Souvenez-vous, il y a bien longtemps, j'avois posté une fic nommée Athéna. La déesse redescendait de l'Olympe sur Terre pour se familiariser à nouveau avec les humains (en l'occurrence Lex) et tenter de revenir sur le devant de la scène.
Voici donc la suite, répondant au challenge des 30 baisers 'cocktail' et en l'honneur de la Saint-Valentin avec trois noms de fleurs (et 11 jours de retard...)
Bonne lecture!!
Athéna II
Gloria se pencha un peu plus vers son patron, visiblement hypnotisé par la blonde, debout un peu plus loin. La « belle Chloé », comme elle avait fini par la surnommer pour taquiner Monsieur Luthor qui grognait et rougissait à chaque fois, venait tous les jours depuis plusieurs mois et était devenue une figure familière. Gloria n’était pas dupe.
_ Vous, vous êtes amoureux, s’amusa-t-elle en touchant son épaule de son index.
_ Reprenez-vous voulez-vous, se redressa-t-il en se râclant la gorge.
Elle glissa des papiers sous ses yeux pour qu’il les signe. Chloé tapotait frénétiquement un smartphone.
_ Qu’est-ce qu’elle fait ?
_ Elle découvre probablement le téléphone, répondit nébuleusement Lex.
_ Hein ?
_ Oui enfin, elle débarque un peu de sa campagne, corrigea-t-il.
Gloria soupira.
_ À quoi bon le téléphone. Si c’est pour être harcelée par un malade chaque soir…
Lex releva des yeux inquiets.
_ Quelqu’un vous harcèle ?
_ Un homme bizarre qui me demande quel est mon animal et mon acteur préférés. Franchement.
Ça ressemblait à la technique de drague de Zeus, mais tout de même… Oserait-il ?
_ Et alors ?
_ Le chat et Hugh Jackman.
_ Très bien, n’approchez plus aucun chat et si Hugh Jackman apparaît et vous offre un verre, courez vous cacher.
Gloria cligna des paupières.
_ Est-ce que ça veut dire que je ne suis pas assez bien pour Hugh Jackman ?
_ Je veux seulement dire que Hugh Jackman n’est peut-être pas Hugh Jackman.
_ … Hin hiiin.
Elle attrapa sèchement les papiers pour sortir en grommelant. Lex s’avança vers la déesse et regarda sa principale occupation. Elle semblait plutôt préoccupée.
_ Tout va bien ?
_ Je commence à comprendre pourquoi il se comporte comme ça là-haut, grommela-t-elle sombrement.
_ Qui ?
_ Mon frère.
_ Et que fait-il ?
_ Il se pavanne. Sans raison apparente.
Comment Arès se pavannait-il au juste ?
_ Ça ressemble un peu à…
Athéna fut interrompue par un halo lumineux éblouissant. Une jeune femme au regard absent et aux longues ailes déployée apparut. Elle tenait une couronne de laurier dans la main et sa voix semblait flotter dans toute la pièce.
_ Les dieux l’ont nommé, voici le héros divin qui a défait les puissants Sangliers Moribonds par la force de ses Oiseaux Furieux ! Gloire sur les monts de l’Olympe au fils de Zeus et d’Héra, gloire à Arès !
Elle s’effaça dans la lumière et Arès apparut les bras levés, bien content de lui.
_ … ça, termina Athéna.
Lex grimaçait. Il avait du mal à suivre.
_ Les « Sangliers Moribonds » ? Demanda-t-il en toute sincère curiosité.
_ Les cochons verts, ça ne sonnait pas épique, expliqua Arès en tirant un fauteuil pour s’y laisser choir, complètement satisfait de ses effets. C’est Calliope qui m’a aidé à rédiger mon éloge et j’ai loué les services d’une Niké.
Le milliardaire cligna des paupières.
_ Je ne comprends toujours pas.
Il crut entendre Arès se moquer de lui à voix basse mais n’eut pas le temps de protester. Athéna lui mit sous le nez la chose à laquelle il ne s’était vraiment pas attendu : le AB2WS, le Angry Birds World Wide Score, avec en tête de classement le nom d’Arès pour un maximum d’étoiles acquises en un minimum de temps.
_ C’est une plaisanterie ? Se mit à sourire Lex. Ce n’est pas un exploit, ce n’est qu’un jeu.
_ Là n’est pas la question, corrigea Athéna. Son aura dans le monde des humains s’est accrue avec cette renommée. Elle s’est donc également accrue sur l’Olympe.
_ Mais les humains ne croient pas que c’est le dieu de la guerre, ils ne voient qu’un pseudonyme.
_ Oui, exactement comme moi avec toi et ton nouveau bâtiment.
_ … Ah.
Lex se tourna vers le dieu, Arès affichait un sourire diabolique. Le milliardaire sut parfaitement quoi faire pour contrecarrer cet odieux plan. Mais pour le moment, il fallait qu’il récupère l’attention de sa déesse.
_ Passons, je vais avoir besoin de vous, dit-il alors en détournant la jeune femme de son frère alors qu’ils se jetaient des regards belliqueux. Je vais donner un cocktail pour la présentation officielle de la maquette de notre nouvel édifice.
_ Un fête ?
_ J’aimerais que vous soyez ma cavalière, puisque c’est grâce à vous que j’en suis là. Et puis nous fêterons la…
_ Oh oui ! Sautilla-t-elle. Je sais exactement qui appeler pour nous aider.
Athéna attrapa son téléphone en l’interrompant dans son invitation sous-entendue : celle de la Saint-Valentin le même soir que le cocktail. La déesse était ravie de son nouvel instrument. Elle avait programmé l’une de ses chouettes dorées pour qu’elle apporte des messages sur l’Olympe sans qu’elle ne la convoque. Ainsi elle pouvait discrètement interférer avec les dieux depuis la Terre, le tout grâce à un coup de pouce d’Hermès.
