A l'occasion du post du chapitre 16, je rouvre le topic ici!
Pour celles et ceux qui n'ont pas lu le début, il suffit de cliquer sur ce lien qui mène à mon site Panta Dora sur lequel tout est posté!
http://www.freewebs.com/winniefanfics/fanficsencours.htm#102000497Voici donc le chapitre 16, qui finalement est un chapitre indépendant des précédents!
Bonne lecture!!
16. Une pincée de SindurLa nuit venait de tomber sur la Cité du Désert. Garuda se posa doucement dans le jardin chinois, près du pavillon et des bambous. Chloé descendit, heureuse du voyage et même plutôt contente d’être rentrée. Elle commençait à considérer cette Cité et ce palais comme sa maison. Krisna débarrassa la monture de Vishnu des deux sacs de cuir.
_ Merci mon ami.
La chimère le salua à son tour et enfouit sa gueule contre Chloé en guise d’adieu. Une fois devenue une poussière parmi les étoiles, deux serviteurs s’approchèrent et se chargèrent des sacs. Krisna leur glissa un mot à l’oreille et se tourna vers Chloé qui regardait le pavillon avec envie. Il déposa un baiser sur sa joue avant de la blottir contre lui.
_ J’ai un présent pour toi.
Elle lui répondit par un sourire, c’était l’occasion parfaite pour lui donner le sien.
_ Je t’offre ce jardin, le pavillon et la forêt de bambous sont à toi. La porte sera murée demain, plus personne ne pourra entrer.
Chloé s’était accrochée à lui avec un piaffement excité, jusqu’à ce qu’elle coince sur la porte murée. Etait-il ironique en lui proposant ce jardin fermé ? Un jardin qu’elle ne possèderait que dans l’idée ?
_ Et quand pourrais-je m’y rendre ?
_ Quand tu le souhaites.
_ Je pourrais sortir du harem quand je veux ?
_ Tu n’en auras pas besoin.
Il prit sa main et la guida au bord de la clairière. Il sortit un petit sachet en soie de sa ceinture qu’elle n’avait pas remarqué. Avec son motif de phénix, elle ne doutait pas que l’objet provenait de la Cité du Dragon Bleu, mais elle n’avait pas du tout vu où il l’avait pris. Il en tira un gros noyau, s’accroupit sur le sol et creusa un trou d’une main avant de mettre la graine et de la recouvrir.
_ Qu’est-ce que c’est ? S’étonna-t-elle en fronçant le regard.
_ Tu vas voir.
Une lueur bleue apparut et une pousse s’éleva lentement. Il lui offrait une fleur ? Ou un arbuste plutôt, la plante prenant de l’ampleur rapidement. Un arbre ? Ou alors…
_ Qu’est-ce que c’est ! S’exclama-t-elle en reculant.
La plante créa un escalier de bois et une passerelle se mit à pousser et à s’élever au-dessus du mur du jardin, comme un petit tunnel fermé par des fenêtres en papier de riz, avec un toit incurvé. Un battant de porte fleurit et se ferma aussitôt.
_ Alors c’est comme ça qu’ils ont fait leurs passerelles au-dessus de la Cité ?
_ Oui, il y a deux portes, une ici, et l’autre sur ta terrasse. Donne-moi ta main à présent.
Elle la tendit sans hésiter. Krisna sortit doucement le sabre de Hadad et approcha la paume du tranchant. La petite entaille fit tressaillir Chloé. Il posa la blessure contre le battant de bois et le sang traversa les veines du bois.
_ À présent, seule toi pourras la pousser et entrer dans ce jardin. Lorsque tu seras au harem, tu devras répéter ce geste pour sceller la passerelle.
Chloé acquiesça avec énergie, comblée par le présent. Il apposa ses mains sur sa blessure pour la refermer et l’attira à lui pour l’embrasser. Chloé enroula ses bras autour de son cou, sentant l’emprise du prince se raffermir dans son dos.
_ Ma petite Rose, me feras-tu venir dans ton jardin ?
La jeune femme ne put retenir un rire, entendant parfaitement le sous-entendu princier.
_ Oh ! Attendez ! Fit-elle en se défilant de ses bras pour dénouer son corsage.
Elle sortit la bague d’archer et la tendit le coeur battant, espérant qu’il ne dénigre pas le présent. Le prince fronça les yeux avec son demi-sourire admiratif du corsage déboutonné.
_ Où l’as-tu trouvée ? Demanda-t-il en la prenant entre ses doigts.
_ Euh...
Il releva ensuite un regard inquisiteur.
_ Sais-tu ce que c’est ?
_ C’est la bague d’Arjuna. Enfin, c’est ce que m’a dis le marchand. Je l’ai achetée avec une larme de Djinn.
_ C’est un trésor perdu depuis des siècles, murmura-t-il en l’enfilant au pouce.
La pierre devint aussitôt d’un noir profond. Chloé se triturait les doigts. Avait-elle fait quelque chose de mauvais ? Avant qu’elle ne puisse l’interroger, il la souleva avec entrain et la fit tournoyer.
_ Tu gagnes le respect des lionnes ! Charmes les Djinns ! Séduis le sultan le plus savant ! Dresses le roi des Dragons ! Dis-moi une chose que tu ne fais pas !
Un grand sourire aux lèvres, Chloé le regardait, suspendue au bout de ses bras. Elle pensait bien répondre qu’elle ne le séduisait pas assez pour qu’il ne veuille qu’elle et seulement elle, mais le contexte n’était pas le bon pour ce genre de déclaration. Elle se contenta de se pencher sur lui et de l’embrasser. Elle avait rarement pris les devants, mais avoir sa tête bien au-dessus de la sienne lui faisait songer qu’il avait bien changé. Elle pouvait prendre un peu plus d’assurance.
Il la fit glisser le long de ses bras pour la blottir contre lui. Elle s’enroula tendrement autour de son cou et approfondit le baiser. Perdue dans sa chaleur et dans leur désir, Chloé mordilla la bouche du prince et s’enfonça dans sa gorge. Subitement ses pieds retouchèrent le sol et elle ouvrit les yeux, un peu sonnée. Il se contenta de caresser sa nuque, son souffle près du sien, comme pour l’inviter à l’initiative. Lorsqu’elle comprit qu’il n’attendait qu’un geste d’elle, elle sourit, se mit sur la pointe des pieds et reprit le baiser. Ses mains défirent les agrafes de la veste bleue et se glissèrent sous la longue chemise noire. Sa peau était chaude. Elle l’entendit grogner et se réjouit d’au moins provoquer quelques frissons dans ce corps d’homme à l’épreuve de la moindre blessure.
_ Seigneur ?
Le prince resserra un peu plus sa favorite dans ses bras.
_ Seigneur ? Seigneur ?
Krisna recula avec un grognement peu coopératif. Il posa son front sur celui d’une Chloé aux tempes battantes et au souffle court.
_ Quoi ? Répliqua-t-il avec impatience.
La servante courba l’échine.
_ Le Seigneur Sanjay est revenu de la Cité de la Jungle hier, il t’a vu rentrer, il souhaite te parler de toute urgence.
_ Sanjay, soupira-t-il. J’espère que tes nouvelles me feront oublier les baisers de Rose.
