Bonsoir,
Je suis contente ce soir de pouvoir enfin poster quelque chose, ça faisait un moment encore que rien n'avance dans les fics.
Voilà le chapitre 20 qui marque la fin de la première partie de l'histoire, je le sens comme ça, et le tout agrémenté d'un nouveau montage !
Bonne lecture !
Chapitre 20 : The escape
Réunis dans le cabinet de travail du roi depuis plusieurs heures, les deux princes, Witchard, Lydéric ainsi que le roi avaient longuement débattus sur la guerre contre les Barbarians et à présent le sujet du départ de Calya était enfin abordé. Une carte était dépliée sur toute la longueur d’une table et rapidement, une cacophonie de voix d’hommes s’éleva. Chacun voulait à tout prix faire entendre sa vision des choses et proposer la meilleure route à suivre.
Voyant l’exaspération de la princesse, Lionel ordonna le silence et suggéra que les idées soient énumérées à tour de rôle. Tout naturellement, il donna en priorité la parole à son fils ainé qui connaissait le royaume comme sa poche. Celui-ci s’avança et fit glisser son doigt sur la carte en suivant le chemin le plus judicieux à ses yeux tout en expliquant que la seule réelle menace à prendre en compte était les Traqueurs.
_Ce qu’il faut avant tout c’est favoriser une course rapide mais également très praticable pour les chevaux.
_Est-ce vraiment la meilleure solution de se mettre à découvert dans les plaines ? Interrompit Lydéric en comprenant immédiatement le plan d’Alexandre.
_Les Traqueurs devront eux aussi se montrer s’ils ont l’intention d’attaquer. Il est hors de question que nous risquions d’aller nous cacher et de tenter de progresser en passant par les forêts, là où une embuscade est à craindre. Nous devons atteindre Deep Forest qui se trouve à l’autre bout du royaume alors toutes les précautions sont bonnes à prendre.
Lydéric finit par acquiescer, d’accord avec le prince.
_De combien d’hommes aurons-nous besoin ?
_Une dizaine suffiront amplement. Décida Alexandre.
_Dix hommes ! S’exclama Witchard.
_Et bien ?
_Alexandre, si les Traqueurs devaient effectivement vous attaquer il vous faudra plus que dix hommes pour repousser l’assaut !
Il considéra les remarques du conseiller, prit un instant pour réfléchir et changea d’avis pour s’en remettre à ses conseils.
_Et de combien d’hommes aurais-je besoin d’après vous ?
_Par mesure de sécurité partez avec une trentaine de soldats. Vos assaillants ne seront pas moins nombreux s’ils ont bien prévu une attaque.
_Soit.
Alexandre apprécia un moment de silence et comme personne ne chercha à prendre la parole, le plan fut considéré comme accepté par tous. Lydéric salua le conseil avant de quitter la pièce. Il avait encore du travail pour choisir trente hommes pour cette mission qui s’annonçait dangereuse.
_Prends moi avec toi ! S’il s’agit de mettre Calya en sécurité je veux en être ! Implora Lucas.
_Non petit frère. Je m’attendais à une telle demande mais réfléchit, s’il devait m’arriver quelque chose je veux que tu sois ici pour prendre le relai.
Cet argument suffit largement à convaincre le cadet. Il n’avait pas considéré les événements de cette façon et donc il n’insista pas davantage.
_Calya, nous ne t’avons pas entendu jusqu’à présent. Y a-t-il quelque chose que tu souhaiterais dire ? Fit remarquer Alexandre.
Jamais à court de paroles, il était en effet assez perturbant d’être face à une Calya si passive face au débat qui avait lieu et qui la concernait au premier plan. En réalité, la jeune femme n’écoutait ce qui se disait que d’une oreille. Tous les sens en éveil, elle percevait dangereusement la tourmente dans laquelle se trouvait le conseiller. Comme s’il pressentait certains événements à venir. Il n’avait pas parlé sans réfléchir tout à l’heure. D’après ce qu’elle pouvait savoir, il avait suggéré trente hommes en parfaite connaissance de cause. Il savait ce qui arriverait. Cette nouvelle la chamboulait plus que son imminent départ désormais. Elle qui avait placé sa confiance en cet homme qui lui avait tant appris, qui avait tant enseigné aux princes et que le roi suivait dans ses conseils, aujourd’hui elle découvrait sa duplicité. N’était-il donc qu’un traitre ? Immédiatement elle pensait aux émotions si négatives ressenties il y avait maintenant un mois pour le nouvel an. En était-il le responsable ? Elle ne pouvait pas le prouver mais tous ces signes étaient plus qu’inquiétants.