Lex contint à peine un soupir, elle était radieuse, magnifique, adorable…
Arès se tint à un centimètre de son visage, le milliardaire sursauta en s’en apercevant. Le dieu pointa son index sur son épaule.
_ Ne courtise pas ma sœur.
En quoi ça pouvait bien le regarder lui ?
_ Pardon ?
_ C’est peut-être une chieuse, mais c’est ma sœur.
Ah ouais, un peu comme ces braves Siciliens qui n’en ont rien à faire de leurs sœurs mais qui contrôlent quand même leur vie.
_ Ce n’est pas un rendez-vous galant, c’est plus un hommage, répondit Lex avec un certain tact.
_ Je sais très bien à quoi pense les mortels. J’ai même mis une rouste à Héphaïstos pour tous ses gestes déplacés envers elle, alors un simple mortel…
Ce ne serait pas plutôt parce qu’Héphaïstos lui avait collé la honte en les surprenant en plein adultère, lui et Aphrodite ? Heureusement que la Saint-Valentin leur était dénuée de sens et d’intérêt, grâce au brave saint qui avait été sacrifié au nom de la foi chrétienne.
_ Je pense qu’elle peut très bien se défendre elle-même.
La dite déesse revint vers eux, toujours très excitée. Elle bouscula son frère pour reprendre son humain.
_ Je vais faire venir le meilleur, lança-t-elle avec un grand sourire. Pour une fête réussie, il te faut Dionysos.
_ Nom de Zeus, marmonna Arès.
Lex cligna des paupières.
_ Vous êtes sûre ? Je n’ai pas envie que mes invités finissent ivres dans une orgie.
_ Et ils finiront ainsi, approuva Arès de loin.
_ Mais non voyons, Dionysos sait comment mettre l’ambiance. Les meilleures fêtes de l’Olympe sont toujours organisées par Dionysos, comme toutes les fêtes de l’époque grecque et de l’époque romaine, tenta à nouveau Athéna.
Le milliardaire ne put s’empêcher de jeter un œil sur Arès, il secouait la tête à la négative et bougeait les lèvres pour mimer un « tous bourrés ». La déesse attrapa un crayon sur le bureau et le jeta sur son frère. La pointe se planta entre les deux yeux d’Arès, Lex sursauta.
_ Tu sais que je dis vrai ! Protesta le frère.
_ Ça n’est arrivé qu’une fois !
_ Oui l’unique fois où il a organisé une fête sur l’Olympe !
Il arracha le crayon de son front et le réduisit en miettes. Pas de trou, pas de sang, rien.
_ Cette fête était grandiose !
_ Tu étais bourrée toi aussi, évidemment que c’était grandiose !
Athéna se redressa, outrée.
_ Je n’ai jamais été ivre.
_ Tu es montée sur la table avec le bouclier d’Achille et tu as décapité les statues d’Aphrodite en le jetant comme un freesbee.
_ … Ces statues étaient moches.
Ils s’affrontèrent du regard en silence quelques minutes.
_ Je connais un très bon caviste sinon, intervint Lex.
Athéna attrapa son bras.
_ Rencontre d’abord Dionysos et ensuite, tu avises.
Après tout, elle ne s’était jamais trompée.
_ D’accord. On va déjeuner ?
Elle acquiesça avec un sourire.
_ Euh moi je…
_ Plus tard Gédéon !
*
Lorsqu’ils revinrent, ils trouvèrent Gloria agenouillée sur le comptoir, les mains sur la bouche. Lex s’approcha de la secrétaire, de plus en plus inquiet pour la santé de son employée.
_ Tout va bien ?
Elle secoua énergiquement la tête.
_ I-il y a… un… un… gros lion dans votre bureau !
_ Maaaais bien sûr.
_ C’est vrai !
_ Ça doit plutôt une panthère nébuleuse, intervint Athéna.
_ Maaaais bi… pardon ?
_ C’est Cachou, la panthère de Didi.
Enchantée, elle alla au bureau et entra. Lex et Gloria partagèrent un air perplexe.
_ J’ai appelé les services vétérinaires, précisa plus calmement la secrétaire.
_ Vous avez bien fait.
Il avança prudemment jusqu’à son bureau, partagé entre la crainte d’une catastrophe et l’excitation de découvrir le visage d’une nouvelle divinité. Visage qu’il n’aperçut pas au premier abord. Athéna était accroupie et câlinait un animal magnifique, une panthère tachetée très rare, espèce protégée oblige, si les services vétérinaires la trouvaient là sans aucune raison, ce serait le scandale de l’année. Il passa la tête dans le couloir et décommanda leur intervention.
Bon, où était le véritable propriétaire à présent. Il remarqua que son fauteuil lui tournait le dos, et ce ne fut qu’à cet instant qu’il bougea légèrement sur la droite, avant de pivoter entièrement.
Dionysos était particulier, même lui simple mortel le savait. Il était « né deux fois », sorti du ventre de sa mère mourante pour être cousu dans la cuisse de son père et sortir à nouveau. Si particulier qu’il préférait vivre parmi les humains, selon la légende.
_ J’hésite encore, dit-il seulement en plongeant ses yeux dans ceux de Lex.
Des yeux d’or. Littéralement. Fort contraste avec sa peau halée et ses cheveux d’un noir de jais qui s’emmêlaient en mèches et boucles autour de feuilles de vigne dorées. Difficile de savoir si les feuilles étaient siennes ou une simple parure. Son visage fin et imberbe était celui de l’éternelle jeunesse et d’une beauté à toute épreuve. Il portait une longue chemise indienne de taffetas pourpre sur un jeans sombre, curieux modèle de tradition et de modernité.
_ Il faut que tu acceptes, insista Athéna.
_ Je ne connais pas assez ton humain.
Les deux dieux se tournèrent vers le milliardaire resté muet. Lorsqu’il sentit les regards sur lui, il dit la première chose qu’il avait en tête.
_ Vous êtes euh… ravissant.