La petite blonde ne put retenir un gloussement conquis.
_ Dis-lui que je viens.
_ Le Seigneur Sanjay souhaite également voir Rose des Sables, ajouta la servante d’une toute petite voix.
_ Voilà qui est plus curieux, s’intrigua-t-il en relâchant Chloé. Nous arrivons.
La servante s’inclina et trotta rapidement jusqu’à la sortie.
_ Lorsque tu reviendras dans ta chambre, un deuxième présent t’attendra.
Chloé hocha la tête en se mordant les lèvres. Que pouvait-il venir après un tel présent comme le jardin chinois ? Sûrement quelque chose de très spécial ! Krisna lui prit la main et l’entraîna dans le palais. Il lui chuchota quelques mots impatients à l’oreille avant d’arriver devant la porte du conseiller. Porte déjà ouverte. Krisna prit place dans l’appartement à peine éclairé, autour de la table de travail du conseiller. Chloé le suivit, le coeur bien léger. Elle s’assit tout près de lui, regrettant un peu que Sanjay soit intervenu subitement.
_ Krisna ! Rose ! Surgit rapidement Sanjay, suivi d’Akand.
Il semblait très enthousiaste, étrangement ravi.
_ Je suis content de vous voir ! J’ai beaucoup de choses à vous dire !
_ En ce qui concerne la coordination de nos armées ? Douta Krisna qui ne comprenait pas la nécessité de la présence de Rose.
_ À ce sujet, tu n’as aucune inquiétude à avoir. Arjuna commandera l’armée de la Jungle. Ils s’organisent eux aussi. J’ai plusieurs lettres pour toi...
Tout en exposant quelques brefs faits, il s’était assis à sa place et déballait des petits bols de terre cuite avec une délicatesse à toute épreuve. Akand déposa une théière brûlante sur la table et il s’esquiva. Chloé fronça les yeux en voyant Sanjay servir lui-même le thé. Jamais il ne faisait cela, c’était toujours Akand ou elle-même qui s’en chargeaient. Le conseiller disposa les trois bols près de Chloé et les remplit.
_ Quant aux effectifs, ils devraient s’élever au nombre attendu, continuait-il. Rose, sers-toi je t’en prie.
Chloé acquiesça et attrapa un bol. Le thé était parfumé et sucré, un délice. Krisna écoutait Sanjay d’une oreille et observait son petit manège d’un oeil.
_ Je t’ai aussi ramené des présents, fit le conseiller en exposant trois petits peignes d’ivoire. Choisis celui qui te plait, j’offrirai les deux autres à la grand-mère et à la soeur du prince.
_ Ils sont très beaux, sourit Chloé en ayant l’impression de passer un examen.
Tous ces choix, on aurait dis un test. La petite blonde en prit un, et observa aussitôt la réaction de Sanjay. Ce dernier eut un large sourire satisfait. Krisna fronça les yeux.
_ Ce n’est pas...
_ J’ai trouvé ce que je suis parti chercher, coupa Sanjay. Te souviens-tu ? Nous parlions de l’impact de Rose sur ta personne.
_ Je m’en souviens oui.
Chloé haussa les sourcils. Qu’avait-elle encore fait !
_ J’ai trouvé des documents très intéressants dans la Cité de Brahma. Tiens Rose, ce sont des petits flacons d’onguent. Prends-en un.
D’accord, c’était bien un test qu’elle passait et elle ne comprenait pas du tout l’objectif. Elle jeta un oeil sur le prince, il semblait interdit, comme s’il avait compris quelque chose. Aussi elle avança la main pour saisir un flocon et se ravisa au dernier moment pour en prendre un autre.
_ Tu allais choisir celui-ci, objecta aussitôt Sanjay.
_ Non, nia-t-elle simplement.
_ Si, tu allais le choisir, je t’ai vu.
Déconfite, Chloé soupira.
_ Oui j’allais prendre celui-ci, mais je ne vois pas pourq...
Krisna bondit sur ses pieds et leur tourna le dos.
_ C’est impossible ! S’exclama-t-il.
Chloé ne comprenait vraiment rien du tout. Pourquoi se mettait-il en colère subitement ?
_ Très bien, grogna-t-elle en prenant le bon flacon.
_ Krisna enfin ! Répliqua Sanjay sur un ton débordant d’excitation. Le nom même que tu lui as donné est une preuve ! Rose des Sables ! Le ‘R’ de Radha et le ‘S’ de Sita ! Elle a entendu la déesse tigre Budhi Pallien parler dans la jungle ! A vu les statues des dieux s’éveiller sous ses yeux ! Vishnu et Shiva eux-mêmes ! La pluie tombant sur son bûcher ! Son propre reflet dans la source de la Vérité ! Ses rencontres avec Sita ! Ce ne sont pas que des coïncidences ! Sa venue ici même n’en est pas une !
_ Sais-tu ce que cela implique ?! Cette femme ne peut pas être ce que tu dis ! Elle est blanche ! Elle vient d’ailleurs !
_ Mais tu es blanc toi aussi !
_ Je refuse d’en entendre plus ! Ne raconte jamais ce délire à personne !
Sanjay inspira calmement. Il reporta son intention sur la petite blonde qui avait blêmi et qui restait immobile.
_ De quoi parlez-vous ?
_ Le bol, le peigne que tu as choisi et le petit flacon d’onguent proviennent du temple de Vishnu dans la Cité de la Jungle. Ce sont des reliques qui appartenaient à Radha et à Sita. Je t’ai laissé le choix trois fois de suite et trois fois de suite tu as choisi leurs objets. J’ai mené des recherches approfondies dans la bibliothèque du palais de Brahma sur les interactions entre deux âmes-soeurs. Et tout me mène à croire que toi, Rose, tu es ici parce que tu es la réincarnation de Sita et de Radha.
_ C’est insensé, commenta Krisna à voix basse.
_ Je ne m’appelle pas Radha, contra faiblement Chloé.
_ La concordance des noms n’est pas obligatoire. Et puis Krisna t’a baptisée avec les initiales de Radha et de Sita.
_ Je ne peux pas être les deux.
_ Rama est la septième réincarnation de Vishnu, Krishna est la huitième. Il en va de même pour leur âme soeur, tu t’inscris dans leur lignée comme Krisna s’inscrit dans celle des réincarnations de Vishnu. Ce qui signifie, quelque part, que tu es...
Il s’interrompit en se rendant compte peu à peu de ce qui se passait sous ses yeux. Le conseiller but une gorgée de thé pour reprendre consistance, encore soufflé par ces révélations.
_ Ce qui signifie que tu incarnes l’Âme humaine, termina-t-il en fixant la jeune femme. Ce miracle n’était pas arrivé depuis plus de mille ans dans notre Cité.
Il retira ses lunettes et posa ses mains sur son visage, bouleversé. Chloé ne bougeait pas, abattue par toutes ces idées saugrenues et par le fait que Krisna le prenne aussi mal.
_ Si ce que tu dis est vrai, reprit Krisna. Alors le monde extérieur est plus connecté au nôtre que nous le pensions. Des âmes aussi pures que celle de Radha et de Sita peuvent-elles vraiment sortir du cycle de notre monde pour aller à l’extérieur ? Te rends-tu compte de ce que cela signifie réellement ?