_Je suis d’accord. Répondit tardivement et brièvement Calya en acquiesçant.
Alexandre se tourna ensuite vers son père pour être certain d’avoir son aval. Lionel n’avait rien dit lui non plus, il savait son fils parfaitement capable de mener à bien cette mission sans devoir intervenir. Il mit donc un terme à cette épuisante réunion en réclamant à ce que Calya reste un moment. Elle vint s’asseoir près du roi sans savoir quoi lui dire, sachant qu’ils ne se reverraient pas avant longtemps.
_Je devine tes pensées.
_Pourquoi dites-vous cela ?
_Je ne suis plus aussi vigoureux ni aussi fort que je l’étais lors de notre première rencontre. La vieillesse me gagne, rapidement. Mais je ne suis pas inquiet, mes fils sont prêts à me succéder.
_Ne parlez pas comme si votre vie était terminée. Dit-elle en posant une main bienveillante sur le bras du roi.
_Si elle ne l’est pas cela ne saurait tarder. La tienne commence à peine et je sens une grande force grandir en toi. Je constate l’évolution depuis ton arrivée ici.
Calya ne put réprimer un sourire alors qu’une foule de souvenirs lui revenaient en tête.
_J’ignore si vous êtes la meilleure personne à qui je puisse me confier. C’est au sujet d’Alexandre.
En effet, il ne s’attendait pas à ce qu’elle souhaite aborder ce sujet.
_J’ai été le premier à condamner votre histoire, je ne pensais pas que mon fils pourrait se montrer digne de toi.
_Digne de moi ?
_Tu commences à peine à pressentir la femme que tu vas devenir. Ton existence à elle seule annonce tant de changements ! Alors que pouvait bien représenter l’affection qu’Alexandre te porte ?
_Auriez-vous changé d’avis ?
_Il sait ce que tu représentes et malgré cela, il est là pour toi.
_Alors il ne m’oubliera pas ?
_Je n’ai pas de réponse. Mais qui sait, peut-être l’oublieras-tu malgré toi.
Calya laissa un silence pesant s’installer derrière cette éventualité qui ne lui aurait jamais effleurée l’esprit.
A l’aide d’une canne, le roi se leva de son fauteuil et conseilla à la princesse d’aller se reposer. Instinctivement, elle enroula ses bras autour de Lionel, le remerciant encore une fois de toute l’aide et du soutien qu’il lui avait apporté.
_C’est moi qui te remercie, ma fille.
Bouleversée par cette appellation, Calya força un sourire avant de quitter la pièce en se pinçant les lèvres, les larmes aux yeux.
Le lendemain soir, Calya et Alexandre se retrouvèrent dans les écuries, tous deux attelés à sceller leurs chevaux, en silence. Aucun d’eux n’avait dormi la nuit précédente, lovés l’un contre l’autre et aucun n’avait cherché à perturber le repos de l’autre. Finalement ils garderaient un bien étrange souvenir de leur dernière nuit passée ensemble. La tension était palpable et les chevaux commençaient déjà à s’agiter. Calya passa quelques minutes à calmer Haras qui en plus devait s’habituer à son nouvel équipement.
Sans la surprendre, Alexandre emprisonna une main de Calya qui se laissa guider dans un endroit un peu plus sombre. Devinant ce que le prince réclamait, la princesse s’accrocha désespérément à la nuque de son amant de sa main libre et fonça sur sa bouche avant de se retrouvée plaquée dos contre un mur.
_Calya…
_Non tais toi ! Ordonna-t-elle.
Plus que leur corps, leur cœur se déchirait à l’idée de cette séparation. Les langues se mêlaient avec passion, les mains s’agrippaient avec force et le besoin de se dire adieux était plus pressant que tout le reste. Dans un dernier effort, seuls quelques vêtements furent soulevés ou retirés pour satisfaire cet appel incontestable au plaisir brut et authentique.
Seulement quelques minutes plus tard, ils étaient retournés chacun de leur côté, remplissant leur sacoches de nourriture. Plus chargée, Calya avait emballé quelques effets personnels avec précaution. Prête à partir, elle savait qu’elle ne pouvait pas rester silencieuse sur ce qu’elle savait, même si cela contribuerait à affecter Alexandre.