Dionysos eut un léger sourire.
_ J’ai dis ça tout haut ? Se rendit compte Lex.
_ T’inquiète, il fait cet effet à tout le monde, rassura Athéna. Dionysos est… incertain sur ses penchants. Il trouble donc autant les femmes que les hommes.
_ Je suis plutôt convaincu de mes propres penchants, assura rapidement Lex, embarrassé.
La panthère se rapprocha de son maître et se frotta à sa jambe. C’était vraiment un dieu oriental. Plusieurs versions des mythes le rapportaient. On le comparait même à Osiris.
_ Je suis Osiris, dit-il alors.
Lex écarquilla les paupières.
_ Vous lisez dans les pensées ?
_ Quand tu penses à moi oui.
Lex se tourna vers Athéna et se mit à penser fort : « Je vous trouve merveilleuse et je vous aime. Je vous adore même. »
Elle cligna des paupières.
_ Quoi ?
_ Rien, grogna-t-il, déçu.
Déesse de la raison, née de la tête de Zeus, dieu de la débauche, né de sa cuisse légère.
_ Comment va père ? Lança alors Dionysos.
_ Bien, il teste des transformations dans sa chambre.
Ils grimacèrent ensemble.
_ Vous ne vivez pas sur l’Olympe ? S’étonna l’humain.
_ Non, je préfère vivre sur Terre. J’étais dans une villa en Italie, je goûtais un Braccheto amabile du Piémont, fabuleux. Parle-moi de ton projet, tu m’intéresses.
Athéna se frotta les mains.
_ Je vais donner un cocktail pour la présentation de la maquette du nouvel édifice que nous projetons, expliqua Lex. Je précise, un « cocktail », une soirée élégante. Puisque je vais appeler le bâtiment Athéna, je pensais faire la soirée sur le thème des dieux grecs.
Ils sourirent tous les deux, flattés.
_ L’une des meilleures fêtes que j’ai patronée sur Terre a été celle de Babylone pour l’entrée de mon fils dans la ville. Des fontaines de vin, des bacchantes qui dansaient jusqu’à rendre fou, des grappes gorgées de soleil qui poussaient sur les murs, trois nuits durant ils ont bu en mon nom.
Il poussa un petit soupir.
_ Évidemment, à partir du moment où Jésus a comparé le vin à son sang, les choses se sont tassées. Je n’aurais jamais dû lui parler des secrets de la résurrection.
_ C’était votre idée ? Releva Lex, dubitatif.
Dionysos pencha légèrement la tête sur le côté, dépité. Athéna frotta son bras.
_ Ne t’en veux pas, ce n’est pas ta faute.
_ Le mot principal de ma description, c’est « élégant », rappela Lex, pas tout à fait convaincu. Les invités sont les dignitaires de la ville et quelques rivaux, il faut leur en mettre plein la vue mais tout en restant sobre.
Dionysos fit le tour du bureau tout en parlant.
_ Des ménades au service, des cratères de vin de qualité, des cocktails fabuleux, des statues de glaces… Qu’en penses-tu ?
_ Dit comme ça… Dut admettre Lex. Par curiosité, votre fils, c’était qui ?
Les deux divinités semblèrent perplexes.
_ Alexandre, répliqua Athéna. Le roi de Macédoine. Ne me dis pas que tu n’as pas entendu parler de lui, j’ai vu plusieurs livres sur lui dans ta bibliothèque.
Lex posa ses mains sur sa bouche. Alexandre le Grand avait été le héros de son père, mais aussi le sien. Le conquérant, le seul, l’unique !
_ Vous êtes son père !
_ Olympia, soupira Dionysos. Ma plus belle et grandiose orante…
_ Je croyais que c’était Zeus, ajouta Lex, complètement admiratif.
_ Papa revendique beaucoup de paternité, grogna Athéna.
_ Comment pourrais-je refuser au père d’Alexandre le Grand d’organiser mon cocktail ! S’exclama Lex, fasciné. Racontez-moi tout, son enfance, à quoi il ressemblait, votre relation…
_ Allons en discuter autour d’un verre, proposa Dionysos.
_ Bonne idée oui, souriait Athéna.
Lex accepta immédiatement. Quel dieu serein et cultivé, raffiné même. Lui qui s’était toujours imaginé Dionysos comme ce gros balourd Disney de Fantasia. Même pas ! Après tout, les banquets grecs avaient toujours été des évènements de philosophie, de musique, d’ivresse certes, mais contenue dans un écrin de réflexion et de courtoisie.
*
Deux heures plus tard.
_ Alors le premier archer s’est éloigné et a défié le second à plus d’un stade de distance qu’il ne pourrait pas atteindre le casque qu’il tenait à la main. Il a gagné, la flèche s’est fichée entre ses yeux, en plein milieu du front !
Ils éclatèrent de rire tandis qu’Arès finissait son récit par un shot de vodka.
_ Pourquoi… Murmura Lex, blasé.
Il tourna la tête vers sa voisine de banquette, Athéna pouffait dans ses mains. Mais ce n’était rien face à ce démon fourvoyeur de Dionysos qui riait aux éclats en face d’eux, ni face à Arès qui s’était incrusté au dernier moment. La musique du bar couvrait leur conversation, si « conversation » qualifiait les échanges des dieux dans ce cas. Ce qu’ils buvaient parasitait pas mal le raffinement de banquet auquel il s’était attendu. Non non, rien de philosophique, ils étaient tous les trois tellement bourrés qu’il était impossible pour lui, humain, d’en placer une.
_ C’était mon top ten des morts les plus stupides de la guerre de Troie ! S’exclama Arès.
Dionysos le resservit à nouveau, hilare.
_ On pourrait faire le même avec les prières des humains, proposa-t-il.