_ Oui, répondit Sanjay en relevant la tête. Tout ce que nous savions est balayé ce soir.
Ils restèrent silencieux un instant.
_ Notre monde finira par se fondre dans le monde extérieur si nos âmes se mêlent déjà aux autres.
_ Cette... nouvelle ne doit pas sortir d’ici, sous aucun prétexte. Personne ne doit jamais savoir.
_ Krisna, soupira Sanjay. Te rends-tu compte que ton âme-soeur est ici ? Et que tu vas épouser Kamna demain ? Ce mariage est une erreur.
Le prince frotta son visage. Chloé secoua sa tête et bondit sur ses pieds.
_ Je... je m’appelle Chloé Sullivan, déclara-t-elle en tremblant. Et je viens de Métropolis en Amérique. J’ai un père qui m’attend, ajouta-t-elle en regardant Sanjay. Je ne suis pas du tout ce que vous dites.
Elle tourna les talons et sortit de l’appartement.
Le silence laissé derrière elle s’appesantit sur les deux hommes.
_ Je ne peux pas reporter d’avantage ce mariage. Kamna est aimée et respectée par le peuple, ce n’est pas le cas de Rose. Personne ne doit savoir qu’une blanche de l’extérieur peut être la réincarnation de l’une de nos âmes.
_ Je te trouve bien indifférent en sa présence. Elle est pourtant celle que tu as toujours attendue, ne fais pas d’elle l’éternelle maîtresse dont tout roi finit par se lasser, elle ne mérite pas ce sort, tu le sais.
_ Ai-je réellement le choix ? S’agaça Krisna. Tu sais très bien toi aussi ce qu’on pense d’elle !
_ Mais toutes ces choses sont fausses ! Raja aurait fait ce qu’il voulait faire même sans sa présence !
_ Ce n’est pas une déclaration qui va changer les choses ! De toute façon je lui ai déjà demandé mais elle a refusé.
Sanjay leva un regard étonné.
_ Tu l’as demandée en mariage ?
_ Peu importe, pour elle je ne suis qu’un prince débauché marié à cent femmes, grommela-t-il en se massant la poitrine avec une grimace. Raja ! Se rendit-il compte subitement.
_ Et bien ?
Le prince eut un air effrayé un bref instant.
_ Ce qu’il a promis à Ravana, c’est l’âme de Sita.
Sanjay se redressa.
_ Il va lancer l’attaque de Ravana sur le palais, murmura-t-il non sans retenir un tremblement.
*
Chloé referma la porte de son appartement et s’assit sur le lit en reniflant. Elle n’arrivait pas à croire toutes ces choses. C’était impossible ! Elle avait vu Sita et elle n’avait absolument rien à voir avec elle ! Mais insidieusement, elle songeait à la vision qu’elle avait eue dans le vieux temple abandonné de Shiva, dans la Cité de la Jungle. Elle s’était vue danser devant le dieu Krishna, comme si elle était Radha... Non, ce n’était qu’une vision ! Mais la fois où elle avait vu Sita, alors qu’elle se cachait dans le petit kiosque pour échapper au service de Raja, l’indienne lui avait demandé le nom de son âme-soeur Rama, et elle avait vu Krisna apparaître aussitôt derrière elle...
Chloé se laissa choir sur le lit en poussant un cri d’énervement. Une bosse rigide la fit grogner. Elle se redressa, se retourna et découvrit la sacoche de cuir qu’elle avait vue entre les mains de Krisna, alors qu’il ressortait de la mystérieuse boutique discrète de la Cité des Croisements. Intriguée, elle défit le lacet et ouvrit le présent. Comme elle l’avait attendu, le second cadeau dépassait le jardin en terme de préciosité. Du moins à ses yeux. Elle caressa la couverture de cuir reliée, l’illustration centrale et le titre en belle lettre d’or : Les Mille et Une Nuits. Le texte intégral en anglais. C’était la première fois qu’il lui offrait un livre sans qu’elle ne le lui réclame. La petite boutique discrète devait receler des objets du monde extérieur.
Elle serra le livre contre son coeur en se laissant tomber sur son oreiller. Pourquoi épousait-il Kamna... Pourquoi ! Pourquoi lui avait-elle conseillé une telle chose. Le bruit de la porte la fit se redresser. Krisna entra et referma. Il semblait calmé mais toujours autant soucieux. Il aurait probablement préféré que Radha soit indienne, une âme pure et non pas une Peau Blanche de l’extérieur. Mais de toute façon elle n’était pas Radha... Pourquoi cette idée lui ne semblait pas si idiote au juste ?
_ Euh... Merci pour le li...
_ J’ai un dernier présent pour toi, l’interrompit-il en s’asseyant près d’elle.
Il posa sa main sur son front et Chloé ferma les yeux.
*
Métropolis.
Gabe écarta le rideau et fronça les yeux devant la pluie qui tombait à grosses gouttes. La maison vide et silencieuse n’était plus supportable. Il avait fait recouvrir les meubles de draps blancs et préparer ses valises.
_ Gabe ? Tu es prêt ?
L’homme acquiesça en se tournant vers Jonathan Kent.
_ Je n’arrive pas à me faire à l’idée, c’est tout.
_ Smallville est une place très calme, ça te fera du bien. Nous ferons des sorties, tu verras la petite usine que nous avons là-bas, ce sera l’occasion de faire des affaires.
Gabe ne répondit rien, il regardait le ciel gris.
_ Le jour de sa naissance, on a eu le même orage d’été. Demain elle aurait dû avoir dix-neuf ans.
Le tonnerre gronda et fit trembler les murs de la maison.
_ Tu penses toujours partir en Allemagne pour rechercher sa mère ?
_ Oui. Oui je pense partir cet hiver. La grand-mère de Chloé a toujours eu de l’affection pour elle, peut-être pourra-t-elle m’aider.
_ Très bien, c’est une bonne idée. Il est temps de tourner la page. Je suis sûre que Chloé serait heureuse si tu te remettais à vivre comme tout le monde.
_ Oui, répondit Gabe avec un mince sourire. Elle le serait. Cette petite sotte...
Les deux hommes sourirent plus franchement.
_ Clark l’a beaucoup pleurée, elle nous manque à nous aussi. Mais je suis certain que, où qu’elle soit, elle mène la vie dure aux anges.
Gabe ne put retenir un rire empli de larmes.
_ J’en suis sûr ! Je les plains déjà !
Ils descendirent les grands escaliers, Annabelle les attendait en bas, émue elle aussi.
_ Vous avez tout pris ?
_ Oui monsieur, sauf les affaires de la petite demoiselle, comme vous me l’avez demandé, dit-elle avec un tremolo dans la voix.
_ Bien, soupira Gabe. C’est mieux si nous laissons le passé derrière nous quelques temps.
_ Oui monsieur, fit-elle en essuyant le coin de ses yeux avec un mouchoir de dentelle.
_ Tenez Annabelle, n’allez pas prendre du mal, prévint Gabe en ouvrant un parapluie pour la domestique.