_Il faut que je te mette en garde.
_Contre quoi ?
Alexandre s’était rapproché de Calya et lui massait la nuque.
_A la soirée du nouvel an, souviens-toi je me suis soudainement sentie mal à l’aise. J’ai clairement sentie que quelqu’un avait de mauvaises intentions contre nous. Je n’ai jamais pu savoir de qui il s’agissait mais…
_Mais…
_Je peux me tromper, je l’espère, je ressentais l’angoisse de Witchard, les Traqueurs vont nous surprendre cette nuit c’est évident ! Et il le sait !
_Que je comprenne bien. Tu suggères que Witchard nous ait menti, alors qu’il m’a persuadé de prendre une trentaine d’hommes justement pour assurer notre défense en cas d’attaque. Calya je ne remets pas en cause tes dons mais avoue que cet argument ne tient pas la route.
_Je sais, c’est étrange, ça n’a pas de sens, mais s’il te plait, au moindre signe étrange, surveille le ! Je n’ai pas confiance.
_Je le ferai, au besoin. Maintenant s’est à toi de m’écouter. Dit-il sérieusement en posant ses mains sur ses épaules.
_Tu ne veux pas d’adieux, je le sais ! Coupa-t-elle.
_Nous nous sommes mis d’accord mais il ne s’agit pas de ça. Si nous devions être attaqués sur la route, tu devras suivre mes ordres à la lettre. Si je te dis de poursuivre ton chemin sans te retourner tu devras le faire. Si tu devais m’abandonner fais-le ! Je viens pour te permettre de rejoindre Deep Forest.
Assimilant difficilement ces directives, Calya acquiesça, comprenant parfaitement l’enjeu de cette mission.
Alexandre et Calya étaient les derniers attendus. Lydéric avait déjà rassemblé ses hommes, tous montés sur leurs chevaux. En prenant la tête du groupe, le prince fit un signe de tête à son capitaine et ils quittèrent la cour pour rejoindre le pont levis qui s’abaissait déjà suite aux ordres d’un soldat. Passant cette barrière, Calya fut envahit de frissons à l’idée de quitter cet endroit, craignant de ne plus y revenir.
Dès que les troupes furent en dehors du château, Alexandre fit prendre une allure plus rapide à son cheval jusqu’à l’entraîner à galoper et les soldats le suivirent dans ce mouvement. Avant de les imiter, la princesse se tourna pour voir la le palais puis la tour d’Argent rapetisser très rapidement sous ses yeux et sans se laisser submerger par la tristesse, elle rejoint Alexandre aux devants en un rien de temps.
Ils galopèrent ainsi en surface plane pendant une heure jusqu’à rencontrer une rivière qu’ils devaient absolument traverser. Fort heureusement, le courant n’était pas violent et il semblait que les chevaux appréciaient un tel rafraichissement après de longs efforts. Certains redoutaient un peu de s’engager aussi profondément et ralentirent donc le groupe. Mais le prince se montra compréhensif. Il descendit même de sa propre monture pour venir en aide aux animaux les plus récalcitrants ainsi qu’à leur cavalier. Mieux valait éviter de perturber ces chevaux capables de se blesser inutilement.
Une fois tout le monde sur la même rive, ils purent repartir à un rythme moins rapide et à quelques mètres plus loin, une mauvaise surprise pourtant prévisible s’annonça à eux.
En voyant en face d’eux cinq Traqueurs eux aussi à cheval, Calya eut un horrible souvenir de sa première confrontation avec l’un d’eux. La même peur s’empara d’elle en les fixant, recouverts de noir et de leur casque en forme de tête de loup.
Préparés à cette attaque, Lydéric et Alexandre communiquèrent à nouveau par gestes et le capitaine s’engagea violemment dans un combat avec quatre de ces hommes pour équilibrer les forces, permettant au groupe restant de poursuivre leur route. Décontenancée, Calya se laissa guider par la voix du prince qui lui hurlait de le suivre. Elle n’avait pas été mise au courant de ce plan de défense. Elle trouvait tellement injuste que des soldats aient été choisis pour partir en mission suicide seulement pour la faire quitter le royaume. Son instinct lui dictait de faire demi tour pour leur venir en aide mais la raison reprit le dessus et elle força Haras à reprendre sa course initiale. Elle espérait seulement qu’il ne se fatiguerait pas trop vite avec autant de changements de vitesse.