_ Oh oui ! Fit Athéna. « P-p-p-p-pitiééééé Athénaaaa ! »
Et c’était reparti pour des anecdotes qui ne faisaient rire qu’eux. Lorsque Lex regarda sa montre, il poussa un soupir. Sa soirée de présentation était par avance fichue. Si ses invités se retrouvaient dans le même état, les journaux seraient ravis de rapporter l’orgie générale et non pas la merveilleuse maquette résultant d’un travail de longue haleine. Sans parler de la petite fête privée qu’il planifiait ensuite, pour seulement lui et Athéna.
Une serveuse posa un gros sceau rempli de glaçons dans lesquels étaient fichés deux bouteilles de Champagne avec des bougies pétillentes. Lex roula ses yeux, désespéré de sortir d’ici un jour peut-être. Dionysos se permit alors de claquer les fesses de la jeune femme, probablement parce qu’il en avait l’habitude avec ses bacchantes, mais la serveuse ne le prit pas pour un compliment. Elle lui retourna la claque et pivota sèchement avant de s’éloigner. Arès s’emballa, Athéna se moqua de lui, Dionysos le calma, Arès se rassit, Athéna en remit une couche, Dionysos ouvrit le Champagne. Lex se lamenta.
Le patron du bar s’approcha du milliardaire, un peu embarrassé. Ils se connaissaient plutôt bien, Lex passait quelques soirées ici avec des amis ou des collègues. Le patron lui fit des reproches, Lex s’excusa, Arès grommela, Athéna pouffa, Dionysos ouvrit la seconde bouteille.
Au bout d’une troisième heure, Lex envoya un tweet.
« Je veux mourir. »
Bruce Wayne répondit « @LexLuthor lol ». Oliver Queen enchaîna « @LexLuthor Va mourir. lol ». Et Clark Kent « @LexLuthor C’est grave ? Ça peut attendre ? J’ai trois incendies là. »
Lex désespéra « @BruceWayne @OliverQueen @ClarkKent Pourquoi ? »
Tony Stark répliqua du tac-au-tac « @LexLuthor 42. »
Monde de merde. Ainsi termina-t-il son dialogue intérieur.
_ On va sortir respirer un peu d’air frais ? Lança-t-il en les forçant à quitter la table.
Lorsqu’il constata que la nuit tombait à peine, il n’en revint pas. Son téléphone vibra, peut-être enfin un message de soutien, mais non. Un tweet de Gloria.
« @LexLuthor Vous m’avez laissée seule avec une panthère au bureau. Je vous hais. »
Merde, Cachou. Chier.
_ Oh bon sang ! S’exclama Dionysos. Cette étoile est très très proche ! On va tous mouriiiir !
Il partagea un regard avec Arès et ils éclatèrent de rire.
_ « Ils » vont tous mouriiiir !
_ C’est un lampadaire, grogna Lex.
Athéna lui attrapa le bras et le comprima contre sa poitrine. Elle était faite, titubante, si bien qu’elle portait son beau péplos blanc et non plus son tailleur de stagiaire. Elle posa sa tête sur son épaule et ferma les yeux tout en se tenant debout.
_ Messieurs, tenta Lex à nouveau pour reprendre leur attention.
_ Ça sent l’herbe par là, se rendit compte Dionysos en avançant dans une ruelle.
Pas que ça l’inquiète de laisser seuls le dieu de la Guerre et le dieu capable de résurrection, mais Lex s’inquiétait légèrement pour le pauvre dealer sur lequel ils allaient tomber. Athéna se serra un peu plus contre lui. Bon. Tant pis hein, il n’allait pas leur courir après.
_ Je ramène votre sœur chez… euh, chez moi ! Précisa-t-il. Elle a besoin de se coucher un moment…
Ils avaient déjà disparu dans l’allée. Lex secoua la tête et rejoignit l’avenue pour héler un taxi. Lorsque le véhicule s’arrêta devant lui, un garçon détala près de lui en lançant sur un ton paniqué « mais c’est qui ces malaaades ! ». Le milliardaire aida la déesse à entrer et la laissa se blottir contre lui. Finalement ce n’était pas si désagréable une déesse ivre. Bien au contraire.
En arrivant chez lui, il la portait à moitié. Sans réfléchir, il la déposa sur son lit, elle soupira d’aise et serra l’oreiller dans ses bras. Lex s’assit sur le bord et repoussa une mèche blonde de son visage. Elle se mit à sourire dans son sommeil. Oh il allait crever d’amour devant elle comme un idiot si ça continuait !
« Dénude-la un peu, elle doit avoir chaud. »
Rha, si en plus sa voix intérieure de pervers se réveillait, il était perdu.
« Elle dort. Elle est ivre. »
Oui bon, certes. Il ne craignait pas grand-chose. Il pouvait au moins lui retirer ses sandales. La mince semelle était maintenue par des lacets de cuir qui couraient le long de ses mollets. Il remonta doucement la robe jusqu’aux genoux.
« Un peu plus haut. »
À mi-cuisses disons. Ses jambes fuselées se frottèrent délicatement. Il poussa un soupir et la déchaussa.
« Elle sent bon. »
Oui mais elle sentait quoi ? Il se pencha pour respirer son cou, elle sentait bon le soleil, cette odeur particulière de la peau après une longue journée à la campagne…
Il frissonna. Sa gorge se nouait, son cœur battait un peu trop vite.
« Embrasse-la, elle ne se souviendra de rien. »
Oui mais il préfèrerait quand même qu’elle accepte et qu’elle s’en souvienne.
« Ce serait dommage de manquer cette occasion, crois-moi. »
Il se pencha tout de même vers ses lèvres, et puis il s’arrêta au dernier moment. Comment sa voix interne pouvait se dissocier autant de lui-même ? Lex se redressa et regarda derrière lui. Aphrodite se tenait juste là, à lui susurrer mentalement tout ce qu’il était en train de faire. Il bondit sur ses pieds, surpris.
_ Que faites-vous là !
_ Apparemment pas grand-chose. Elle est là, à moitié nue, toute offerte, et tu n’en profite même pas ?