Jonathan en fit de même et ouvrit la marche pour rejoindre la voiture le plus vite possible. Gabe sortit le dernier. Il s’attarda un instant sous le porche d’entrée en regardant l’intérieur du foyer. Il avait presque l’impression qu’il la verrait débouler dans ses petits souliers, comme le jour où il était parti à la guerre. Annabelle lui courait après, elle avait ses longues boucles blondes éparses, sa robe dégrafée et ses bottines délacées. Il l’avait prise dans ses bras et serrée fort contre son uniforme. Elle l’avait accusée de partir en risquant de ne pas revenir, que c’était injuste, et que les fillettes de treize ans avait parfaitement le droit d’accompagner leur père sur le front. S’il fermait cette porte, il la refermerait sur elle c’était certain. Il la voyait devant l’entrée, avec un regard accusateur.
_ Monsieur ?
_ J-j’arrive, hésita-t-il.
Sa fille n’avait pas bougé.
_ Au revoir ma petite princesse, murmura-t-il en refermant lentement le battant.
Le visage disparut doucement. Il attendit, craignant des coups et des jérémiades derrière la porte. Rien ne vint. Il tourna les talons, blême. C’était réellement la fin. Le début d’autre chose se présentait à lui maintenant. Il descendit les marches du perron sans se souvenir qu’il pleuvait à verse, le parapluie baissé. Il prit place dans la voiture sans se retourner.
*
Chloé agrippa la main du prince pour l’abaisser. Elle ne pouvait dire un mot, la gorge nouée, le teint livide. Son père la croyait morte, il était en train de changer de vie sans elle. Elle avait l’impression qu’il l’avait belle et bien enfermée dans la maison. L’emprisonnement devint si intense que le souffle lui manqua. Elle était enfermée ici dans ce palais et sa mémoire était là-bas, dans une maison abandonnée, fermée à double tour.
_ Rose ?
Il passa sa main sur ses joues, de grosses larmes roulaient jusqu’au menton. Chloé se dégagea doucement.
_ Je voulais que tu saches que ton père allait bien.
Incapable de lui témoigner sa colère, sa perplexité et son désespoir, elle se leva pour sortir sur la terrasse et sangloter dans ses mains. Krisna s’effaça de l’appartement. Les portes dorées s’ouvrirent et il s’appuya rapidement contre le mur, le thorax brûlant.
*
_ Rose ?
La petite blonde grogna en se recroquevillant sur son lit.
_ Rose ? Rose !
_ Quoi ?
_ Il faut que tu te lèves et que tu t’habilles, vite !
_ Pourquoi ? Demanda Chloé en ouvrant péniblement les yeux.
_ Le mariage ! Tu es conviée bien sûr !
Parvati la dévisageait, presque inquiète.
_ Je n’y vais pas moi, marmonna Chloé en retombant lourdement sur son oreiller.
_ Le prince a changé d’avis, il veut que tu viennes.
L’Indienne se leva et sortit le plus beau sari de Chloé pour préparer sa tenue. La petite blonde, elle, n’avait pas bougé. Elle n’était vraiment pas d’humeur à se réjouir pour les autres, et surtout pour ce mariage.
_ Alors ? Intervint Jade en intervenant.
_ Je n’irai nulle part, répéta distinctement Chloé.
Turquoise entra et bouscula la favorite pour la sortir du lit. Cette dernière abandonna aussitôt, ne souhaitant pas non plus se mettre à dos les trois femmes.
_ Pas le rouge, grimaça-t-elle.
Ses trois compagnes eurent un large sourire en admirant le sari pourpre et doré.
_ Il faut du rouge pour un mariage ! Ça porte chance !
Chloé retint de justesse un soupir de dédain et un « j’m’en fiche ! ». Elle plongea dans son bain après avoir ouvert son paravent et traînassa le plus longtemps possible.
_ Allez allez ! Pressa Turquoise en la sortant presque de force.
Elle eut l’impression ensuite d’être une poupée entre leurs mains : séchée avec des draps de coton, coiffée, parfumée, habillée, maquillée, parée. Elles tentèrent de lui retirer le bracelet d'argent à son bras, mais le crin de Dragon ne bougea pas d'un pouce.
_ Ce n’est pas mon sari, se rendit-elle compte en examinant les broderies finement détaillées.
_ C’est un cadeau à l’occasion.
_ Où est Kamna ?
_ Dans une maison de la Cité, avec sa famille.
Étrange qu’elle ne soit pas au palais, songea Chloé. Elle se leva pour se regarder dans le miroir, il fallait au moins reconnaître cela à ses amies, elles prenaient soin d’elle et de son allure.
_ Allez allez ! Pressa Parvati, excitée comme une puce. N’oublie pas ton voile !
Chloé le baissa sur son visage et sortit à contrecœur. De nombreuses femmes se préparaient à festoyer dans la grande salle, elles fêtaient de loin le mariage princier, sans aucune jalousie, comme toujours. Chloé passa les portes du harem, le coeur lourd. Une Amazone l’attendait et la conduisit dans une petite cour intérieure précédant la grande salle de réception du palais. Il y avait des invités, vêtus de mille couleurs, discutant joyeusement, accueillant les généraux des armées étrangères. Dès que Chloé posa le pied parmi eux, elle eut droit aux regards de travers, aux murmures et à l’indifférence. Les rumeurs la dénonçant comme coupable s’étaient répandues comme une traînée de poudre. Et quelque part, puisque Ravana revenait pour elle, c’était vrai.
_ Par ici, guida l’Amazone.
Elles traversèrent la cour pour rejoindre un couloir plus calme. Au bout, Krisna discutait avec le Chambellan du palais, vêtu d’un costume blanc et d’une longue écharpe de lin couleur pêche, posée sur l’épaule gauche et tombant le long du corps. Il portait un mince turban de la même couleur, mais en soie, dans lequel était planté une broche pleine de diamants. Chloé ne pensait pas ressentir autant de bonheur et de peine à la fois. Du bonheur de le voir, de la peine pour ce mariage. Elle se tortilla les doigts, bouleversée.
_ Rose, coupa le prince en abandonnant le Chambellan en plein discours.
Il s’approcha d’elle et lui prit les mains. Elle remarqua seulement qu’il portait à son pouce la bague d’archer qu’elle lui avait offert la veille. Était-ce un signe pour lui dire qu’il pensait à elle ? Ou était-ce un avertissement à Kamna ? Quel sens avait tout cela ?!
Il l’attira un peu en retrait.
_ Rose, épouse-moi.
La jeune fille eut un mouvement de recul. Pourquoi lançait-il de nouveau cette proposition un tel jour ! Il approcha son visage du sien.
_ Epouse-moi !
_ Q-quoi ?
_ Epouse-moi !
Seigneur, il ne l’avait pas conviée pour un mariage avec elle au moins ? Ça expliquerait les gloussements des trois femmes et la robe rouge, couleur des mariées en Inde...
_ Là ? Maintenant ?
Il posa son front contre le sien avec un soupir.
_ Non, c’est impossible aujourd’hui.
Elle se fourvoyait complètement ! Les trois femmes étaient juste heureuses de ce fameux mariage et le rouge portait bien chance, pas besoin d’être la mariée.
_ Non ! Refusa-t-elle en se détachant de lui.
_ Et si c’était tout de suite ?