Deux heures plus tard, les cavaliers prirent la décision de descendre de cheval pour leur permettre de se reposer. Ils étaient à présent perdus au milieu du plateau le plus vaste du royaume. Cinq des hommes étaient partis en éclaireur à chaque point cardinal, aucune chance qu’ils ne soient surpris à nouveau.
Ne connaissant absolument pas cet endroit, Calya supposa qu’ils avaient parcouru une longue distance déjà et elle voudrait bien savoir où ils se trouvaient précisément seulement elle se sentait incapable d’aller poser la question au prince. Elle ressentait parfaitement son inquiétude pour les soldats restés en arrière et particulièrement Lydéric dont il était apparemment proche. Il espérait même les voir revenir d’un instant à l’autre. Inconsciemment, peut-être avait-il permis de réduire l’allure pour leur laisser une chance de les rattraper.
L’heure suivante fut marquée par un silence beaucoup trop perturbant pour tout le monde et cette tension fatiguait Calya qui était remontée sur le dos d’Haras principalement pour se reposer. Elle ne tenait plus sur ses jambes et sa tête devenait dangereusement douloureuse.
Au loin, un cor retentit, cela venait de la direction d’où ils venaient. Le signal pour les hommes de forcer à nouveau l’allure, des Traqueurs étaient en vue. Tous remontèrent en scelle et alors qu’ils allaient repartir au galop, l’un des éclaireurs parti à l’est fit son apparition en titubant. Recouvert de sang, il balbutia quelques mots incompréhensibles avant de tomber en avant, mort. Sans se laisser dépasser par les événements, Alexandre cria à ses hommes de partir à l’instant où cette fois, une dizaine de Traqueurs sortirent de nulle part, n’hésitant pas à piétiner leur dernière victime venue de la même direction.
Comme la fois précédente, dix hommes levèrent leurs épées et s’arrêtèrent pour combattre, laissant le reste des troupes poursuivre leur mission. En retrait du conflit, Alexandre fit relâcher les montures des éclaireurs encore en vie pour leur laisser une chance de s’enfuir avant d’aller se rapprocher au maximum de Calya. Epuisée, la princesse sentit pourtant une proche menace et elle comprit avant les autres qu’ils ne seraient pas tranquilles longtemps. Les Traqueurs les avaient déjà rattrapés, en nombre réduit mais ils arrivaient rapidement. Apercevant à son tour la menace, Alexandre réfléchit à toute vitesse. Il dénombra ses hommes et dû choisir d’en laisser à nouveau cinq derrière eux.
Epuisés et morts de faim, les derniers rescapés de l’expédition marchaient aux côtés de leurs chevaux qui, eux aussi, peinaient à avancer, la respiration saccadée.
Sachant qu’une longue route l’attendait encore, Calya se sacrifia et préféra donner l’eau qui lui restait à Haras qui apprécia particulièrement le geste, donnant un léger coup de tête contre la poitrine de la jeune femme.
De plus en plus inquiet pour la sécurité de la princesse, Alexandre ne la quittait plus des yeux et tâchait de rester près d’elle. Que se passerait-il s’ils devaient essuyer une nouvelle attaque ? À quatre le prince ne donnait pas cher de leur peau.
Droit devant, des collines s’élevaient sur plusieurs dizaines de mètres et dans un froncement de sourcils, Alexandre scruta l’horizon et après quelques minutes d’observation, un sourire naquit au coin de sa bouche. Au loin, au milieu de l’une des hauteurs, une brève lumière apparaissait par intermittence. C’était le signal.
_Une autre menace ? Demanda Calya, angoissée.
_Non rassure toi. Suivez-moi ! Commanda-t-il.
Tous montèrent en scelle et suivirent impatiemment le prince.
_Où allons-nous ? Questionna Calya, vexée de n’être mise au courant de rien.
_Dans un endroit où tu pourras te reposer un moment.
Cette notion de repos lui semblait tellement impossible et irréelle que Calya se laissa volontiers guider, curieuse finalement de découvrir les plans d’Alexandre. Quand elle y réfléchissait, lorsqu’on lui avait demandé son avis lors du conseil privé, elle n’avait rien eu à dire, ayant une totale confiance en Lionel et Alexandre. Et puis elle ne s’était pas non plus montrée des plus attentives, elle avait très bien pu manquer l’évocation de cette étape dans le voyage.
Les pentes de la colline étaient raides, mais heureusement le sol était sec et les chevaux avaient pu se reposer plus tôt. Par ce fait, leur ascension en était largement facilitée.