_ Elle est inconsciente ! Bien sûr que non !
Il attrapa la couverture et borda soigneusement Athéna. Aphrodite ne pouvait rien lui faire directement, elle n’était pas de taille. Mais elle pouvait contrôler aisément les humains pour l’atteindre. Déterminé, il s’enferma dans une chambre, ouvrit sa meilleure bouteille de Scotch et but à son tour.
*
Au petit matin, il avait la gueule de bois, assis au comptoir de sa cuisine américaine, un café près de lui, le journal dans la main.
_ Bonjour bonjour ! Émergea joyeusement Athéna.
Parce qu’elle, elle n’avait pas la gueule de bois, évidemment.
_ Tout va bien ? S’enquit-il tout de même.
_ Très bien ! J’aime dormir sur Terre, les rêves sont plus… terriens !
Elle se servit un café, déjà en tailleur, toute pimpante.
_ Quel bonheur ! J’imagine déjà cette fête grandiose !
Lui aussi. Il se massa les tempes.
_ À propos, vous avez une robe de soirée ?
_ Je mettrai mon plus beau péplos et l’égide de papa !
Devait-il discuter le fait qu’elle souhaite porter une peau de chèvre avec la tête sanguinolante d’une gorgone dessus ?
_ Trop tôt, grogna-t-il en se levant pour aller au bureau.
*
Un mois plus tard, le 14 février, la soirée débutait à peine, Lex faisait les cent pas dans la grande salle du Ritz. Il avait demandé à Clark Kent, le moralisateur pur et dur, d’être bienveillant et de partir tôt. Il aurait bien voulu graisser la patte de beaucoup d’autres, mais Athéna l’avait grondé. Foutue déesse. Il n’avait plus qu’à regarder le désastre se produire. La déco l’avait un poil rassuré lorsqu’il était arrivé, de grandes pièces de tissus pourpres tombaient de la tribune, des cratères d’allure antique contenaient vins, punch, et eau de source claire, un comptoir se consacrait à la création de cocktails, des bacchantes magnifiques avec leur crinière tournaient avec des plateaux et des mets grecs plutôt délicats. Le clou du spectacle restait bien sûr, la statue monumentale d’Athéna en glace qui, par un stratagème divin, ne fondait pas.
La salle se remplissait, son angoisse campait. Matthew et l’équipe du cabinet d’architectes étaient arrivés à leur tour. La maquette attendait sur une longue table, cachée sous un drap de soie sombre, pour le clou de la soirée.
_ Tu sembles bien nerveux, fit Matthew.
_ J’aborde une période de résignation.
_ Tout se passera bien, tout le monde est impressionné par les lieux.
Lex finit par sourire, maigrement mais tout de même.
_ Wow…
Il haussa les sourcils et suivit le regard captif de son ami.
Athéna descendait les quelques marches tapissées de rouge, rayonnante. Son long péplos blanc, presque transparent, laissait deviner ses jambes et sa taille, elle portait ses sandales d’or qui faisaient de chacun de ses pas une danse, une pelisse de fourrure blanche recouvrait ses épaules, fermée au niveau de la poitrine par une broche d’or reprenant la tête de la Gorgone, ses cheveux s’échappaient doucement d’un chignon complexe et lâche. Elle lui sourit en l’apercevant, il déglutit difficilement.
_ Mais bon sang invite-la ou j’le fais, rouspéta Matthew à voix basse avant de s’éloigner.
Sa menace le ramena plutôt sur Terre. C’était une déesse. Une déesse. Immortelle. Éternellement vierge… à qui il allait faire une déclaration pour la Saint-Valentin, une fois débarrassé de la soirée.
_ Ça fait si longtemps que des humains ne m’ont pas célébrée ! Je suis toute excitée ! Lança-t-elle en sautillant. J’adore la statue !
_ Oui, c’est vous.
_ Ouiii !
_ Je dois dire que vous êtes… très belle ce soir.
En vérité il ne trouvait pas de mot. Son cœur s’emballait, il voulait la serrer contre lui, la demander en mariage et toutes ces conneries… Son téléphone vibra alors qu’elle ne cessait de sourire.
« @LexLuthor Virez votre stagiaire et épousez-la. » Tweet de la démone Gloria qui lui jeta un regard impatient.
« @GloriaMain Mêlez-vous de vos affaires. »
Pourquoi conservait-il son compte Twitter, il ne faisait que recevoir des leçons de ses soi-disants amis…
_ Oooh.
Il venait d’apercevoir une personne qui ne devrait pas être là.
_ Attendez-moi, dit-il à Athéna en s’éloignant.
Zeus ne manquait vraiment pas d’air. Il attirait l’attention des personnes dans l’entrée qui le fixaient, dubitatifs. Lex attrapa son bras et l’attira à l’écart.
_ Vous n’êtes pas déguisé en Hugh Jackman mais en Wolverine.
_ Je ne vois pas de quoi vous parlez.
Lex attrapa son poignet, les griffes n’étaient même pas rentrées.
_ Ça a d’la gueule.
_ Dans ce contexte c’est ridicule. Wolverine est un personnage de fiction.
Zeus lâcha un grognement et prit la sortie.
Situation de crise numéro une, enraillée. Lex s’avança vers sa secrétaire.
_ Faites attention aux X-Men.
Elle le jaugea une seconde.
_ Invitez le belle Chloé à dîner avant qu’un autre ne le fasse. Et je suis gentille en disant ça, grommela-t-elle.
_ Ça ne sera jamais trop tard.
_ Vous êtes sûr ?
Elle désigna du menton un point derrière lui. Lex pivota, l’équipe des architectes encerclaient la jolie blonde qui les ensorcelait par sa présence. Il ne se faisait pas d’illusion, personne ne l’aurait jamais. Il avait lu et relu l’Odyssée, immédiatement envié Ulysse qui avait tant voyagé sous sa protection, et tant soupiré à nouveau après elle.