_ Non !
Il attrapa brutalement ses épaules.
_ Pourquoi ne peux-tu pas accepter ?! Pourquoi me refuser ?! Lorsque tu auras perdu tes clochettes c’est pourtant la seule chose qui t’attendra !
Chloé se dégagea.
_ Alors pourquoi vous êtes si pressé ? Retourna-t-elle à voix basse. Vous m’épouserez de force quand je n’aurai plus de clochettes, voilà tout.
Krisna recula, dépité. Il jeta un oeil sur le Chambellan et s’avança vers la cour intérieure où les invités lui jetèrent des fleurs et le congratulèrent. Chloé déglutit, se disant que la journée serait plus longue et plus pénible qu’elle ne l’aurait cru. Le Chambellan s’était approchée d’elle et se raclait la gorge pour qu’elle daigne lever un regard sur lui.
_ Altesse, ce grand mariage sera accompagnée du Rituel d’Introduction de Kamna, elle sera considérée ainsi comme la future reine. Ce qui veut dire que ton statut va changer, lui aussi.
Il lui embrouillait l’esprit avec de nouvelles informations, encore. Elle se sentait déjà nauséeuse, une migraine affreuse s’emparait de sa tête.
_ De première favorite, tu vas passer à Première Favorite.
_ J-je ne comprends pas.
_ Les épouses du harem seront désormais sous la responsabilité de la Première Dame, Kamna, les concubines sous la tienne. La Première Favorite n’a plus le droit de paraître auprès de la famille royale, durant les cérémonies religieuses et les cérémonies officielles, ou durant les réunions privées. Ces tâches sont à partir d’aujourd’hui celles de Kamna. Les tiennes se réduiront à l’intimité du prince.
Abattue par ce qu’elle entendait, elle ne put que prononcer :
_ Et c’est tout ?
_ A vrai dire... non. Si le devoir de la reine est de donner des héritiers au trône, celui de la Première Favorite est de ne jamais avoir d’enfant. Cela engendrerait deux lignées et des risques de guerres de succession.
_ Oh.
Elle fêtait ses dix-neuf ans et on lui jetait à la figure des choses pareilles : Âme humaine rien que cela, réincarnation de Radha et Sita, l’une n’allant apparemment pas sans l’autre, âme-soeur du prince même, Première Favorite et non plus première favorite, reléguée au bon plaisir caché de Sa Majesté, et en plus destinée à ne jamais avoir d’enfants ! Et d’un autre côté Krisna n’arrêtait plus de la demander en mariage et de lui balancer l’idée que, après l’avoir bien menacée de mort et de lui avoir promis de reconsidérer sa liberté, il l’épouserait finalement de force ! Ce qui balayerait tout ce qu’on lui disait sur la Première Favorite...
_ Est-ce que tu m’écoutes ?
Chloé reporta une attention lassée sur le Chambellan.
_ Oui oui, j’écoute.
_ Bien, alors souviens-toi que tu dois rester discrète aujourd’hui, ne fais pas d’ombre à notre future reine !
La petite blonde hocha la tête et partit sans attendre un énième conseil. Sanjay semblait l’attendre dans la cour intérieure qui se vidait peu à peu.
_ Bonjour, dit-il avec un sourire.
_ Bonjour, répliqua-t-elle maussadement.
Elle lui en voulait un peu d’avoir fait ce genre de recherches.
_ Si tu le veux bien, je me suis proposé pour t’accompagner à l’extérieur et voir la cérémonie. Sinon tu vas devoir attendre le banquet dans la grande salle.
Chloé était vraiment tentée de refuser, mais attendre dans une salle vide c’était encore plus déprimant.
_ D’accord.
Sanjay lui tendit son bras, elle s’y accrocha et ne pensa qu’à son père.
_ Le père de Kamna est venu chercher le jeune marié devant le palais, expliqua le conseiller. C’est la tradition, Bimala la petite soeur du prince, va mener Kamna sur la Place des Temples de son côté.
_ La Place des Temples ?
_ Le manavarai, le lieu de la cérémonie. Nous suivrons le Prince, nous faisons partie de ses invités.
Chloé acquiesça, elle remarqua la présence de l’Amazone près d’elle, comme un garde du corps. Et puis une immense clameur parcourut son échine. Le soleil radieux envahit les baies de la grande salle et les hurlements de joie couvrirent le ciel. Des tambours résonnèrent, des pétales colorés volaient au-dessus des têtes. Chloé releva immédiatement son voile pour mieux voir.
_ Le prince doit monter sur Garuda, son pur sang, indiqua Sanjay. Ils vont faire un petit circuit dans la ville, le peuple a très envie de le voir.
Chloé et son guide se faufilèrent dans le cortège du marié, composé des membres du Grand Conseil et de la plus haute noblesse de la Cité. Dès qu’ils posèrent le pied sur le parvis du palais, la clameur s’intensifia et tourna autour d’eux. La place était perdue sous les pas des milliers d’Indiens venus pour l’occasion, se bousculant, criant, jetant des fleurs, entamant des chants d’allégresse, papillonnant dans leurs couleurs chaudes d’ocres, de rouges flamboyants, de jaunes safrans, de verts forêts et de roses flamants. Malgré son profond chagrin, Chloé se trouva emportée par la liesse éclatante de la Cité. Son coeur s’emballa, touché par cette démonstration. On ne pouvait imaginer une guerre prochaine avec tant d’amour pour un souverain.
Ils marchèrent un certain temps dans les plus larges avenues de la ville. Toutes les fenêtres, sans exception, étaient décorées de guirlandes de fleurs qui pendaient le long des façades. Les pluies de pétales ne cessaient pas. Quel spectacle pour le regard ! Tant de couleurs ! Chloé en avait la tête qui tournait. Les mariages en Amérique, se contentaient d’un lancer de riz à la sortie de l’église, du blanc purement religieux. Ici c’était la vie ! Tous ces visages heureux ! Ces gens qui dansaient et chantaient à certains croisements, ralentissant le cortège, ces enfants qui échappaient à la surveillance des parents pour courir dans la foule et rire, jamais Chloé n’avait vu ce visage-là de la Cité. Elle arrivait à ne plus regretter ce conseil de mariage. Le peuple du Désert le méritait.
_ Nous arrivons aux temples ! S’exclama Sanjay pour qu’elle puisse l’entendre.
Chloé leva les yeux et vit les longs dômes des temples, recouverts de reliefs. Les statues des dieux et les façades étaient parées de jasmin blanc qui embaumait délicieusement l’atmosphère. La petite blonde comprit combien elle vivait retirée de la réalité. Toutes ces décorations, ces préparatifs, depuis des jours et des jours ils s'apprêtaient ! Et elle n’avait absolument rien remarqué ni deviné. Le cortège ralentit. Les choses s’organisaient lentement, il fallait contenir le monde afin que les invités puissent s’approcher d’une tonnelle de bois doré, haute et voilée de rouge, avec toujours des guirlandes de jasmin blanc. Des gardes laissèrent passer les invités, les habitants furent priés de se tenir un peu à l’écart pour la cérémonie.
