverrait probablement plus. Il restait cet homme qui naviguait dans sa tête sans qu’elle ne parvienne à le chasser. Elle se rendait compte qu’elle n’avait confiance en personne d’autre. Heureusement que le hasard l’avait fait entrer chez elle.
Azenor se redressa et rechercha un javelot parmi les armes d’Aulus. Elle planta celui qu’elle trouva dans la terre du péristyle, y accrocha son sanglier et tenta de se souvenir de la grande salle de sa maison, là où son clan se réunissait pour boire et manger. Le grand bouclier rond de son père trônait au-dessus de tous, et de nouveau tous les siens étaient là. Elle inspira profondément et sourit. Elle aimait bien cet endroit.
Aulus avait un peu rangé la chambre. Le lit n’était que temporaire, le temps d’en acquérir un plus grand et confortable. Il vit réapparaître la frimousse de la blonde au bout d’un long moment.
_ Tu fais quoi ? Demanda-t-elle en restant sur le seuil.
_ Je tente de trouver une couverture. Et toi ? Tu as trouvé un endroit pour ton autel ?
_ Le jardin… Diiis…
Aulus frissonna. Quand elle commençait ainsi, généralement elle piquait son caprice.
_ Quoi ?
_ On fait l’amouuur ?
Il cligna des paupières.
_ Je croyais que tu voulais attendre le mariage.
_ On pourrait dire que c’est la dernière fois.
_ Mais tu vas aussi me dire ça demain … ?
Elle haussa les épaules.
_ Tu lis quoaaa ?
Elle s’avança innocemment jusqu’au lit et regarda le rouleau déplié posé près de l’oreiller. Aulus avait ramené les poèmes confisqués et tenta une approche-éclair pour les reprendre avant elle, mais c’était sans compter la guerrière qu’il avait devant lui. D’un geste vif elle s’en était emparée et s’était détournée de lui pour lire.
_ Tu lis des poèmes érotiques, toi ! S’amusa-t-elle.
_ Nooon c’est confisquééé ! Nia-t-il en bloc. Personne ne peut lire ces… Minute. Tu sais lire ?
_ Euh… Non.
_ Depuis le début !
_ Ce n’est qu’un préjugé de Romain que d’affirmer qu’une Gauloise ne sait pas lire ! Rouspéta Azenor en pivotant. On fait du commerce avec vous depuis un sacré moment ! Bien avant votre invasion ! Et pis ce n’est pas parce qu’on n’écrit pas notre langue qu’on n’écrit pas du latin ! D’abord !
Aulus soupira en levant les yeux au ciel. Elle avait bien lu sa nomination en tant que préfet et il n’avait même pas remarqué cela.
_ Très bien très bien, allez viens, dit-il en dépliant une couverture sur le lit.
Azenor se mit à sautiller, elle retira sa robe et plongea dans la couche.
_ Auluuus, geignit-elle en le regardant prendre son temps.
_ Tu sais, tu peux m’appeler Publius.
_ Publius ? Mais t’as combien de nom au juste ? Euh ça veut dire que je vais devoir m’appeler Publia aussi ?
_ Non, tu vas juste prendre le nom d’Aula, le nom de ma gens*. Mais on va continuer à t’appeler Azenor.
Il retira sa toge puis sa tunique et s’aperçut qu’elle l’observait d’un œil, les joues rosés. Se pourrait-il qu’il lui plaise ? Il se l’était demandé au bout d’un moment, puisqu’il s’était imposé à elle, mais peut-être que finalement, elle y trouvait son compte. Ce très léger rougissement sur son visage le ravit tout de même. Il se fit une place sur le lit un peu étroit et s’accouda sur le côté, en face d’elle. Il glissa sa main sur sa nuque dénudée, elle lui sourit en l’imitant.
_ Que veux-tu pour notre mariage ? Je te l’offrirai.
_ Une chose que tu ne pourras pas m’offrir.
Il haussa les sourcils.
_ Qui est ?
_ Je ne veux pas que tu sois en colère parce que je veux faire l’amour avec toi.
_ Essaie toujours.
_ Je veux voir mon roi une dernière fois. Tu es devenu préfet, tu as un accès au Tullianum, c’est notre seule et dernière chance d’entendre ses dernières volontés, murmura-t-elle. Je t’en prie, accepte.
Jamais encore elle ne l’avait prié pour quoique ce soit. Il ne savait pas s’il devait être intraitable et l’empêcher tout contact avec le roi celte isolé par César, ou s’il devait comprendre son besoin de lien avec ses origines.
_ Je vais arranger cela, finit-il par accepter.
Il se mettait à sa place et il comprenait que Vercingétorix, ce jeune guerrier d’une trentaine d’années, avait représenté pour eux un fol espoir un peu sauvage et résolu à la fois. Ce n’était qu’une question de respect pour un ennemi que César avait tout de même admiré, et seuls les siens seraient aptes à recueillir ces derniers mots.
Azenor, elle, enroula ses bras autour de son cou, émue. Elle n’aurait jamais cru qu’un Romain accepte une telle chose. Elle l’embrassa avec tout le désir qu’il lui inspirait à chaque fois. Il l’enlaça, basculant lentement au-dessus d’elle.
Et ce fut un baiser sans égal, à la détermination invincible.
Fin atrium (pièce de réception des invités dans une domus, souvent percée au niveau du toit avec un petit bassin pour recueillir l’eau de pluie)
tablinum (pièce d’une domus, souvent faisant la jonction entre l’atrium/la partie public et le péristyle/la partie privée d’une domus)
lupa (prostituée)
yo (c’était vraiment une façon un peu familière de saluer quelqu’un à Rome !)
Publius Aulus Lex (la tria nomina des Romains : Prénom, Nom, Surnom)
le Champs de Mars (zone au Nord de Rome, à l’extérieur du premier mur de Rome)
« chier dans des poteries avant de les jeter par la fenêtre » (la chose est racontée par Juvénal dans ses satires sur la vie à Rome)
Trastevere (partie occidentale de Rome, de l’autre côté du Tibre)
l’Aventin (une des sept collines de Rome, au Sud)
« Quand elle fut devant moi debout sans aucun voile... » (c’est un poème d’Ovide, tiré de son corpus Amours, c’est anachronique car Ovide naît un an après la mort de César ! C’est Octave Auguste qui se chargera de l’exiler par la suite...)
Tullianum (prison de Rome au pied du Capitole, dans laquelle séjournèrent Vercingétorix et Saint Pierre)
triclinium (salle à manger composée de trois banquettes en U)
gens (clan, famille, lignée romaine)
(Suite dans un 4e épisode à l’occasion du challenge !)