Plus ils grimpaient, et plus Calya découvrait que la roche avait été travaillée, sculptée. Des marches se formaient petit à petit sous leurs pieds et des rampes prenaient forme. Mieux encore, des ouvertures apparaissaient dans la roche d’où des hommes en sortaient et y rentraient et à trois mètres au dessus d’elle, Calya fut submergée et put admirer la haute tour de pierre qui trônait là, maîtresse de cette imposante construction. Un escalier tournant menait au sommet, véritable poste de garde stratégique et elle comprit dans quel endroit ils arrivaient.
_Bienvenue à Tyghern Monseigneur ! S’exclamèrent les personnes qui s’étaient à présents rassemblées à l’entrée de la forteresse.
Bien diminué, Alexandre était incapable de leur sourire, il se contenta de les saluer d’un signe de tête et de la main. Les pertes avaient été trop lourdes pour arriver jusque là, il ne s’était pas suffisamment préparé à cette attaque.
A peine furent-ils descendus de cheval que des écuyers se chargèrent des soins à leurs prodiguer et les emmenèrent avec eux. Calya était un peu réticente à l’idée de confier Haras de qui elle s’était rapprochée ces dernières heures mais elle n’eut pas le temps d’y penser davantage. Alexandre entoura un bras autour de ses épaules et l’encouragea à le suivre à l’intérieur. Tout impressionnait la princesse, cette forteresse creusée dans la montagne, ces installations si bien pensées et tout ce monde qui s’affairait ici.
Un dédale de couloirs se présenta à eux et le couple s’enfonça profondément jusqu’à descendre un escalier qui conduisait à une unique salle vaste, équipée en meubles, mais très sombre, donnant une sensation d’emprisonnement. Deux hommes semblaient les attendre et prirent place dans des fauteuils, bientôt imités par les nouveaux occupants.
_Nous vous attendions plus tôt votre Altesse.
_Nos troupes ont subi les attaques répétitives des Traqueurs.
A ce nom, les deux hommes ouvrir de grands yeux avant de se lancer un regard, preuve incontestable de leur stupéfaction.
_Partis à trente, nous arrivons à cinq. Déclara directement Alexandre, reconnaissant là son manque de discernement.
_Ici aucun fait troublant n’a été soulevé. Mais, soyez tranquille mon prince, vous êtes en sécurité. Répondirent-ils, faute de trouver de meilleures paroles.
_Nous ne restons que quelques heures, le peu d’hommes qu’il me reste a besoin de repos. Je ne veux pas être dérangé. Fit-il savoir avant de conduire Calya hors de cette pièce.
Revenus à leur point de départ, Alexandre s’arrêta à l’entré de la caverne et se tourna vers la princesse.
_Tu vas être amenée à ma chambre, prend le temps de te reposer. Ensuite je reviendrai avec un repas nourrissant et tu pourras me poser toutes les questions que tu voudras. Promit-il en déposant un baiser sur son front.
Calya le laissa partir et le suivit du regard alors qu’il empruntait l’escalier menant en haut de la tour de garde. Oui, elle avait hâte de se retrouver seule avec lui pour en savoir plus sur cet endroit.
Ces instants de solitudes lui parurent rapidement être des heures. Ne rien avoir d’autre à faire qu’attendre était terriblement angoissant après un voyage si dangereux et éprouvant. Elle ne réalisait pas que plus de vingt hommes étaient morts. Elle avait sous-estimé la violence des Traqueurs elle aussi. Tout son être en était perturbé, alors elle peinait à imaginer la colère d’Alexandre qui serait considéré responsable de la perte de ces soldats. Une boule se forma au creux de sa gorge et elle n’eut qu’un visage désolé à offrir au prince qui revint enfin la voir. Il apportait avec lui viande et légumes sur un plateau, mais toute cette nourriture lui retournait en fait l’estomac. Elle attendit qu’Alexandre la rejoigne sur le lit et elle l’enlaça sans trouver de mots justes à lui murmurer.
_Il faut que tu dormes, nous ne restons que quelques heures.
_Puis-je au moins savoir où nous sommes ?
_C’est une forteresse construite lors de notre première guerre contre les Barbarians. Nous l’avons scrupuleusement gardée secrète depuis lors. C’est pourquoi mon père a omis d’en parler lors du conseil. Il n’a évoqué la question d’une halte qu’avec moi et en privé. C’est aussi un point de repère pour les soldats. Je souhaiterais, il n’est pas impossible de penser que…
_Tu espères que certains s’en soient sortis, et parviennent à nous rejoindre. Comprit-elle.