Aussi des silhouettes d’enfants fleurirent de toute part, portés sur les épaules de leurs parents. Un large cercle se dessina autour de la tonnelle. Au-dessous de celle-ci, la famille du prince et la famille de Kamna se rassemblèrent. Chloé s’arrêta à la lisière du cercle. Grand-mère tenait Hari, le neveu du prince, entre ses mains. Kamana arborait un sari émeraude, elle tenait la main de sa fille Kanchi, une nourrice couvait Kajri, la petite filleule de Chloé, au creux de ses bras. La mère de la mariée essuyait discrètement des larmes en voyant sa fille Kamna arriver. Son sari rouge la faisait ressembler à une flamme en sommeil, suffisamment douce pour ne pas effrayer, mais brûlante de sensualité. On devinait les mille parures d’or qui recouvraient son corps sous son voile, ainsi que son large sourire heureux. Bimala se trouvait à ses côtés, un collier de fleurs oranges entre les mains.
Les deux époux se firent face au centre de la tonnelle. Bimala donna les fleurs à Kamna et s’effaça. Le père de Kamna salua Krisna et prit également sa place auprès de son épouse. Un grand prêtre sortit d’un temple et arriva au milieu de l’assemblée, accompagné de deux disciples. Une sorte d’orchestre entama des chants religieux empreints de spiritualité, la foule se calma pour écouter. Des percussions rythmèrent la litanie. Les deux disciples posèrent une coiffe traditionnelle sur le turban du prince : un cercle métallique, comme une couronne, d’où pendait un rideau de petits boutons de jasmin. Son visage fut masqué. Puis les deux disciples s’éloignèrent de la tonnelle et allumèrent un feu à même le sol. Le prêtre entama une longue bénédiction.
_ Je ne comprends rien, murmura Chloé.
_ C’est du sanscrit, expliqua Sanjay. Baisse ton voile, remarqua-t-il ensuite.
_ Pourquoi, je ne vois rien avec.
_ Pour les autres invités.
Chloé haussa les sourcils, pas très sûre de comprendre. Elle leva les yeux sur l’assemblée et remarqua que parmi eux, certains lui jetaient des éclairs de mépris. L’emballement de la population pour la fête retomba comme un soufflet. Elle avait oublié combien on la détestait. Elle avait pensé que les accusations ne tenaient leur origine que d’une poignée de grincheux, mais apparemment beaucoup suivaient l’opinion. Aussi Chloé se dépêcha de baisser son voile pour se dérober aux regards. Sanjay posa sa main sur ses doigts tapis au creux de son coude pour la réconforter. La petite blonde se mordit la lèvre, mal à l’aise. Elle comprima une bouffée de chagrin en voyant les deux familles jeter des fleurs sur le couple. Bimala et le père de Kamna sortirent alors du groupe avec un morceau d’étoffe pourpre sur lequel reposait un collier d’or. Ils passèrent devant le cercle des invités. Chacun apposa ses mains au-dessus.
_ C’est le collier de mariage que Kamna va porter à partir d’aujourd’hui. Chaque épouse en porte un.
Chloé se souvenait bien avoir remarquer un collier rigide, un peu comme un torque, autour du cou de certaines femmes du harem. C’était un peu comme l’alliance du mariage chrétien.
_ Chaque invité doit le bénir.
Elle était vraiment obligée de faire ça ? Retenant un grognement, elle regarda de nouveau la tonnelle. Le couple s’avançait vers le feu, entouré de la famille. Krisna avait noué son écharpe pêche à l’écharpe rouge de Kamna qui le suivait en baissant la tête, et ils se mirent à tourner autour du feu sous les prières du prêtre et de la famille qui continuait à jeter des pétales. Les femmes entamèrent le fameux ‘youyou’ oriental dans la foule. La cacophonie revint de plus belle. C’était probablement le point culminant du mariage sans que Chloé ne comprenne pourquoi.
Bimala entra dans son champ de vision avec le collier de mariage. La petite blonde était désarmée, elle voyait la soeur du prince lui sourire gentiment en attendant. Alors Chloé leva sa main au-dessus du précieux bijou et ne sut que dire.
_ Ne t’en fais pas, c’est très bien comme ça, rassura Bimala.
Sanjay en fit de même avec quelques paroles. Quant au père de Kamna et de Kamana, il semblait ravi. La mésaventure de Raja avait dû ébranler sa famille, mais le mariage de Kamna remontait son nom dans l’estime des deux Cités. Surtout avec un Rituel d’Introduction à la clé.
_ Pourquoi ils tournent autour du feu ? Questionna Chloé.
_ Le feu est sacré, ils doivent en faire sept fois le tour : pour une vie vertueuse, pour une bonne vie de couple, pour leur accomplissement spirituel, pour une longue et belle vie, pour le bien des êtres vivants, pour le bon déroulement des saisons et pour la fidélité.
_ C’est pour ça que des époux sont liés sept vies de suite ?
_ Entre autres oui.
Le couple exécuta son dernier tour puis il se retrouva de nouveau devant le prêtre. Bimala et le père de la mariée revinrent eux aussi de leur tour. Krisna releva le voile de Kamna. Ils se sourirent tendrement. Chloé n’avait pas encore vu un tel sourire sur le visage de la si sereine Kamna. La jalousie lui échauffa les oreilles. Krisna prit le collier de mariage et l’attacha autour du cou de la mariée. Il prit un petit anneau que lui tendait son beau-père, se baissa et l’enfila au doigt de pied de Kamna. Ce fut alors au tour de la jeune femme, d’offrir à son mari la couronne de fleurs oranges que tenait toujours Bimala à son bras, ainsi qu’un anneau doré à son doigt.
_ Mais il ne les porte pas toutes, s’aperçut Chloé.
_ Non bien sûr. Il n’en porte aucune même. Certaines femmes ne portent pas constamment le collier au harem. Mais ce mariage est exceptionnel, tous les précédents se sont déroulés dans l’intimité des familles.
Le prêtre les para d’une nouvelle couronne de fleurs blanches. Son disciple tendit une coupelle de poudre rouge.
_ Une pincée de Sindur, fit Sanjay. C’est la dernière marque d’alliance, sans elle le mariage ne serait pas. Une union pourrait se résumer à ce simple geste.
Krisna appliqua le pourpre sur la raie des cheveux de Kamna. Cette dernière traça un point sur le front du prince à travers le jasmin. Une autre vague de cris de joie retentit alors. Et toujours des pluies de pétales en direction du couple. Sous les acclamations, Kamna toucha les pieds de ses parents et de la grand-mère du prince. Krisna fit de même, sollicitant la plus grande des fiertés à ses beaux-parents qui, émus, ne retenaient plus leurs larmes. Même Chloé était impressionnée en voyant le prince se baisser devant ce couple pour leur bénédiction.
_ La mariée va partir en palanquin jusqu’au palais, le prince va la suivre de près, dit Sanjay en l’entraînant dans la foule, suivi par l’Amazone.
_ Où allons-nous ?
_ On va rentrer avant eux, pour éviter la cohue. J’imagine que leur cheminement sera plus long, ils vont profiter du monde.
_ Mais... et le Rituel d’Introduction ?