_ Tiens, bois.
Dionysos lui tendait une coupe pleine d’un liquide vert.
_ Vous les dieux, vous êtes complètement immuable ? Interrogea alors Lex en trempant les lèvres dans le beuvrage. Arès sera toujours dieu de la guerre ? Aphrodite la déesse du désir ? Zeus un pervers notoire ? Délicieux ce cocktail.
_ Autant demander si la guerre peut cesser d’être la guerre, si le désir peut cesser d’être le désir, et si Zeus… peut cesser d’être lui-même.
Lex acquiesça et finit son verre d’un trait. Dionysos fit réapparaître un cocktail dans son verre sans que ce prodige n’étonne le milliardaire. Une silhouette étrange passa dans son champ de vision : une jeune femme, vêtue d’une robe fourreau noire, à la peau très blanche, aux cheveux bleu électrique et ramassés en un chignon étriqué, et au regard rouge, un peu comme un lapin albinos.
Lex resta silencieux une seconde et avala son verre cul sec.
_ Je sais pas ce que je bois, mais c’est bon.
_ Une de mes spécialités, répondit Dionysos en réitérant son miracle du beuvrage. Et cette jeune femme est Alecto.
_ … Alecto comme dans Alecto l’Implacable ?
Le dieu se contenta d’acquiescer. Lex marmonna un juron et but à nouveau.
_ Une Furie se balade dans ma soirée, tout va bien.
Athéna revint vers lui, le pied bondissant.
_ Z’avez vu la nana avec les cheveux bleus là ? Fit Lex en tendant son verre vide à Dionysos.
_ Alecto ? Elle a fait un effort de présentation.
_ Ça reste une Furie.
_ Elles n’obéissent à personne sur l’Olympe, tu sais, elles sont un peu sauvages. J’ai bien réussi à les convertir quelques siècles pour qu’elles protègent Athènes, mais nos accords ne tiennent plus aujourd’hui.
_ Oui enfin, si mes souvenirs sont bons, les Furies poursuivent un criminel pour le punir. Elles ne viennent pas boire un verre à un cocktail.
_ Depuis que je reviens sur Terre, les autres divinités sont curieuses de voir ce qui se passe. Nous sommes restés longtemps en autarcie. Comment te dire qui sont réellement les Furies, pour te rassurer…
_ « Tu sauras tout en peu de mots, fille de Zeus. Nous sommes les filles de la noire nuit », déclara la voix calme et froide d’Alecto en s’approchant.
Elle salua Athéna et Dionysos en baissant légèrement la tête. Lex n’était toujours pas rassuré. Il tentait de se rappeler d’un crime qu’il aurait comis et oublié, si saugrenue soit l’idée, mais il ne comprenait toujours pas ce qu’une Furie pouvait bien faire là. Ses yeux injectés de sang et son allure glaciale lui donnèrent des frissons. Une mèche glissa sur son front comme un serpent, en ondulant lentement. Lex déglutit. Les Furies, elles avaient des serpents sur la tête et des ailes noires. Des divinités infernales quoi. Le cocktail que Dionysos lui servait commençait à lui tourner sévèrement la tête. Mais il était tellement angoissé par le cours de la soirée qu’il s’en sentait soulagé. S’il pouvait ne se souvenir de rien…
_ Est-ce que ton humain est débile ?
Lex jeta un œil noir sur la créature qui le scrutait, toujours aussi impassible.
_ Nooon, balaya simplement Athéna.
_ Il semble perturbé.
_ L’humain de madame boit, répondit Lex en entamant son énième verre.
Le milliardaire fut pris de sueurs froides lorsqu’il vit la fine équipe du Daily Planet entrer, Clark Kent, Loïs Lane et Perry White.
_ Je te ressers ? Proposa Dionysos.
_ Volontiers.
_ Non, il a assez bu, intervint Athéna en fronçant les yeux.
_ Tant que je vois net, je n’ai pas assez bu, coupa gravement Lex.
_ Tu es grand, Alexandre, félicita Dionysos.
Le milliardaire serra les mâchoires pour contenir un éclat de rire. Athéna allait repousser gentiment son frère pour qu’il arrête d’abeuvrer son cher humain quand une image incongrue attira son attention. Elle pivota lentement, croyant rêver, puis elle planta ses griffes dans le bras de Lex qui sursauta et renversa son cocktail sur son costume. Loin de se démonter, il grogna et tendit son verre à Dionysos.
_ Que fait-elle ici, siffla froidement Athéna.
Aphrodite lui jeta un regard si plein de défi qu’on aurait presque pu voir des éclairs entre les deux déesses. La déesse de l’amour avançait au bras d’un jeune homme aux cheveux châtains et en complet italien. Une fois devant Athéna, Dionysos et Lex, Aphrodite étira un sourire moqueur, superbe dans sa robe rouge sang. Si belle que la plupart des hommes la fixèrent intensément.
_ Oliver ? S’étonna Lex en tanguant légèrement sur ses jambes.
_ Lex. Sympathique ta soirée, déclara-t-il seulement. Je te présente Valentine, ma compagne.
Le milliardaire resta pantois un instant. Il ne s’aperçut pas que le dialogue muet entre les deux déesses atteignait une certaine hauteur. Il ne voyait que Oliver, ce bon vieux Ollie, fier au bras de la déesse de l’amour, sans se douter de quoique ce soit, un couillon total pour ne pas saisir l’enjeu de cet intérêt subit.
_ C’est du sponsoring ça aussi ? Demanda-t-il en buvant son verre.
_ Non, elle n’est pas autorisée, grogna Athéna avec menace.
Aphrodite eut un léger rire narquois tout en se blottissant contre son cavalier.
_ Alors, tu nous montres la fameuse maquette ? Enchaîna Ollie.
Dionysos remplit le verre de Lex avant que ce dernier ne titube et ne s’avance jusqu’à la large table recouverte du drap.