Très concernée par l’inquiète palpable du prince, Calya fit son possible pour lui apporter du réconfort, même par une simple caresse.
Il la remercia d’un baiser sur le front avant d’aller grignoter quelque chose puis de se débarrasser de son armure et de sa côte de maille. Il soupira d’être un peu soulagé de cet énorme poids et il retourna sur le lit, pour s’y allonger cette fois. Calya vint se blottir contre lui, appréciant plus que n’importe quoi ce contact humain si particulier. Une fois sa tête posée contre le torse d’Alexandre, la jeune femme n’eut aucun mal à trouver le sommeil.
Un peu plus tard, Alexandre fut tiré du sommeil par des coups donnés contre la porte, accompagné d’une voix qui murmurait.
_Monseigneur, levez-vous, Monseigneur !
En prenant bien garde à ne pas réveiller aussi Calya, le prince attrapa son oreiller qu’il cala sous la poitrine de la jeune femme en compensation de son corps contre lequel elle s’était reposée. Il se rhabilla en vitesse avant de sortir de la chambre et trouva un jeune valet porteur d’un message.
_Quelles nouvelles apportes-tu ?
_Un groupe de cavaliers arrivent, ils ont donné le signal de reconnaissance.
Croyant difficilement à une telle information, Alexandre imposa une main sur l’épaule du jeune garçon, le toisa du regard avec de grands yeux ébahis et il constata qu’il n’y avait pas de mensonges sur son visage. Il se précipita alors à l’extérieur et déjà, de lointains hennissements se faisaient entendre. Au pied du fort, Alexandre intercepta un soldat, en quête d’autres indications.
_Combien sont-ils ?
_Ils seraient cinq Monseigneur.
Satisfait de la réponse mais déçu du contenu, il se contenta d’un acquiescement avant d’aller à la rencontre des nouveaux arrivants en haut de l’escalier. Reconnaissant ses soldats laissés en arrière, Alexandre leur apporta main forte et vint leur prouver sa gratitude. Il ordonna à ce qu’on prenne grand soin d’eux. Dernier à arpenter la montagne, fermant la marche, Lydéric descendit de cheval, les traits marqués par la fatigue et les combats endurés. La gorge nouée, Alexandre vint enlacer son capitaine et ami qu’il désespérait de revoir.
_Tu ne t’imaginais quand même pas que je claquerai sans avoir un peu profité de mon statut ?
_Je vous ai tous envoyé à la mort sans me préparer au pire. Je ne fais décidément pas honneur à mon armée.
_On nous a tendu un piège, qui pouvait savoir ? Ne te rend pas coupable. Nous n’avons pas encore échoué.
_Les Traqueurs vont continuer à nous poursuivre. A dix nous ne sommes pas de taille à les repousser.
_Vous n’êtes que dix ! S’exclama Lydéric en agrippant le bras d’Alexandre.
_Nous sommes dix en tout ! Répéta-t-il avec dégoût.
Le prince accompagna son capitaine à l’intérieur en lui expliquant que malheureusement, ils n’auraient pas le temps de prendre de repos et il se montra reconnaissant face à la motivation perceptible chez ces retardataires pourtant blessés.
Il ordonna qu’on leur prodigue des soins rapides et qu’ils puissent manger et il s’éclipsa pour aller se préparer.
La plupart des muscles engourdis, c’est avec difficulté et douleur qu’il enfila à nouveau sa cotte de maille. Dans le lit, Calya ouvrait tout juste les yeux, groggy par un repos si court. En se levant, elle chercha les bras d’Alexandre qui l’accueillir avec douceur et une intrusion dans la chambre les distrait du bienfait de cette courte étreinte.
_Nous sommes prêts. Informa Lydéric, saluant la princesse au passage.
Bouleversée par cette apparition, la jeune femme plaqua ses mains sur sa bouche en étouffant une exclamation et interrogea Alexandre du regard. Ainsi dont il avait eu raison d’espérer.
_Ils sont quelques uns à être revenus.
Calya laissa sa joie s’exprimer et des larmes coulèrent le long de ses joues. Voir ces courageux soldats se sacrifier pour assurer sa protection lui avait déchiré le cœur et les voir revenir allait lui donner la force nécessaire de terminer ce voyage.