_ Une fois arrivée devant le palais, Kamna devra renverser avec le pied un pot rempli de sel. Elle posera les empreintes de ses mains, peintes en rouge, sur la porte. Elle trempera également ses pieds dans le rouge et marchera sur le sel en entrant. Ainsi elle pourra prétendre au titre de reine, en tant que ‘maîtresse de maison’ en quelque sorte.
Chloé acquiesça et s’agrippa au bras du conseiller. Ils allaient à l’encontre du sens de la foule.
_ Veux-tu participer au banquet ? Demanda Sanjay au bout d’un moment.
_ Je suis vraiment autorisée à le faire ? C’est pourtant une cérémonie religieuse et familiale.
_ C’est vrai oui. Je pense que le prince voulait ta présence pour cela une dernière fois.
Autant remuer le couteau dans la plaie.
Il était marié ! Bien sûr qu’il l’était avec tant d’autres ! Mais là c’était Kamna ! La seule qui partageait son lit ! Celle qui deviendrait sa reine et la mère de ses enfants ! Que pouvait-elle espérer ? Son futur était si incertain, elle ne comprenait plus ce qu’elle devait faire ni ce qu’elle devait être.
_ Je préfère ne pas y assister, finit-elle par dire, même si elle se rendait compte qu’elle devrait subir la fête au harem.
_ Allons dans mes appartements alors. Discutons un peu.
Ah voilà qui la tentait plus. Ils réussirent à se frayer un chemin jusqu’au palais et retrouvèrent le calme des couloirs désertés. Akand était sorti, la maison silencieuse de Sanjay. Chloé s’assit près de la baie pour regarder le jardin fleuri de lilas, ployant sous la chaleur du soleil.
_ Je t’ai ramené un présent de la Cité de la Jungle, aborda alors le conseiller. J’ai beaucoup parlé de toi avec le roi Brahma, il m’a également fait passer quelque chose pour toi.
Chloé tourna un regard qu’elle voulait blasé, mais ne put retenir sa curiosité. Sanjay sortit un baluchon et le démaillota sur la table. Il en sortit deux livres, ce qui fit frémir Chloé d’excitation. Elle se rapprocha pour s’appuyer sur le meuble, mordue d’impatience.
_ Celui-ci est de la part de Brahma, seulement ce n’est qu’un prêt. Il appartient à un grand collectionneur de sa Cité, un descendant de la communauté de l’Atlantide.
Chloé acquiesça en prenant le livre, l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, le texte intégral, en grec ancien traduit en anglais. Son monde s'infiltrait très discrètement dans le leur, en effet.
_ Si tu le souhaites, je peux demander à l’un de mes élèves de le recopier, tu pourras en garder un exemplaire ainsi.
_ Oui, répondit-elle immédiatement, un large sourire aux lèvres en le lui rendant.
_ Bien. Et voici le mien, c’est un objet plus rare.
_ Les Orientales, de Victor Hugo, lut Chloé en passant ses doigts sur la couverture en cuir. J’ai déjà lu du Victor Hugo en apprenant le français, mais je ne connaissais pas ces poèmes.
_ Peut-être pourrons-nous les traduire en hindi et les mettre à la bibliothèque.
_ Vous pourriez faire ça ?
_ Pourquoi pas, sourit Sanjay en haussant les épaules.
Il se mit à préparer du thé, Chloé s’engagea à découper le citron en tranches pour l’aider.
_ Alors, ce voyage ? As-tu vu des choses qui t’ont plu ?
Chloé leva les yeux.
_ J’ai vu le côté Noir, répondit-elle aussitôt, se rappelant subitement de toutes les choses étranges qu’elle avait vues.
Sanjay parut plus soucieux.
_ Quand ?
_ Dans la Cité du Dragon Bleu, il se battait avec le seigneur Dangun.
_ Oh, fit-il, soucieux.
_ Le prêtre coréen m’a dit comment faire pour l’arrêter et ça a marché.
_ Le prêtre ’coréen’ ?
_ Oui... Chez moi, c’est le nom de ce peuple.
_ Aaah. Pour en revenir à ce qui s’est passé, la transformation a-t-elle été complète?
_ Non pas vraiment.
_ C’est très inquiétant. Le côté Noir est incontrôlable.
_ Il a suffi que je le prenne dans mes bras.
Sanjay fronça les sourcils.
_ Si tu es véritablement son âme-soeur, c’est tout à fait normal. Encore une preuve de plus.
Chloé se renfrogna.
_ Ne parlez plus de cela, c’est une chose impossible.
_ Pourquoi le refuses-tu à ce point ? Seulement parce que nos origines sont différentes ? Nos mondes sont-ils si éloignés ?
_ Alors pourquoi épouse-t-il Kamna ? Demanda Chloé, le visage empourpré.
_ Ah, sourit Sanjay. Krisna est soumis à certaines pressions lui aussi. Kamna vient de la Cité voisine, d’une grande famille aristocrate, sa beauté et son intelligence inspirent beaucoup le peuple. Le prince ne peut pas ignorer cette admiration.
_ Je sais tout cela, marmonna la jeune fille.
Elle soupira en s’asseyant et en repliant ses genoux, attristée.
_ Qu’est-ce qu’on dit sur moi ?
_ Es-tu sûre de vouloir entendre ça ?
_ C’est si mauvais ?
Sanjay haussa les épaules.
_ Disons que tes différences et ton caractère ont creusé un fossé entre la Cité et toi.
_ Et je devrais accepter cette histoire d’âme-soeur malgré cela ? Grogna-t-elle.
Le conseiller eut un sourire, un peu tendre et moqueur, tout en servant le thé.
_ C’est pour cela qu’il faut le croire. Le chemin des âmes-soeurs est semé d’embûches. Il faudra peut-être s'attendre à des changements dans le comportement du prince, probablement irrationnels.
En guise de commentaire, elle plongea son visage dans ses genoux. Mais Sanjay n’avait pas vraiment envie d’en rester là. Il était convaincu d’être en présence de la réincarnation de Radha et de Sita, son âme était une perle dans un océan, et elle avait retrouvé le chemin de ses origines. Ce miracle ne pouvait qu’être de bon augure. La couleur de peau de Krisna annonçait bien la venue de sa moitié depuis l’extérieur. L’Histoire serait à présent marquée à jamais. Il avait alors commencé l’écriture d’un récit contant son arrivée et tout ce qui s’était passé autour d’elle.
_ Le prince t’a demandé en mariage pourtant.
Chloé leva les yeux.
_ Pour m’ajouter à sa collection.
_ Mais tu pourrais avoir des enfants.
_ Et vivre enfermée au harem ? Je me doute bien que les épouses restent cloîtrées depuis que nous avons une Première Dame. Aucune autre ne peut se montrer en public à présent n’est-ce pas ?
_ Tu dis vrai oui. Mais la Première Favorite a seulement la réputation d’une maîtresse.
_ Cela ne pourrait pas être pire que ma réputation en ce moment même.
_ Ce n'est pas faux, admit-il.
Chloé soupira de nouveau et but une gorgée de thé. De toute façon, elle n’avait jamais partagé son lit. Cette histoire de maîtresse, c’était un peu fort.
_ Sa peau était-elle noire ? Demanda pensivement Sanjay. Ou était-ce seulement une aura noire ?