_ Vous allez voir, c’est fabuloso, se vanta le milliardaire en butant sur le support. Mesdames et messieurs ! Interpela-t-il. Le grand moment est arrivé !
Il inspira profondément, sachant qu’il était saoul et tâché, et tentant par tous les moyens de reprendre consistance. Les invités s’approchèrent, Loïs et Clark sortirent leur bloc note, à l’affût, Ollie s’imposa en première ligne, impatient. Lex allait débuter un discours raccourci lorsqu’il aperçut Alecto dans son champ de vision. Elle le fixait en penchant légèrement la tête, les yeux ronds, comme un chat prêt à sauter sur sa proie.
_ Ahem, fit prudemment Lex.
Athéna s’approcha, de plus en plus inquiète. Il se tramait quelque chose d’évident qu’elle n’avait pourtant pas vu venir.
_ Qu’as-tu promis à mon père ? Demanda-t-elle à voix basse à la déesse de l’amour.
_ Tu connais ses faiblesses, s’amusa Aphrodite. Il voulait le numéro de téléphone d’une humaine. C’est aussi simple que ça. Bon, c’est aussi ce que tu vaux à ses yeux. Désolée.
_ Sale vipère.
_ Admire la chute de ton humain.
Athéna allait rétorquer mais Lex se lança. Il retira le drap d’un geste sec et une vague de flashs le déstabilisa.
_ C’est euh… le bâtiment Athéna ! Comme… Athéna. D’ailleurs vous voyez, les colonnes là, apparemment c’est indispensable. Ne me demandez pas pourquoi. Et ça, ce sont des pitits bonhommes pour donner l’échelle.
Il tenta d’attraper une mini figurine mais se rendit compte qu’elles étaient collées au socle de la maquette. Il prit en grippe l’une d’elle et tenta avec force de l’arracher, sans succès. Il ne s’aperçut pas du silence plombant qui régnait, silence parfois entrecoupé de bruits de flash et des stylos des journalistes qui courraient sur les blocs-notes.
_ Allez mais viens-là !... Bon ! Passons ! Ce merveilleux édifice qui sera réalisé par une fine équipe d’architectes sponsorisés par…
Il pouffa.
_ Les meilleurs. Genre, des dieux.
Il pouffa à nouveau.
_ Immuables, scintillants, tout ça.
Cette fois-ci, il lâcha un rire.
_ Non parce que bon, on pourrait croire que, pas exemple, Arès, soit une sorte de guerrier grec, mais en fait non ! C’est plus un viking surnommé Gédéon ! Je m’égare…
Il se mit à rire à nouveau.
_ Elle minerve… C’est drôle en fait…
Il ne perçut pas Matthew se racler la gorge avec insistance, ou encore Gloria qui plaquait ses mains sur sa bouche, ni même le sourire carnassier d’Aphrodite devant le désastre. Loïs Lane serrait les mâchoires tant elle sentait le scoop. Oliver Queen, quant à lui, tweetait l’infortune du jeune PDG.
_ Et donc on atteint les étages avec des ascenseurs. Moderne me direz-vous ! Mais sachez que les « dieux », et notez que je simule les guillemets, adooorent appuyer sur les bouto…
En voulant se retenir sur la table, Lex glissa et disparut dessous. Des éclats surgirent de toute part, des flashs d’appareil photo, des commentaires consternés et hilares à la fois.
Athéna fut si excédée par le cours de la soirée qu’elle se redressa, serra les poings et relâcha des éclairs qui explosèrent en une fraction de seconde, figeant la salle entière. La déesse se mit à faire les cent pas, furieuse. La broche de Méduse s’anima, les serpents se dressèrent avec menace. Athéna avait bien gagné une dizaine de centimètre. Avec prudence, Arès s’écarta. Seules les divinités pouvaient encore gesticuler. Aussi la déesse de la sagesse remarqua immédiatement le Hugh Jackman qui tremblotait, dos rond, mains tendues en direction du derrière de Gloria qui buvait innocemment un verre. Elle lui jeta un regard si noir que Zeus ne simula plus l’humanité, il se redressa, murmura un « désolé ma chérie » et disparut.
Sa seconde cible fut à la fois la moins évidente et la plus incontestable.
_ Didi !
Sa voix fit trembler sa grande statue de glace, la fendillant par endroit.
Toujours aussi flegmatique, Dionysos se présenta à elle.
_ Que t’a promis cette peste ?! Interrogea-t-elle en désignant Aphrodite.
Cette dernière élargit son sourire.
_ Nous sommes ennuyés de ta suprématie sur l’Olympe, déclara simplement la déesse de l’amour.
Athéna serra les dents. Elle claqua des doigts, libérant Lex de l’immobilité ambiante. Il se releva péniblement.
_ J’ai loupé les boutons, continuait-il son discours, sans remarquer la situation.
D’un second claquement de doigt, la déesse le désaoula brutalement. Lex plaqua ses mains sur sa tête en grimaçant. Gueule de bois subite.
_ Qu’est-ce qui s’passe… Grommela-t-il.
_ Nous avons été piégés ! Tempétait Athéna.
_ Tu n’as jamais été bonne perdante, s’amusait Aphrodite.
_ C’est la guerre que tu cherches ?
Les deux déesses se firent face. Aphrodite repoussa sèchement Oliver pour se mettre sur le même niveau qu’Athéna. Lex, encore hébété par la situation, prit soudainement peur.
_ Mesdames, gardons notre calme, tenta-t-il vainement.
_ La guerre oui !
Ce ne fut qu’à ce moment qu’Aphrodite démontra à son tour une envie déchaînée de gagner, alors qu’elle s’était comportée avec tant de nonchalance jusque là.
_ Très bien, tu l’auras cherchée, se mit à sourire Athéna.
_ J’ai Dionysos à mes côtés, se vanta Aphrodite. Arès ? Mon bien aimé ?