Après un dernier signe de salutations, les dix rescapés reprirent la route avec pour unique but, atteindre Deep Forest. Ils s’engagèrent sur une route creusée dans la montagne permettant de la traverser en son centre. Au moins à travers ce chemin escarpé, ils savaient que les Traqueurs ne se montreraient pas, leur marge de manœuvre en serait trop réduite. Calya réalisait qu’en dépit de leur soif d’extinction de tous les loups, ces dangereux ennemis usaient des mêmes stratégies d’attaques, ils attaquaient en meutes organisées.
Soudainement agressée par le froid, la princesse réalisa qu’à présent, il était impossible de voir à plus de cinq mètres devant soi. Un brouillard très épais les surprit et Alexandre interdit aux cavaliers de s’éloigner. Heureusement pour eux, le sentier avait été agencé de façon à faciliter la traversée de la montagne, notamment pour des cavaliers. Plus qu’avancer, il s’agissait maintenant de rester parfaitement concentrer dans cet environnement devenu plus hostile. Dans de telles conditions, une mauvaise surprise n’était pas à exclure. Calya imita le réflexe d’Alexandre et posa sa main sur le fourreau de son épée, sécurité qu’elle espérait être également copiée chez les soldats derrière elle.
Après deux longues heures de marche à travers la montagne brumeuse, les cavaliers entamèrent leur descente à travers des chemins glissants et escarpés. Tendu, le petit groupe attendait avec impatience de regagner la plaine. Le brouillard les avait énormément ralentis et à présent, ce nouvel obstacle mettait leurs nerfs à rude épreuve. Constatant la difficulté des animaux à progresser dans un tel milieu, Calya suggéra que les chevaux soient détachés, la princesse préférait éviter tout risque d’accident. Si l’un des chevaux était amené à glisser, au moins les autres ne seraient pas entraînés dans la chute. Chacun s’affaira donc à détacher sa bête et Calya prit quant à elle un petit instant pour caresser et murmurer des paroles réconfortantes à Haras qui apprécia grandement l’attention. Non loin d’elle, Alexandre sourit à la jeune femme. Il était toujours en admiration devant son comportement si vigilant.
Ils reprirent leur route et au plus dur de la descente, les cavaliers passèrent devant pour guider l’avancée des chevaux récalcitrants à mettre un sabot devant l’autre. Et puis, subitement, les animaux s’agitèrent, hennissant et tentant de se dégager de l’emprise de leurs maîtres qui maintenaient les rennes avec fermeté. Quelques secondes s’écoulèrent avant que Calya ne comprenne tout. Ils n’étaient pas seuls ici. Le groupe subissait toujours les inconvénients de ce brouillard qui ne s’était que partiellement dissipé, mais la jeune femme perçut très distinctement une voix qu’elle seule pouvait entendre.
_Ils vous ont repéré. Ils attendent au pied de la montagne.Cette nouvelle terrorisa Calya. Ils n’étaient pas prêts. Ils n’avaient aucun visuel et donc aucun moyen de dénombrer leurs adversaires, aucun moyen de prévoir l’assaut.
_Que devons-nous faire ?
_Nous allons les retenir, mais soyez prêts, c’est toi qu’ils sont venus chercher. _Calya ! Appela Alexandre pour la troisième fois.
_Les Traqueurs attendent en bas, tenez-vous prêts à vous battre ! S’exclama-t-elle.
Personne ne comprenait vraiment ce qu’il se passait. Les chevaux se calmaient mais une menace plus grande les attendait. Alexandre lança un regard à Calya. Lui se doutait de ce qui était arrivé, il se rappelait des confidences de la princesse. Des chevaux qui s’agitaient et une absence d’esprit, des loups devaient être tout proche et avaient communiqués la présence des Traqueurs.
Dans un même mouvement, les épées furent dégainées et les boucliers sortis. Alexandre avait un mauvais pressentiment. Comment pouvaient-ils avoir une chance de s’en sortir dans une telle configuration ? Pour le moment rien ne leur permettait de se mettre en ligne et sortir les arcs était inutile sans vision par l’avant.
_Alexandre.
Lydéric était descendu de cheval pour rejoindre le prince.
_Dès que nous aurons touché terre, laisse les soldats partir devant et vous protéger toi et la princesse.
_Tu es fou, je ne vous laisserai pas cette fois !