_ Sa peau était noire. Pourquoi ?
_ Tu te souviens l’avoir croisé dans le palais, auréolé d’une aura bleue ?
_ Oui, j’étais servante, confirma-t-elle, intriguée.
_ Krisna a deux visages, tu le sais. Le Noir ne se manifeste que lors d’un combat intense. Raja a dénoué en partie le sceau qui le retenait dans son enfance.
_ Oui ! S’exclama Chloé en se souvenant de ce que Krisna lui avait montré.
_ Vous en avez donc déjà parlé, sourit Sanjay. Je me demandais si tu avais vu le côté Bleu, ou du moins Krisna complètement transformé. Ce que tu as vu dans les couloirs du palais n’est qu’une amorce de ce côté Bleu. Il n’a jamais eu une transformation entière d’après ce que je sais.
_ Non, je ne l’ai jamais vu ainsi.
_ Je me demande ce que cela donnerait...
_ Est-ce que ça vous inquiète ?
_ Oui et non. Krisna est incapable de maîtriser ces deux côtés. Il pourrait l’être mais c’est très difficile. C’est pour cela qu’il a tendance à montrer une aura bleue lorsqu’il est fiévreux.
Chloé acquiesça.
_ Alors il pourrait être conscient quand il est transformé?
_ Ce serait un atout très important pour une guerre en ce qui concerne le côté Noir. Mais notre seigneur a deux visages, les souverains n’en ont qu’un normalement.
_ Mais alors le côté Bleu, qu’est-ce que c’est ?
_ Tu m’as raconté la vision que tu as eu dans le temple de Shiva, dans la Cité de la Jungle, tu t’en souviens ?
_ Oui.
_ Et bien c’était le côté Bleu de Krisna, le dieu qui charme les Gopis au son de sa flûte, celui qui aime sans compter et qui donne sans attendre de retour. Cela ne peut pas être mauvais. Seulement peut-on vraiment savoir ce qui se passerait... C’est une autre question !
_ Il m’appelait Bharavi, grogna Chloé. C’était pas très gentil de me donner le nom d’un serpent.
_ Bharavi oui, s’amusa Sanjay avant de se figer. Non ! Brinda ! C’est Brinda qu’il a voulu dire !
_ Brinda ?
_ C’est l’autre nom de Radha bien sûr ! Qui signifie également basilic ! Mais ne prends pas mal le surnom du basilic, c’est le serpent qui envoûte et immobilise !
Chloé ouvrait des yeux ronds.
_ Ouais, fit-elle, perplexe.
_ Maître ? Interrompit Akand en entrant dans l'appartement. Le banquet commence.
_ Ah, je te rejoins.
Le disciple s'inclina et sortit.
_ Je dois faire acte de présence au moins une ou deux heures. Tu peux rester ici si tu veux en attendant mon retour.
Chloé accepta sans discuter. Elle laissa Sanjay disparaître, se leva, attrapa le livre de poésie et sortit dans le jardin pour s'allonger sous un lilas. La merveilleuse odeur se mêla au jasmin et lui ravit les sens. C'était si beau, si coloré et reposant. Elle prit le temps de lire quelques passages des Orientales, ravie de voir que même Victor Hugo avait entendu parler des Djinns. On pouvait presque croire que l'écrivain avait déjà posé les pieds dans la mystérieuse pyramide de la Cité des Songes.
« Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !... Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond.
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond. »
Chloé roula dans l'herbe, face au ciel, l'air rêveur. Quel voyage merveilleux, quand elle y songeait. Elle avait eu Krisna rien que pour elle, cette situation ne se représenterait probablement jamais plus. Il lui avait offert le jardin chinois, et les Mille et Une Nuits ! Tant de lectures l'attendaient encore... Peu importe le mariage ! Elle s'accommoderait de sa vie d'amante, il le fallait bien !
Elle replongea dans la poésie faite de harems, de guerres et de rêveries. Sanjay revint au bout de trois bonnes heures mais il ne vint pas la déranger, voyant qu'elle sirotait tranquillement une autre tasse de thé, le livre entre les mains. L'après-midi s'écoula lentement dans le silence du jardin. Lorsque le soleil rasa les murailles, le conseiller vint chercher Chloé pour partager un repas à ses côtés. La petite blonde lui raconta en détails les merveilles qu'elle avait croisées, les Lionnes et le masque d'or, leur conflit avec le Peuple des Rivières, l'indépendance de Nabila, le Kilimanjaro, les tombeaux somptueux de la Cité des Songes, les pierres divines, les Djinns, la céramique bleue, le secret des falaises, la Cité des Croisements, le marché, les tapis volants, les bagues d'archer, la bague d'archer qu'elle lui offrit enfin, la mosquée si impressionnante, les grandes terrasses verdoyantes de la Cité du Dragon Bleu, les Bouddhas géants, le roi Dragon, le nid, les explosifs, le retour, les présents du prince.
La nuit était déjà tombée lorsqu'elle se prépara à son retour au harem. Des 'youyous' retentirent subitement, avec le fracas de tambours et d'instruments à vent.
_ Que se passe-t-il ? S'intrigua Chloé.
Sanjay s'éclaircit la gorge.
_ La nuit de noces va commencer.
_ Oh.
Elle baissa un peu la tête, refroidie. Puis elle se reprit et esquissa un maigre sourire.
_ Merci pour aujourd'hui, c'était très agréable.
_ Merci pour ton présent, retourna-t-il en conservant la bague d'archer au creux de sa main. Je n'avais pas aussi bien dîné depuis longtemps.
Il lui rendit un éclatant sourire. Elle s'approcha de lui pour l'embrasser sur la joue, comme elle l'aurait fait avec son père. Il caressa affectueusement son épaule, d'un air protecteur.
_ Bonne nuit Rose.
_ Bonne nuit, souhaita-t-elle à son tour avant de sortir.
L'Amazone l'avait attendue toute la journée devant les portes. Elle l'escorta jusqu'au harem, traversant la foule en liesse qui débordait de la grande salle du rez-de-chaussée. Chloé retrouva avec plaisir les appartements des femmes, plongés dans le silence le plus complet. La fête n'avait pas été très longue, heureusement. Une fois dans sa chambre, le poids de la fatigue s'abattit sur ses épaules. Elle n'avait pas tout à fait récupéré du voyage encore. Chloé enfila une longue djellaba blanche et se coucha tout en conservant une veilleuse allumée. Une fois sous son drap, impossible de fermer les yeux. Elle entendait les lointains chants autour des feux sur la place principale.
La jalousie lui tirailla les entrailles. Si elle savait bien que Krisna couchait avec Kamna, elle avait toujours ignoré quand précisément. Là, elle n'avait aucun doute à avoir. Toutes les caresses et les baisers étaient pour Kamna, les soupirs impatients, tout ce qu'elle avait lu dans le Kama Sutra... Et si elle tombait enceinte cette nuit-même ? Ce serait pire encore. Les enfants de l'homme qu'elle aimait avec sa centième femme... C'est ce qui arriverait forcément un jour ou l'autre. En attendant, ils finiraient bien par partager un lit une nuit, pour qu'elle devienne vraiment sa Première Favorite. Jusqu'à ce qu'il se lasse d'elle.
*