Elle papillonna des yeux en direction du dieu de la guerre qui se gardait bien d’immiscer dans cette histoire. Il se redressa, un peu surpris de ce revirement. Athéna leva les yeux au ciel. Si l’Olympe se rebellait contre elle, elle n’aurait pas beaucoup de soutien. Et Zeus préfèrerait rester neutre pour ne pas avoir à choisir entre sa fille et tous les autres. Arès s’approcha des deux déesses et se rangea aux côtés de sa sœur. Aphrodite ne put cacher une moue dépitée.
_ Désolé amour. Je me range du côté de ceux qui gagnent, ajouta-t-il en jetant un regard de dédain sur Oliver.
Alecto se pressa de s’aligner près d’Arès.
_ Les Furies ne répondent qu’à Athéna.
Seul Lex remarqua le très léger rosissement de ses joues lorsqu’elle posa son regard sur le dieu de la guerre. Il en fut même rassuré. Elle ne venait pas pour le poursuivre lui, mais pour passer la Saint-Valentin avec Arès. Logique. Et heureux. Si le dieu de la guerre s’était rangé du côté d’Aphrodite, adieu les Furies !
_ Très bien, Héphaïstos sera de mon côté, se rassura Aphrodite en haussant les épaules. Poséidon également. Ce qui te laisse… Pff. Héra la desesperate housewife, et les jumeaux timbrés Apollon et Artémis.
_ L’Olympe n’est pas aussi étroit.
_ C’est ce que nous verrons.
Aphrodite et Dionysos s’éclipsèrent. Alecto et Arès n’osèrent pas interrompre le silence d’Athéna, ne la connaissant que trop bien. Lex, tout en se massant le crâne, ne prit pas la même mesure.
_ Une guerre ? Ça veut dire quoi au juste ? Cheval de Troie ? Tout ça ?
_ Nous verrons ça.
Athéna reprenait ses esprits. Elle devait échaffauder des stratégies, probablement.
_ Commençons par ce premier désastre. Tout le monde va avoir la gueule de bois, nous dirons que l’empoisement était général.
Elle frappa dans ses mains, et tous les humains s’animèrent à nouveau, le visage grimaçant, un peu désorientés, suffisamment pour oublier que Lex Luthor s’était ridiculisé et avait roulé sous la table.
*
C’était une catastrophe. Atténuée, certes, mais une catastrophe tout de même. Lex avait promis à ses invités malades qu’il reporterait la présentation et que son fournisseur de boissons se prendrait trois procès. Mais la plupart repartait grognonne, se promettant d’éviter tout cocktail estampillé Luthor.
Il était minuit moins dix, plus que quelques minutes avant la fin de la Saint-Valentin. Autre catastrophe. Lex prenait l’air sur l’une des terrasses du palace pendant que le personnel ramassait les restes de la soirée et se démenait pour éponger le sol après la fonte subite de la statue de glace.
_ Cette peste me le paiera, intervint Athéna, encore échaudée par la déclaration de guerre.
_ Je suis désolé.
Il fallait qu’il se lance où il le regretterait toute sa vie. C’était soit il lui avouait tout, soit il passerait encore des mois à soupirer et à espérer vainement quelque chose. Motivé, malgré sa gueule de bois, il lui attrapa les mains, la faisant tressaillir de surprise, et il inspira un grand coup avant de se lancer.
_ Athéna, chère déesse, peut-être que je ne suis pas totalement désaoulé mais tant pis, il ne me reste que dix… six minutes pour avoir une excuse à mes propos. C’est la Saint-Valentin.
Elle ouvrit la bouche pour rétorquer violemment, le mot « saint » n’étant pas tellement dans ses goûts, mais il n’en lui laissa pas le temps.
_ Je sais oui, c’est la fête aussi de votre pire ennemie, mais je prends le risque. Athéna, vous êtes… merveilleusement belle, et si rusée, audacieuse, tant que j’ai toujours l’impression d’être un adolescent maladroit à vos côtés.
Il s’interrompit une seconde, elle ouvrait de gros yeux, interdite.
_ Quand vous êtes là, j’ai envie de me rouler dans un champ de violettes, de vous recouvrir de lilas, et d’acheter tous les œillets roses du pays pour vous les offrir. Et croyez-moi, je n’ai jamais acheté de fleurs pour qui que ce soit. D’ailleurs je n’ai jamais ressenti ça pour quiconque.
Il se rapprocha, elle recula légèrement la tête.
_ Je vous aime ! Lança-t-il un peu abruptement.
_ Qu…
Lex lui saisit la taille et posa ses lèvres sur les siennes, empli d’une confiance nouvelle, espérant très sincèrement qu’elle ne lui venait pas d’Aphrodite, mais bien de ses tripes d’humain. À présent, deux choix se présentaient à lui : le foudroyement sur place et un face-à-face exclusif avec Hadès, ou un retournement de situation inespéré et une preuve d’amour en retour de la déesse.
Comme elle ne semblait pas bouger, il glissa ses mains sur sa taille, froissant doucement le tissu de sa robe entre ses doigts. Sa peau semblait brûlante, il ne put retenir un soupir de bonheur. Il mordilla sa lèvre en rafermissant son emprise sur sa taille, se disant qu’il pouvait bien mourir, après tout. Il avait ce baiser-là en guise d’oraison funèbre. Il voulut remonter ses mains le long de son dos, voire plus bas, mais finalement il décida de ralentir un peu, histoire de lire dans ses yeux le degré d’acceptation de ses avances.
Alors il recula un peu, soucieux, et constata qu’elle n’avait absolument pas bougé. Il allait se lancer dans un petit discours quand il la sentit rétrécir entre ses mains. Le temps de baisser les yeux sur sa taille, et elle fila dans le ciel comme une fusée de feu d’artifice, ne laissant derrière elle qu’une traînée de paillettes. Lex resta hébété quelques secondes avant de lever le nez au ciel.
_ Et vous reviendrez ?... N’est-ce pas ?
à suivre...