_Il faut s’en tenir au plan initial, se sont tes directives ! Nous retiendrons les Traqueurs, toi, fonce avec Calya jusque Deep Forest.
Sans attendre de réponse, le capitaine remonta en scelle, sachant pertinemment qu’il avait raison.
Plus tendue que jamais à l’idée d’affronter à nouveau ces adversaires qui l’effrayait, Calya échangea un regard avec Alexandre.
_Lydéric a raison. Appuya-t-elle avec fermeté.
Un hurlement retentit en contrebas. Calya attendait ce signal puis le prince prit le relais en ordonnant l’assaut.
En débarquant dans la plaine, tous purent constater que le brouillard était moins épais et les ennemis à portée. Les canidés avaient déjà bien entamés le combat, ils étaient venus nombreux. Calya avait du mal à comprendre la raison d’une si grande loyauté envers sa seule personne.
Comme prévu, les huit soldats rescapés s’engagèrent à leur tour dans la bataille et ils avaient bon espoir car en surnombre par rapport aux cavaliers adverses qui n’étaient que six. Avec les loups comme alliés, la victoire leur était favorable.
Restés en arrière, Alexandre et Calya souhaitaient eux aussi participer avant de filer. Arc et carquois sortis, ils jouaient les archets avec une étonnante précision. Trois de leurs ennemis étaient touchés mais, ils ne pouvaient retarder plus longtemps leur départ. A contre cœur, ils laissèrent à nouveau derrière eux leurs compagnons et lancèrent leurs montures au galop pour une dernière chevauchée jusqu’à l’immense forêt qu’ils apercevaient déjà.
Seulement quelques instants plus tard, Calya faillit perdre tout contrôle sur elle. Le cauchemar n’était pas terminé. Elle hurla le prénom de prince qui aperçut tout comme elle trois Traqueurs qui cherchaient à les encercler.
Alexandre n’eut pas à réfléchir, il avait envisagé cette situation, mais pas que le danger serait aussi extrême. Il se rapprocha alors au maximum de Calya pour s’assurer qu’elle comprenne parfaitement ce qu’il s’apprêtait à lui dire.
_Tu te rappelles ce que je t’ai demandé avant de quitter le palais ?
Horrifiée, Calya se souvint de sa promesse mais elle n'imaginait pas abandonner Alexandre à son sort.
Seul contre trois, même si elle le savait puissant, il n'était pas en mesure de venir à bout de plusieurs Traqueurs, surtout après un voyage aussi épuisant.
Ils n’avaient plus le temps. Sans lui laisser le choix, Alexandre donna un violent coup de cravache à Haras qui se cabra avant de partir au galop. Malgré les efforts de Calya, elle ne parvint pas à l'arrêter ou le forcer à faire demi-tour, il filait droit dans les bois.
Impuissante, Calya se retourna pour voir Alexandre se battre énergiquement contre ses ennemis jusqu'à ce qu'il soit désarmé. Il tomba d’abord de cheval et fut rapidement mit à terre. Calya pu voir très nettement les Traqueurs le frapper de plusieurs coups d'épée.
En pénétrant dans la forêt, Haras fut ralenti par l'abondance d'arbres et de végétation et sa cavalière finit enfin par le maîtriser. En pleurs, elle chercha à tout prix à le faire faire demi-tour mais l'animal était trop effrayé par ce nouveau milieu.
Rapidement et par désespoir, Calya se chargea en armes et partit en courant pour secourir Alexandre même si, au fond d'elle, elle savait que les Traqueurs l'aurait battu à mort.
Elle ne sentit même pas les blessures des branches sur son visage, elle fonça droit devant en ne pensant qu’à Alexandre, plus rien ne comptait. Elle fut stoppée dans sa course, heurtant violemment quelque chose qui la fit tomber en arrière. Ce ne fut qu’en relevant la tête qu’elle comprit qu’elle venait d’être appréhendée par un loup qu'elle connaissait bien. Elle se dégagea rageusement pour repartir, n’ayant déjà plus en tête l’aide apportée tout à l’heure.
"Ne fait pas ça malheureuse"_Il va mourir si je ne vais pas à son secours ! Hurla-t-elle entre ses sanglots.
« Il est déjà mort. Quelle chance avait-il seul contre trois Traqueurs d'après toi?"Anéantie, Calya lâcha son épée, tomba dans l'herbe et laissa sa souffrance s'exprimer.
"C'était sa mission de te permettre d'accomplir la tienne."A suivre…